LE « LABORATOIRE » GAZA BOOSTE LES PROFITS DE L’INDUSTRIE DE GUERRE D’ISRAËL

Mardi 27 novembre 2018, par Agence Média Palestine, Gabriel Schivone

Ayant exploré le vaste régime de surveillance le long de la frontière Etats-Unis—Mexique et trouvé des systèmes israéliens installés à chaque tournant, l’écrivain Todd Miller et moi-même étions poussés à investiguer Israël en tant que plus grande industrie de sécurité intérieure du monde. L’industrie d’armement d’Israël est de deux fois la taille de son homologue américaine en exportations par habitant et emploie un pourcentage de la force de travail nationale qui est le double de celui des Etats-Unis ou de la France, deux des plus importants exportateurs globaux d’armes.

Pendant notre voyage en 2016, il ne nous a pas fallu longtemps pour cibler quelques-uns des industriels les plus entreprenants d’Israël, qui nous ont dit comment ils faisaient en contrôlant une zone à peu près de la taille de New Jersey.

Notre premier jour sur place, tout en assistant à une conférence annuelle sur les drones, nous avons rencontré Guy Keren, un homme charismatique d’âge moyen, PDG d’une firme de sécurité intérieure israélienne appelée iHLS. L’iHLS de Keren avait organisé la conférence sur les drones.

Quelques jours plus tard, nous étions assis avec Keren dans les quartiers généraux alors flambant neufs d’iHLS dans la ville de Raanana, sur la côté méditerranéenne, une ville connue pour sa zone industriel high-tech. Nous lui parlions dans la salle de conférence aux allures de bocal à poisson au-dessus du laboratoire informatique de la compagnie.

Au-dessous de nous, des bandes de techniciens juniors tapaient avidement sur leurs claviers. Ce Complexe du phare, nous dit Keren, pouvait héberger jusqu’à 150 start-ups.

Keren a expliqué comment la bande de Gaza offre à Israël —et iHLS – un avantage compétitif sur d’autres pays à cause des opportunités en temps réel de tester de nouveaux produits tout au long de l’année. Israël a gagné le surnom de « nation start-up » parmi les élites d’affaires du monde entier.

Une boîte de Petri humaine

Nous avons demandé à Keren pourquoi l’industrie technologique d’Israël fonctionne à un étonnant niveau de productivité, particulièrement dans le secteur militaire.

« Parce que nous testons nos systèmes en conditions réelles », a-t-il dit. « Nous sommes dans une situation de guerre tout le temps. Si cela n’arrive pas juste maintenant, cela arrivera dans un mois ».

« Il ne s’agit pas seulement de construire la technologie » et d’avoir à attendre des années pour tester les systèmes, nous a dit Keren. Le secret du succès du secteur tech israélien, a-t-il expliqué, est dans le fait de pouvoir « faire opérer la technologie plus vite que n’importe quel pays en conditions réelles ».

Keren n’est pas le premier à faire cette connexion. Gaza est perçu largement comme une boîte de Petri humaine —pour améliorer la capacité de tuer et cultiver des méthodes de pacification — chez les influenceurs et décideurs des secteurs high-tech et militaires israéliens.

Quand Roei Elkabetz, un brigadier général de l’armée israélienne, a pris la parole à une convention de spécialistes en technologie des contrôles de frontière en 2012 à El Paso, Texas, il a projeté sur l’écran une photo du mur, construit par Magal Systems, qui isole Gaza du monde extérieur.

« Nous avons appris énormément de Gaza », a-t-il dit. « C’est un laboratoire génial ».

Leila Stockmarr, une universitaire danoise, a assisté aux mêmes sortes de salons de sécurité israéliens que Todd Miller et moi. « Comme la plupart des représentants de compagnies que j’ai interviewé l’ont dit, il est central pour les capacités militaires et policières de pointe d’Israël que les nouvelles pièces de technologie soient développées et testées dans une situation concrète pour contrôler une population, comme dans la bande de Gaza », écrit-elle dans son essai de 2016, « Au-delà de la thèse du laboratoire : Gaza comme courroie de transmission pour la technologie de guerre et de sécurité ».

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