Réflexions autour de l'idée du Revenu Citoyen
Bien que rejetée dans le rapport " minima
sociaux, revenus d’activité, précarité " de Jean-Michel Belorgey
remis à Monsieur Jospin (Le Monde du 29 février 2000), cette idée du Revenu
Citoyen fait son chemin. Ignacio Ramonet, rédacteur en chef du journal
"Le Monde Diplomatique", dans son éditorial de janvier 2000
qu'il intitule "L'Aurore", explique: "Établir
un revenu de base inconditionnel pour tous, octroyé à tout individu, dès
sa naissance, sans aucune condition de statut familial ou professionnel.
.../... Son instauration repose sur l'idée que la capacité productive
d'une société est le résultat de tout le savoir scientifique et technique
accumulé par les générations passées. Ainsi les fruits de ce patrimoine
doivent-ils profiter à l'ensemble des individus, sous la forme d'un revenu
de base inconditionnel. Lequel pourrait s'étendre à toute l'humanité,
car d'ores et déjà le produit mondial équitablement réparti suffirait
à assurer une vie confortable à l'ensemble des habitants de la planète."
Nous avons repris dans l'étude qui suit quelques
un des arguments développés dans "Le revenu de citoyenneté, un projet
pour le Québec" par Michel Bernard, philosophe, et Michel Chartrand,
syndicaliste (Éditions du Renouveau Québécois, 144 pages, 1999.),
ainsi que ceux apportés par Jean-Marc Flament.
1 - Définition:
Le Revenu Citoyen (RC) serait attribué à tous les citoyens. Il serait
d'un montant suffisant pour permettre l'acquisition des biens de première
nécessité : nourriture, vêtements, logement, éducation, santé, loisirs
de base, tous biens utiles au respect de soi-même et au rôle de citoyen.
Il réalisera l'objectif de pauvreté zéro. Le montant en sera égal pour
tous. Cumulable avec des revenus de travail ou d'autres ressources, l'ensemble
sera imposable directement (impôt sur le revenu) et indirectement (TVA).
Deux hypothèses d'application peuvent être envisagées:
- Le Revenu Citoyen est distribué à la majorité. C'est cette hypothèse
que nous prendrons pour le calcul en annexe, mais uniquement pour simplifier,
et non par choix véritable.
- Le Revenu Citoyen est distribué dès la naissance, progressif avec l'âge,
avec suppression pure et simple des allocations familiales. Cette option
est très défendable: il suffit de considérer qu'il s'agit d'un" dividende social ". Chaque
enfant qui naît hérite bien d’une dette publique en raison de sa seule
appartenance à un Etat et, bien que n’ayant aucune responsabilité à l’origine
de cette dette, il devra l’assumer le moment venu. De même, chaque enfant
qui naît est aussi l’héritier de l’actif social. Ce qui existe est dû
au travail et aux impôts des générations précédentes. Par exemple, les
technologies (dont il bénéficiera, mais en payant) ont été produites grâce
aux investissements des générations précédentes, via l’impôt, dans l’enseignement
sans lequel il n’y aurait ni recherche ni technologies..
2 - Historiquement:
Au gré de l'enrichissement de la société et des difficultés financières
pour certains citoyens, nous avons instauré divers systèmes d’aides. Cela
s'est fait plus ou moins spontanément sans plan d'ensemble suivant l’avantage
politique offert par ces programmes : le RMI, les indemnités chômage,
les allocations familiales puis les crédits d'impôts, puis les places
en garderies, puis des aides à la rentrée scolaire, les prêts et bourses
aux étudiants. D'autres systèmes d’aides s’ajoutèrent, comme le congé
parental, et d'autres s’ajouteront probablement encore..
En somme, pour assurer l'accès aux biens de première
nécessité ou a un revenu de base, on a créé de multiples statuts, dont
certains obligent les citoyens à devenir de perpétuels demandeurs dans
le labyrinthe des programmes et des aides. Pour régler des problèmes qui
sont fondamentalement de même nature, on a multiplié les types d’aides.
Pourquoi cet arsenal alors qu'un revenu citoyen pourrait se charger de
l'accès aux biens de première nécessité ? C'est une nouvelle direction
vers un mode de collaboration sociale,
plus centré sur la valeur de l'existence humaine en soi, sans égard
au statut, plus respectueux des principes qui ont fondé le droit social.
