Les emprunts toxiques, une dette publique légitime ? Par Philippe Lalik, Attac 45 (déc. 2011)

Les emprunts toxiques empoisonnent désormais la vie de milliers de collectivités locales. S’il existait des rumeurs et des informations plus précises mais éparses quant à ce phénomène, l’ampleur des dégâts n’a été révélée qu’en septembre dernier par le journal Libération. Il apparait aujourd’hui que la longue liste des 5 500 collectivités locales publiée alors n’était malheureusement pas exhaustive. Pour le département du Loiret, nous apprenons par exemple que le centre hospitalier de l’agglomération de Montargis fait partie des victimes. Dans son cas, l’intoxication est particulièrement aigüe puisque que le surcoût serait de 839 000 € pour en emprunt initial de 2089000 € !

Si la dette publique fait quotidiennement la une de l’actualité, il est surtout question des dettes étatiques (Grèce, Italie, France...). De très nombreuses collectivités locales sont pourtant tombées dans un piège de même nature en empruntant auprès des « marchés financiers. »

Depuis 1973, l’État a interdit à la Banque de France de prêter sans intérêt. Mais ce n’est que depuis 1993 que le financement de l’État et des collectivité locales par cette banque sont proscrits. C’est bien suite à l’adoption du traité de Maastricht que les institutions publiques se sont retrouvées dans l’obligation d’emprunter auprès d’établissements privés de crédit. Le traité de Lisbonne, par son article 123, a bien entendu maintenu ce dispositif.

L’évolution du financement des collectivités territoriales, passé du Crédit Local de France à Dexia, illustre parfaitement la volonté de privatiser le crédit public, afin de le rendre prétendument plus performant. Chacun peut constater aujourd’hui ce qu’il en est.

Les collectivités contaminées vont être amenées à se regrouper pour sortir d’une spirale dangereuse pour la qualité des services qu’elles rendent aux citoyens. Un collectif national, « Acteurs publics contre les emprunts toxiques » s’efforce depuis peu de jouer ce rôle décisif.

Cette association explique concrètement comment la mécanique infernale des emprunts toxiques s’est mise en place : « Les banques et en particulier Dexia, partenaire historique des collectivités, ont eu massivement recours à ces emprunts au début des années 90, lorsqu’il y a eu libéralisation du marché des prêts à destination des collectivités territoriales, dans un moment où les taux d’intérêts étaient très faibles. Les collectivités s’étaient fortement désendettées et avaient mécaniquement moins besoin de prêts bancaires pour leurs investissements, la concurrence était donc rude entre les établissements bancaires pour placer leurs produits. Pour contourner les difficultés liées à un marché saturé, les banques ont donc inventé des produits très complexes, destinés à leur faire gagner de l’argent, les prêts toxiques. Elles ont profité pour bon nombre d’entre elles des relations de confiance qui existaient de longue date avec les directions financières des collectivités. »

La récente décision du Tribunal de Grande Instance de Paris qui a débouté la demande de paiement de la Royal Bank of Scotland (RSB) concernant des échéances que la municipalité de Saint-Étienne refusait de payer est encourageante, mais elle concerne un cas particulier et ne doit surtout pas être interprétée comme une jurisprudence.

Le combat des collectivités locales pour sortir de l’étau financier résultant de la libéralisation du crédit ne fait que commencer. ATTAC 45 compte prendre sa part dans les actions qui seront menées dans ce sens en ayant à l’esprit la question relative à la légitimité de ces dettes publiques. Pour finir, une autre question importante est posée par la localisation des emprunts toxiques et l’importance des surcoûts qu’ils ont engendrés. En effet, les collectivités les plus touchées sont généralement situées dans les régions les plus déshéritées : on constate, au regard des informations dont nous disposons actuellement, que les cinq collectivités dont les surcoûts sont les plus impressionnants sont situées dans l’arrondissement de Montargis et que rapporté au nombre d’habitants le surcoût y est 3,43 plus élevé que pour l’arrondissement d’Orléans...

Philippe Lalik,
Attac 45.