Sous la rigueur sociale, les pouvoirs financiers (communiqué Attac 45, juil. 2010) De Brinon et Bettencourt aux retraites et à la crise économique, un même fil rouge

Début 2004, Attac 45 mettait le doigt sur Brinon Investissements, dont le PDG était déjà Patrice de Maistre. Sans surprise, le groupe se caractérisait par des personnalités évoluant dans la finance internationale et par l’intrication de sociétés souvent domiciliées dans des paradis fiscaux. L’objectif exclusivement financier était patent : Brinon venait d’être créée pour racheter Antea (alors service du BRGM à Orléans-la Source) pour un montant qui n’a jamais été connu ; illustrant ainsi le dogme mille fois répété du pillage néolibéral, selon lequel les activités dont la qualité a été élaborée avec les deniers et l’esprit publics seront détournées de leur fonction première et transformées en machines à sous. Suite logique, Antea, après cinq ans de bénéfice au profit de ses actionnaires, a été revendue à un groupe hollandais.

Six ans après, De Maistre arrive bien malgré lui sur le devant de la scène : gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt (17 milliards, 3ème fortune française, 17ème fortune mondiale), soupçonné d’avoir organisé des fraudes fiscales (Suisse, Singapour, Uruguay, Seychelles...), dirigeant d’une myriade de sociétés financières ; propriétaire de terres en Sologne (à Brinon...), en contact avec les grandes richesses gabonaises, lié aux plus grandes familles, porteur de valises entre la finance et la politique, décoré de la Légion d’honneur (par Eric Woerth en janvier 2008)... Un cas parmi tant d’autres de cette élite qui pense vivre dans un autre monde, et que rien n’étouffe ; et surtout pas d’utiliser à son profit le bien public.

Cette affaire ne doit pas cacher la forêt. En effet, en France,
 le patrimoine des 500 premières fortunes est passé de 80 à 240 milliards d’euros en quinze ans (1)
 dans la richesse produite, la part des salaires a chuté de 9,3 % en 20 ans, au profit des dividendes versés aux actionnaires, ce qui correspond à plus d’une centaine de milliards par an (2)
 l’Etat s’est privé de 100 milliards de recettes fiscales en dix ans (3)

Le véritable intérêt de l’affaire Bettencourt est de lever un coin du voile sur les agissements de cette caste évoluant allègrement au-dessus des lois et de la morale, discréditant encore un peu plus, au passage, une élite politique qui ne se sent visiblement redevable d’aucun mandat envers la population.

Depuis trente ans, à l’échelle mondiale, l’enrichissement fabuleux des détenteurs du capital (aidés par une classe politique qui ne lui a rien refusé) s’est fait par le biais d’entités financières qui ont utilisé tous les outils imaginables : spéculation, déréglementation, captation des biens publics ; transactions internationales sans entrave, utilisation intensive des paradis fiscaux... Toute la panoplie constitutive de la mondialisation néolibérale qui a implosé en 2007, nous enfonçant dans une crise financière, économique et sociale dont les coupables se sont vite tirés d’affaire, renfloués par les populations mises à contribution bien malgré elles (voyez la Grèce) ; et ce, dans l’impuissance complète d’une Union européenne paralysée par son obédience au dogme néolibéral.

Nécessaire corollaire, car cette manne devait bien venir de quelque part, les populations ont été dans le même temps appauvries par une politique d’augmentation des inégalités et de creusement des déficits (en France : niches pour les riches et exonérations pour les entreprises, privatisation des biens publics, régression du droit du travail, rigueur salariale et réduction des contributions sociales... la liste est longue !).

Aujourd’hui en France, dans le droit fil des décisions récentes du G20, le tour de vis du gouvernement sur les dépenses sociales ainsi que la réforme des retraites, qui aggravera la situation des plus défavorisés, doivent servir à « rassurer les marchés » en montrant que la France va réduire son déficit sans ponctionner les revenus financiers.

Contre cette nouvelle régression sociale et démocratique, ATTAC exige une réforme juste des retraites, qui s’attaque au tabou de la répartition des richesses. Plus largement, ATTAC propose de réglementer et de taxer les revenus du capital et les transactions financières : faire payer aux spéculateurs et aux rentiers les déficits qu’ils ont provoqués par leur crise financière, et dégager des ressources urgentes pour lutter contre la pauvreté et le réchauffement climatique.

Attac 45 sera présente dans la rue le 07 septembre, et a d’ores et déjà programmé plusieurs actions à partir de la rentrée.

* Sur Antea et Brinon, lire notre article et écouter le journal de 08h00 du 13/07/10 sur France Bleu Orléans

Notes

1) Infographie "Les riches s’enrichissent à peine plus que les Français", Challenges.fr (juillet 2010)

2) N° hors-série de Fakir (avril 2010) : « de l’argent, il y en a ! ».

3) Gilles Carrez (UMP) rapporteur du budget à l’Assemblée, interview aux « Echos » du 05 juillet 2010