3 - Un revenu inconditionnel
Les revenus de transfert actuels sont conditionnés par le montant des
ressources, la situation familiale, l'engagement à la recherche d'un emploi,
l'âge, l'aptitude ou non au travail, etc. Avec l'adoption du RC, il n'y
aura plus de personnes en situation de demandeurs, plus de catégories
constituées en fonction de différents critères, (prestataires de l'aide
sociale ou de l'assurance emploi, bénéficiaires de pensions de vieillesse,
femmes à la maison sans revenu, étudiants en train de s'endetter, etc.,).
Il n'y aura que des citoyens égaux en dignité recevant le RC.
Le RC n'est pas du en charité mais en droit,
car seul le droit est compatible avec la dignité humaine. Il n'y aura
donc plus de vexations pour ne pas dire d'humiliations, pas d'enquêtes,
pas de programmes d'emplois bidons. Pas de questionnaires, ni de formules.
Tout se passe actuellement comme si les gouvernements voulaient enlever
aux bénéficiaires le respect des autres qui est pourtant un ingrédient
du respect de soi. Avec l'adoption du RC, celui qui subirait une exclusion
à cause des risques sociaux, celui qui perdrait son emploi n'aurait pas
à s'expliquer: il recevrait déjà son RC sans condition.
4 - Fondement dans le droit social:
Pour
fonder l'inconditionnalité du RC ou d'une rente d'allocation universelle,
certains militants Européens (Bresson, Van Parijs, Ferry) ont voulu le
fonder sur le fait qu'en tant que citoyen d'un État, nous sommes propriétaires
des ressources naturelles du territoire de cet État et des progrès, des
savoirs issus des générations passées: Celui qui se retrouve sans rien
a été extorqué d'un droit naturel par des conventions humaines.
On peut aussi fonder le RC sur les droits de
la personne, particulièrement les droits sociaux. Il ne faut pas laisser
la question de l'accès aux biens de première nécessité ni à la compassion
des riches, ni à la charité. On doit combattre la tendance à laisser toutes les affaires humaines à l'économie,
au marché.
5 - Le RC ne crée pas de nouveaux droits:
Il prend au sérieux les droits sociaux qui sont déjà dans la Déclaration
universelle des droits de l'homme : Article 25 : " Toute personne
a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être
et ceux de sa famille notamment pour l'alimentation, l'habillement, le
logement, les soins médicaux ainsi que les services sociaux nécessaires"
Les Constitutions proclament des droits-libertés
et des droits sociaux. Les droits-libertés protègent le pouvoir d'agir
de l'individu contre les autres et contre l'État en garantissant la liberté
d'expression, les droits politiques, les droits judiciaires, le droit
d'association et celui de la propriété privée. Les droits sociaux sont
des pouvoirs d'obliger l'État à fournir une prestation, ils instaurent
une créance de l'individu à certains droits ; par exemple, le droit à
l'instruction publique gratuite, aux services de santé, etc.. Cette ambiguïté
des droits a marqué les débats depuis plus d'un siècle. Comme le RC prend
au sérieux les droits sociaux, il est au centre de ce débat. Par exemple,
les néolibéraux nient l'existence des droits sociaux ; ceux qui se sont
enrichis en respectant le droit de propriété ne doivent rien à personne
; la doctrine du néolibéralisme est en progrès, c'est hélas indiscutable
.
6 - Jusqu'où aller dans l'égalité ?
Notre
mode de collaboration sociale devrait être structuré de telle façon qu'il
respecte les libertés de base et les droits sociaux. Ainsi, l'obtention
de plus de biens pour certains ne peut être justifié par la perte de droits
fondamentaux chez les autres. Donc, le revenu de citoyenneté n'est pas
l'application d'une utopie égalitaire qui risquerait de réduire à la fois
la part des bien nantis et des défavorisés. Il ne s'agit pas d'une position
fondée sur l'envie qui voudrait enlever aux autres ce qu'on n'a pas pour
soi-même. Il ne s'agit pas d'uniformiser les individus qui pourront se
distinguer comme ils le veulent par leur définition du bien, par leurs
projets de vie, par leur travail, par leur instruction, par leur richesse
même : mais pas par la présence ou l'absence des biens de première nécessité,
car le respect de l'humanité présent dans chaque individu et l'égalité
des chances impliquent cet accès pour tous.
