Faux sucre, désherbants et OGM : Monsanto story, par Gilles Ferté - (déc. 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°28, décembre 2004 - janvier 2005

Si Monsanto a, depuis un peu plus d’un siècle, fabriqué des produits inoffensifs, comme la saccharine dont elle fut le premier producteur américain, ce n’est que depuis 1960 que cette entreprise s’est lancée dans l’agrochimie. Très vite, Monsanto se spécialise dans les désherbants - à croire que ses dirigeants sont aussi obsédés par les mauvaises herbes que la famille Bush par l’Irak. Après des produits au nom aussi poétiques que l’Avadex et le Lasso, le Roundup est lancé dans les années 1970 et devient le produit phare du groupe - à tel point qu’il représente aujourd’hui plus de la moitié de son chiffre d’affaires. Mais durant cette période, Monsanto produit aussi le défoliant, dit « agent orange », utilisé par les bombardiers américains au Vietnam (1).

Aux USA, certains ne sont guère mieux lotis. De nombreux ouvriers de Monsanto sont exposés à la dioxine, et, même si la firme sort de son chapeau des pseudo-études selon lesquelles cette substance est parfaitement inoffensive, le caractère cancérigène de la dioxine a été reconnu depuis, sans parler des perturbations des fonctions hormonales, immunitaires et reproductives de l’organisme, qui font de la dioxine l’un des produits toxiques les plus puissants ; en outre des recherches prouvent une nette surmortalité par cancer chez les travailleurs de l’entreprise… Les riverains du Mississipi ne sont pas non plus épargnés par les activités polluantes de Monsanto, puisque l’entreprise rejette chaque année 13 tonnes de déchets chimiques dans le fleuve !

Monsanto, directement ou par différentes filières, a commercialisé de nombreux produits, médicamenteux ou non, qui se sont révélés dangereux pour la santé ; la firme a tout simplement, à plusieurs reprises, trafiqué les résultats de ses tests afin d’en donner une image inoffensive.

Monsanto est aussi à l’origine d’une hormone artificielle de croissance bovine, destinée à augmenter la production de lait, et qui a provoqué de nombreuses maladies chez les animaux. Lors des années 90, l’événement sera le lancement des premières semences OGM. Monsanto a en effet un problème avec son Roundup : il est parfois “trop efficace”, détruisant non seulement les mauvaises herbes mais aussi une partie des récoltes… L’idée est alors de coupler la vente du Roundup avec celle de semences génétiquement modifiées, comme le Roundup Ready, pour que les cultures ne soit pas affectée par le désherbant. L’agriculteur doit alors passer doublement à la caisse, et Monsanto peut multiplier ses profits.

A cet effet, la firme a mis en branle de monstrueux moyens d’analyse des réticences citoyennes, et effectue un matraquage publicitaire conséquent pour imposer les OGM, en n’hésitant pas à user d’arguments philanthropiques (pseudo-bienfaits pour les pays du Sud - dont les gouvernements subissent des pressions considérables afin d’inonder d’OGM leurs surfaces agricoles disponibles) et même écologiques - bien sûr jamais prouvés.

Mais les consommateurs se méfient dans de nombreux pays, témoin le brevet dit “Terminator”, manipulation génétique permettant d’empécher une plante de repousser la deuxième saison, retiré en 1998 sous la protestation générale. Et la justice veille parfois : ainsi, aux Etats-Unis, Monsanto (de même que deux universités, dont les laboratoires participent à ses recherches...) a dû payer des amendes à quatre reprises, pour n’avoir pas respecté les précautions réglementaires à l’expérimentation ou à la culture de plants transgéniques.

Cependant Monsanto sait aussi utiliser la machine judiciaire à son profit, en particulier contre les agriculteurs opposés aux OGM. Au Canada, un cultivateur ayant accusé la firme d’avoir pollué ses récoltes s’est vu condamné pour “piratage de colza transgénique” - en clair, il aurait dû payer un droit d’usage à Monsanto puisqu’elle contenait du colza génétiquement modifié par pollinisation par un champ OGM voisin ! Et on comprend ainsi qu’un des objectifs de l’entreprise et des autres producteurs de semences transgéniques est de voir disparaître la filière sans OGM, en rendant impossible l’imperméabilité des cultures aux gènes trafiqués.

A LIRE :

 « Enquête sur une stratégie de communication ; comment Monsanto vend les OGM », par Agnès Sinai, le Monde diplomatique, octobre 2001.
 www.mcspotlight.org/beyond/companies/monsanto.html
 www.monsanto.fr/

Gilles Ferté, Attac 45

1 Entre 1961 et 1971, 72 millions de litres d’herbicides, dont 42 millions de litres d’agent orange contenant plusieurs centaines de kilos de dioxine pure, sont déversés afin de priver les guérillas vietnamiennes de nourriture. Résultat, sans compter une véritable catastrophe écologique : aujourd’hui encore, des personnes qui ont été directement en contact avec le produit, leurs descendants, ainsi que les personnes suivantes vivant sur les lieux mais nées après l’épandage sont victimes de mongolisme, retards mentaux, membres absents, cancers précoces, malformations, cécité, diabètes... En tout, ce sont 2 millions de personnes qui auraient été touchées par le produit. A noter que si les firmes accusées par des associations d’anciens combattants américains (68 000 plaignants !) ont évité le procès, en 1984, par un règlement à l’amiable, ni l’Etat ni les firmes américaines n’ont jamais reconnu ni indemnisé aucune victime vietnamienne. Ici comme toujours, deux poids, deux mesures.

A ce sujet, lire :
 “Le grand mensonge des guerres propres”, par Schofield Coryell, le Monde diplomatique, mars 2002
 “Agent orange. La dioxine répandue par les Américains tue encore au Vietnam”, par Dominique Bari, l’Humanité, 11 mars 2002.