Forum social mondial : quand la société civile prend la parole, par Erika Girault (janvier 2009) Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°48 (déc. 2008-janv 2009)

Plusieurs organisations (Artisans du Monde Limoges, Orléans, Vendôme, Attac 18, Touraine, 41, 45, MAN Orléans, Parti Communiste Orléans) et personnes de la région Centre s’étaient proposées de soutenir financièrement le séjour d’un délégué au FSM qui se tient fin janvier à Bélem. C’est Erika Girault (salariée d’Artisans du Monde d’Orléans), choisie à l’unanimité, qui participera à l’événement.

« En mettant en évidence le potentiel porté par les résistances et les pratiques actuelles, l’altermondialisme donne une perspective à la sortie de la crise actuelle dans ses différentes configurations. Il permet de fonder, contre les conservatismes autoritaires et répressifs, les coalitions pour les libertés et la démocratie. Il permet de lutter contre l’alliance possible entre les néolibéraux et les néokeynésiens en poussant les résistances et les revendications pour la modernisation sociale. [...] Après tout, si le capitalisme n’est pas éternel, la question de son dépassement peut être d’actualité. Et nous pourrions commencer dès maintenant à le revendiquer et à construire un autre monde. »

Gus Massiah, 24 nov 08.

Le Forum Social Mondial est un espace utilisé par des organisations non-gouvernementales et des réseaux associatifs qui se mobilisent pour la fabrication d’un autre monde. Il repose sur la force d’environ 100 000 personnes de toutes nationalités, engagées dans des actions concrètes, des militant(e)s pour les droits humains qui, pendant une semaine, confrontent leurs luttes, échangent leurs expériences et leurs pratiques, leurs réflexions et leurs propositions pour modeler un monde de justice, de démocratie et de solidarité.

Depuis 2001, de Porto Alegre à Bombay, de Bamako à Caracas, du Pakistan au Kenya, à travers des activités auto-gérées, des conférences et des ateliers, on réfléchit à des recettes pour rééquilibrer les inégalités entre les pays et à l’intérieur des pays, on tisse un réseau global de luttes en tous genres, on construit des alternatives... en poursuivant un autre objectif, celui de se faire entendre par les « chefs du monde » (politiques, financiers, etc). On lutte ensemble pour qu’enfin les décisions politiques soient tournées vers le respect des droits économiques, sociaux, culturels, environnementaux et pour qu’enfin l’humain et la planète soient au centre des préoccupations politiques et économiques.

Cette année, le forum sera centré sur la question amazonienne avec le point positif de l’importance des peuples indigènes et bien sûr tout ce qui concerne la déforestation, l’écologie, l’éco-construction, les écosociétés. Des événements nouveaux interviennent aussi à l’horizon du Forum, spécialement en Amérique Latine :
Émergence de mouvements sociaux forts : mouvements indigènes, mouvements paysans et mouvements de femmes (on n’en reste pas au point de vue écologique seul).
Effondrement de l’homogénéité. On voit de nouvelles formes d’organisation (un président indigène est élu à la tête de son pays - Evo Morales). La situation change en Bolivie, Équateur, au Paraguay, en Argentine.

La Tina (There is no alternative) de Thatcher est ébréché... Le discours sur la croissance aussi a diminué et les plus hauts placés qui énonçaient un discours néo-libéral commencent à dire qu’il faut plus de régulation, plus d’État. La revendication de l’accès aux droits pour tous va continuer. Autre réalité nouvelle : la crise. Il va bien falloir la faire payer à quelqu’un. Or, le danger est que l’on cherche à la faire payer par les plus pauvres, même si les classes moyennes aussi seront touchés ! Notre période est très importante car nous sommes à la fin d’un cycle. Dépasser le capitalisme, est-ce possible ? Comment mettre en place des alternatives ?

Déroulement du Forum 2009

Le 26 janvier, l’organisation locale nous emmènera en visite de terrain. Son action dans l’Etat du Para (Brésil) est de prendre en compte les multiples facteurs de préservation de la région, en accord avec les critères du développement local. Parmi ceux-ci, les alternatives comme l’entreprenariat agroécologique et coopératif, la garantie des droits de l’accès à la forêt, à la terre, à l’alimentation, à l’eau et à la culture ; la démocratisation de la gestion politique locale ; la défense de la socio-biodiversité et du savoir traditionnel dans la gestion du patrimoine naturel ; la garantie des droits fondamentaux pour tous ; la promotion de la femme et l’égalité des sexes. Ainsi, nous visiterons des modèles d’initiatives populaires pour l’amélioration des conditions de vie :

Le Groupe des Femmes du Bengui (quartier de la périphérie de Belem) : économie solidaire, création de ressources, lutte pour les droits des femmes et présentation du Forum de Mulheres da Amazonia Paraense (réseau de mouvements de femmes du Para).
Abaitetuba : Centre d’agroécologie - Visite du CentreTipiti (centre de formation des travailleurs ruraux) et d’un agriculteur en agroécologie ainsi que d’une coopérative agro-industrielle.
Iles de Belem : mouvement de femmes, santé, économie populaire.

Le 27 janvier, ce sera le Forum Mondial des Sciences et de la Démocratie qui ouvrira le débat avec des thèmes tels que les limites de la recherche, les statuts des biens communs de l’humanité, les contrôles à mettre en place face à l’émergence des technologies de rupture, la démocratisation des choix scientifiques, l’éthique et la responsabilité des chercheurs.

Le 28 janvier, l’Amazonie prend la parole pour s’adresser au reste du monde. Les 9 pays amazoniens (1) se regrouperont pour les « 500 ans de résistance, de conquêtes et de perspectives afro-indigènes et populaires ». Il s’agira d’une journée thématique axée plus particulièrement sur la problématique locale mais dont les causes et les conséquences sont internationales. Comment contrer la déforestation de masse écrasant sur son passage toute forme d’existence (les peuples indigènes, les animaux, les espèces végétales), organisée et contrôlée par les pays riches ? Il s’agira d’une journée de plénières, débats, cérémonies, témoignages et autres formes d’interaction.

Du 29 au 31 janvier, place aux activités auto-gérées. Les activités, animées par les différentes organisations présentes poursuivent les objectifs définis par elles-mêmes à partir de la réalisation d’une consultation publique (2). Les organisations se pencheront sur une diversité de thèmes tels que l’accès aux ressources naturelles et aux biens communs -notamment l’eau et la terre- ; les migrations ; l’économie solidaire ; la souveraineté alimentaire ; les mouvements sociaux ; les différents modèles de développement ; crise financière et alternative ; etc.

L’après-midi du 1er février servira à présenter les actions concrètes qui auront été tissées par les participants (alliances, partenariats et accords) cette semaine d’échanges.

Tout au long du forum, je ferai circuler (dans la mesure du possible !) « un journal de bord » dans les réseaux associatifs de la Région Centre pour vous informer de la teneur des échanges et des temps forts de ce 8ème Forum Social Mondial. De plus, à travers des photos, des textes, des échanges, mais surtout des impressions et des émotions, je vous transmettrai, le temps de soirées débats, les temps forts de ce sommet de l’altermondialisme.

Notes

1) - Bolivie, Brésil, Colombie, Equateur, Guyane, Pérou, Venezuela, Suriname et Guyane française.
2) La liste des 10 objectifs est disponible sur le site du forum social mondial