L'égalité des chances suppose que ceux qui veulent
améliorer leur sort puissent le faire par un véritable accès à l'éducation
et aux postes de responsabilités. Cela ne se réalise pas seulement avec
l'éducation gratuite et l'accès égal aux soins de santé. Il faut viser
les institutions qui marient efficacité et justice. Le système de collaboration
social doit développer tous les talents et il est entendu que le résultat
final n'est pas l'égalité absolue. Nous considérons aussi que le RC doit
compenser l'effet de la loterie naturelle: personne n'est responsable
de sa position de départ, mais chacun est responsable de développer son
talent et la société doit lui permettre de le faire. Les inégalités légitimes
sont celles qui ne réduisent pas l'égalité des chances, car en absence
d'égalité des chances, toutes les inégalités apparaissent injustes ; c'est
pourquoi le principe de l'égalité de chances est inviolable. Sans le système
de collaboration sociale, nous ne pourrions réaliser qu'une infime partie
de nos potentiels. Chacun peut réaliser une trajectoire d'excellence parce
qu'il peut compter sur les autres pour le libérer du reste.
Certains préconisaient d'abolir l'héritage pour
favoriser l'égalité des chances : nous suggérons plutôt d'accorder positivement
à chacun son héritage venu du travail passé des hommes, par le RC, héritage
qui ne doit pas servir à enrichir une minorité ou accentuer les inégalités
naturelles ou sociales.
L'égalité face aux biens de première nécessité
est un moyen vers l'égale dignité des personnes: il ne peut y avoir sur
ce point de citoyens de première classe et de deuxième classe. Par exemple,
nous avons exprimé de grandes réticences face à la médecine à deux vitesses.
L'homme vaut en soi et non seulement comme travailleur ou comme ustensile
d'enrichissement d'une minorité. Il faut cesser de reproduire les inégalités
héréditaires et les classes sociales. L'égale dignité implique l'égalité
des chances et l'accès égal aux fonctions que crée notre mode de collaboration.
7 - Comment financer le revenu citoyen
?
Ce
qui coûte cher c'est de laisser les talents en friche; c'est l'exclusion,
la pauvreté. Mais le manque d'intelligence et de leadership politiques
et la comptabilité gouvernementale archaïque (par exemple le calcul du
PIB, dans lequel entrent les dégâts d’une " marée noire "
ou d’une tempête) ne tiennent pas compte des coûts cachés provoqués par
l'absence du traitement intelligent des problèmes d'exclusion d’aujourd'hui
lesquels se traduiront par des coût réels décuplés dans les années futures.
Il faut rompre avec l'image simpliste du gâteau à partager car l'élimination
de la pauvreté, la fin de la précarité, l'éducation, la santé, le logement
ont cette faculté de justement grossir le gâteau, si bien que tous auront
plus en fin de compte. L'amélioration de la position des mal lotis n'implique
pas nécessairement la détérioration de la position des bien nantis.
Le programme de revenu citoyen s'autofinancerait
probablement, si on veut bien calculer correctement en soustrayant le
coût des multiples programmes actuels qui seraient remplacés, les recettes
fiscales découlant de l'activité économique supplémentaire (relance de
la consommation) occasionnée par le revenu citoyen et les coûts indirects
de l'exclusion . Il entraînera une hausse dans la demande de biens essentiels.
Il permettra aussi une croissance remarquable des activités non marchandes
qui ont une valeur économique certaine même si la comptabilité nationale
ne les codifient pas comme du travail. Ferry parle du secteur quaternaire
: des activités sociales de soutien, de formation, d'animation dans les
domaines associatifs, communautaires et culturels, hors des secteurs de
la grande production. Il faut aussi quantifier la valeur de la réduction
de l'insécurité, de l'humiliation et de la souffrance qui l'accompagne.
8 - La dissociation du travail et du revenu.
La réduction du temps du travail est une réalité
sociologique. L'humanité a toujours cherché à réduire le travail et elle
y réussit très bien. Le chômage croissant est dissimulé sous le travail
à temps partiel, temporaire, autonome. On entre plus tard sur le marché
du travail et le nombre d’années de vie après la retraite augmente. Les
emplois à temps partiel croissent plus vite que le salariat à temps plein.
