Interview : Jean-Marie Loury, du Collectif des faucheurs volontaires d’OGM (oct. 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°27, octobre-novembre 2004

Jean-Marie Loury, vous êtes agriculteur, et vous faites partie du collectif des faucheurs. Comment est née cette structure ? Quel est son rôle ?

Cela se situe avant le rassemblement du Larzac, José est en prison, la Confédération paysanne voit se multiplier les procès à son encontre, le syndicat est en danger de mort et le droit syndical est bafoué. Pourquoi la Conf paierait-elle sur des actions qui intéressent l’ensemble des consommateurs, toute la société civile ? C’est Jean-baptiste Libouban, qui à la sortie de prison de José, lui propose de créer un collectif des faucheurs volontaires. Jean-baptiste fait partie de la communauté de l’Arche, qui a repris à son compte l’action non-violente de Gandhi, et dont le soutien aux paysans du Larzac a été déterminant dans la victoire finale contre l’armée. Il commence donc au rassemblement d’août 2003 sur le Larzac à recueillir des signatures de personnes, qui se déclarent prêts à faucher du mais, en plein jour, en s’engageant à suivre les principes non-violents de la désobéissance civile.

Le rôle des faucheurs volontaires est de faire des fauchages de mais OGM, afin de pousser le gouvernement à accepter un débat public sur les OGM, et notamment sur les trois enjeux fondamentaux que sont le respect de la biodiversité, des intérêts de la paysannerie mondiale ainsi que ceux des consommateurs.

Si l’on considère que le rôle de l’état dans une société doit être de prendre en compte à égalité les intérêts des entreprises et ceux de la société civile, l’on peut constater qu’il ne rempli pas son rôle : c’est donc ce qui légitimise, à nos yeux, l’emploi de la désobéissance civile, puisque les voies d’un débat serein sont impossibles.

Les actions du collectif sont dénoncées par les multinationales et les représentants de l’Etat comme violentes et inutiles. Que répondez-vous ?

La première violence est le refus du dialogue du gouvernement et l’obstination des firmes semencières à implanter des cultures OGM en pleine nature. L’emploi systématique du mensonge dans les argumentations des pros OGM est aussi une violence inacceptable infligée à l’ensemble de la population.
Les interventions des faucheurs ont lieu dans le calme, sans outils. En face on a vu des chercheurs armés de gourdins, et les lacrymogènes de l’état pour protéger le travail des firmes…L’action des faucheurs continuera jusqu’à ce qu’un véritable plan de recherche fondamentale débute sur la pollution génétique, l’intérêt pour les paysans de développer ces cultures, et surtout sur la santé des consommateurs. Jusqu’ici on nous ment : aucune recherche fondamentale n’est réellement entreprise !

On fauche quand il y a quelque chose à faucher. Sur les mois qui viennent, comment envisagez-vous l’action du collectif ?

Le premier travail des faucheurs va être d’accompagner les personnes qui vont se retrouver devant le tribunal. Peut-être que chaque faucheur sera amené à demander au procureur de la république sa propre inculpation. Il va falloir constituer le comité de soutien et trouver des soutiens financiers pour le procès d’Orléans, proposer des conférences, voir ce qui se passe dans les hypermarchés. Et surtout être prêts dès le printemps si de nouveaux champs OGM sont semés. La pression de la société civile doit être telle que les firmes finissent par renoncer à semer ! Point important aussi, les faucheurs ne sont pas seuls, et chaque organisation a son rôle à jouer, sa spécificité à mettre en avant. Qui croyait se reposer cet hiver ?