Le capital est propriétaire de la technologie et partage de moins en moins
avec les travailleurs. Au Canada, 23% des chefs de famille pauvres ont
travaillé, aux USA c'est 20% des travailleurs qui sont sous le seuil de
pauvreté. Nous produisons plus que jamais avec de moins en moins de travail
et nous persistons néanmoins à définir le travail rémunéré comme le seul
mode d'accès aux biens (hors l'héritage et les revenus du capital). Heureusement,
c'est un premier pas, en France on vient de voter la semaine de 35 heures
malgré l'immense force de lobby du patronat.
Actuellement, il n'est plus nécessaire pour la
plupart des gens de travailler à la production de biens d’existence. Si
une minorité de moins de 20% de la population active peut produire ce
genre de biens pour la population entière d'une société donnée, pourquoi
ne pas trouver les moyens de redistribuer ces produits, ce qui assurerait
la survie de tous. Une partie de la population reste dans l'insécurité
quant aux biens premiers, car nous maintenons une structure d'insertion
sociale et d'accès aux biens fondée sur un travail qui s'amenuise. La
situation devient de plus en plus absurde car, d'une part les biens abondent
et, d'autre part, le travail diminue. On continue de voir le travail comme
le seul mode d'intégration sociale et d'accès aux biens. On continue aussi
de lier certaines aides à la preuve de recherche d'un emploi.
Mais néanmoins, si 20% de la population peuvent
produire les biens de première nécessité, ce ne sont pas les seuls biens
nécessaires. Comme
si seule existait la production de richesses !
Il reste tant à faire ! Pas seulement en Europe mais dans
le monde entier. Bien sûr, tout ce qui reste à faire n’est pas directement
rentable à court terme (sinon ce serait déjà fait) mais si, justement,
nous avons réussi à limiter à 20% la main d’œuvre nécessaire à la production,
c’est pour qu’on s’intéresse davantage à la personne humaine.
Quelques exemples:
-N’avons nous pas trop souvent des classes surpeuplées. Une augmentation
du nombre d’enseignants ne permettrait-elle pas de réduire l’échec scolaire,
d’apporter un surplus de compétence aux enfants …ce qui se traduirait
à moyen ou long terme par une économie ou une amélioration des performances
?
-Les organismes publics comme la poste et les administrations d’une part,
les commerces d’autre part sont-ils accessibles à ceux qui travaillent.
Ne pourrait-on les dédoubler par un service d'horaires élargis qui permettrait
d’éviter les files qu’on rencontre presque à toutes heures du jour et
qui occasionnent du stress et de l’énervement ?
-Y a t-il une prise en charge suffisante des problèmes psychologiques
et sociaux des gens ? Un travail de prévention ne devrait-il pas être
réalisé par des intervenants sociaux ? Quand on connaît un peu les conséquences
des problèmes que les gens rencontrent dans l’éducation, le suivi scolaire
de leurs enfants, dans les méandres de l’administration, dans leur méconnaissance
des lois, etc…on imagine aisément l’économie à long terme que permettrait
l’affectation d’intervenants sociaux en nombre suffisant du point
de vue des placements en institution évités, des impôts à percevoir plutôt
que des allocations à pourvoir.
-Les personnes âgées ou moins valides n’ont-elles pas besoin de services
qui n’existent pas à présent faute de rentabilité mais qui leur éviteraient
des risques d’accident, d’agression et leur ouvriraient d’autres horizons
?
-Tous les livres sont-ils traduits en braille ?
-N’y a-t-il pas un travail énorme à réaliser dans les pays du Tiers-Monde
?
9 – Objections et réponses
Objection
1:
Les désirs de l'homme sont illimités et que la création de nouveaux produits
et services maintiendra le travail comme pratique d'accès au revenu et
aux biens.
Notre réponse: Cette logique conduit à une impasse, car les ressources
de la Terre sont limitées et la multiplication de désirs de plus en plus
marginaux ne répond pas au besoin de sens inscrit dans toute activité
humaine.
Objection 2 : le RC désinciterait
à travailler.
Notre réponse: Cet argument est réfuté par le fait que le revenu
de travail se cumulerait au RC. Personne n'aura intérêt à demeurer inactif
afin de recevoir ce minimum vital. Toutefois, le travailleur pourrait
mieux refuser un travail dangereux, rébarbatif ou épuisant. Le RC confère
une force de négociation aux travailleurs. C'est sans aussi une raison
pour laquelle les lobby patronaux s'y opposent.
Mais aussi: le revenu citoyen sera favorable à la famille. Notre
système économique équivaut à une guerre contre la famille et les enfants,
dont les conséquences en terme d’inaptabilité à la société sont multiples.
Muni du revenu citoyen, un conjoint pourra décider plus librement de rester
au foyer pour s'occuper de ses enfants en bas âge.
Objection 3: La charge serait insupportable pour la collectivité.
Notre réponse: A notre sens, il faut tenir compte des gains de
productivité phénoménaux qui vont intervenir dans les 40 années qui viennent
(c'est la raison pour laquelle nous proposons une mise en application
progressive), de la suppression des autres aides au fur et à mesure qu’un
individu reçoit le RC, des arguments humanistes, etc.
Objection 4: Il y a injustice pour tous ceux qui ne rentrent
pas dans le système (ceux qui sont nés trop tôt)
Notre réponse: Objection probablement juste. Peut être le mouvement
pourra t'il être accéléré, en démarrant "aussi" par les personnes
les plus âgées, ou en incluant, tous les ans, les 2 années de naissance
suivantes..?
Mais aussi: d'une part, les non bénéficiaires de ce RC continuent
de vivre suivant l'ancien système, et d'autre part, si on ne commence
pas à appliquer cette idée et que l'on attende que tous, d'un bloc, puissent
en être bénéficiaires, on risque de reporter une éventuelle application
à l'éternité...
Bref, si l'on ne fait rien, il ne se passera
rien!
Objection
5: L'un des problèmes est la "paresse naturelle"
de l'homme et son égoïsme. L'homme, pour le moment, n'est pas,
comme le pensait Rousseau, "naturellement" bon (et courageux).
Il risque d'être insupportable, pour ceux qui travaillent, de voir une
grande partie de la population se tourner les pouces. Outre le
Quebec, cette idée du Revenu Citoyen revient aujourd'hui en RFA dans les
milieux écolo-sociaux. Mais....elle est combattue aussi par Joschka Fischer,
le ministre vert-social par excellence qui montre l'ex RDA et l'URSS du
doigt et dit: "officiellement le Revenu Citoyen n'existait pas, mais
en réalité c'est comme cela que la population s'était organisée et vivait.
C'est ce qui a produit la défaite économique dans ces pays. Donc, attention!"
Nos
réponses: Elles dépendent des sensibilités et de l'appréciation de chacun,
et nous apportons deux réponse qui néanmoins se rejoignent.
1 - C'est vrai, l’objection est d’importance ; pour devenir "bon"
et donc apporter "naturellement" sa part à la communauté, l'homme
doit être (bien) éduqué. Tout commence donc par l'éducation où il faut
créer chez l’enfant la notion d’humanisme envers l’autre. Mais, aujourd’hui,
l’acquisition passe par un système de récompense en " biens
matériels " (sucre, chocolat, ou argent!) ou punition. Le problème
est donc de trouver une autre forme de récompense pour des actions positives
envers " l’autre " et qui ne soit pas des biens
matériels . Il faut obtenir que
la " reconnaissance sociale " ne se fasse pas
en comparaison avec la " position sociale " de l'autre
(car actuellement, le but de l’éducation est souvent de former à " plus ";
d’être plus malin, plus habile, plus fort, mieux s’en sortir, que le voisin …
et non d’être meilleur, plus gentil, plus doux, plus respectueux, plus
aidant). On arrive très vite à une notion " d'humanisme nécessaire "
qui doit être inculqué dès le plus jeune âge.
2 – C'est faux: il est clair pour ne pas dire aveuglant que
l’Homme est naturellement " bon " mais que la société l’empêche
de le rester. En général, l’homme est sociable, quoiqu’un peu égoïste
mais il est de plus en plus fréquemment sur la défensive. Un exemple sera
plus parlant. Stéphane P. est un citoyen Belge qui remue ciel et terre
pour tenter de sauver une petite Ougandaise qui a besoin de soins coûteux.
Il se heurte à des institutions, même humanitaires, qui ne peuvent pas
l’aider parce qu’elles n’ont pas le budget mais il est certain que si
l’affaire pouvait être médiatisée, il trouverait les fonds nécessaires
dans la population..
Supposons que vous ayez tout juste les moyens de donner une
chance à la vie de cette petite fille et que vous les donniez. Vous voici
avec un pouvoir d’achat quasi nul pour le restant de vos jours et un pouvoir
d’action très limité. Vous serez au plus bas de l’échelle sociale et vous
ne pourrez plus soutenir vos proches quand ils auront besoin de vous.
Pis ! vous serez peut-être un jour à leur charge. Et quand vous croiserez
dans la rue, descendant de sa Mercédès le temps d’entrer dans la banque,
le trafiquant du coin, n’importe quel quidam verra en lui la personne
digne de confiance ou du moins " à respecter " et en vous le
clochard dont il vaut mieux s’éloigner avant qu’il ne mendie.
Et ce sera ainsi aussi longtemps que l’argent restera la
seule valeur de référence conduisant au pouvoir d’achat. Le lien entre
la position sociale et la reconnaissance sociale n’est pas le produit
de l’éducation mais le résultat de la simple observation de la réalité
laquelle est transmise par les parents dès le plus jeune âge. Ils souhaitent
naturellement la réussite sociale de leurs enfants parce qu’ils veulent
les voir heureux et les enfants perçoivent très bien les " valeurs
" que ça recouvre.
C’est pourquoi il semble impossible de former des jeunes
" plus doux, plus gentils, plus serviables" tout en conservant
le système économique actuel. Veut-on créer des inadaptés sociaux ? Veut-on
prévenir une probable révolution quand les maîtres du monde pousseront
plus loin encore leur arrogante recherche du profit ? Veut-on tout simplement
les rendre malheureux en les transformant en loosers, incapables d’affronter
la concurrence des jeunes loups que certaines écoles privées ne manqueront
pas de continuer à former ?
Qu’est-ce donc que l’éducation sinon le processus par lequel
on adapte l’enfant à la société dans laquelle il devra évoluer ?
Il n’est pas cohérent d’élever des moutons pour les envoyer
dans une forêt infestée de loups…sauf bien sûr si l’objectif est de nourrir
les loups.
Objection 6 : Il faut néanmoins " imposer "
une fonction productrice minimale à chaque bénéficiaire !
Notre réponse: Nous ne le pensons pas. Ce serait la négation même
de l’idée du RC, dont l’attribution ne doit pas être soumise à conditions.
10 – Conclusion
Nous
croyons donc profondément que le revenu citoyen constituerait un progrès.
La dignité citoyenne consiste en la liberté de faire partager des idées
et de tenter d'en faire une définition générale du bien à promouvoir collectivement.
Le système socio-économique actuel est basé sur une équation
fausse et toute tentative pour en corriger les effets en aval de cette
règle du jeu qui fait de l’argent la seule valeur de référence est vouée
à l’échec ou provoquera des effets secondaires néfastes. Par exemple le
boycott des articles produits grâce à l’exploitation de la main d’œuvre
enfantine se traduira par une croissance de la prostitution enfantine.
La solution correcte consiste à payer décemment le travail des parents,
ce qui contrevient à la loi de l’offre et de la demande du système actuel.
Le revenu citoyen doit faire partie d'un nouveau
programme politique Européen qui propose une alternative. Une alternative
réaliste, car elle aurait des effets économiques positifs tout en favorisant
l'égalité des chances et en réalisant le programme de la pauvreté zéro.
Le revenu citoyen pourrait être un élément important des Constitutions
européennes. Si nous mettons plus de justice dans l'ordre social, nous
créerons des hommes plus justes et ce sont les autres qui nous imiteront.
Se pose enfin la question de l’accès au Revenu
Citoyen dans les Pays "pauvres" ou les PVD, avec le risque induit
d’explosion démographique. Il nous semble que c’est un autre sujet que
nous développerons peut être par la suite.
André-Jacques
Holbecq
Groupe Local d'Aix en Provence
Juillet 2000
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