Grenelle de l’environnement : ne pas rester au milieu du gué

vendredi 2 novembre 2007
par  Attac France

Face à la gravité de la crise écologique et à l’urgence des solutions à mettre en œuvre, le Grenelle de l’environnement fut certes un moment de négociations indispensable, mais la prestation médiatique du président ne peut dissimuler que la plupart des questions importantes et difficiles restent en l’état.

Les mesures annoncées, pour nécessaires qu’elles soient, permettront au mieux de rattraper le retard français par rapport à beaucoup d’autres pays européens en matière de politique environnementale.

Mais le plus grave est de se contenter de colmater les brèches sans amorcer de véritable reconversion des systèmes de production et de consommation, en entretenant l’illusion qu’il est possible de concilier les intérêts privés de quelques-uns et l’intérêt général.

Les économies d’énergie dans la construction constituent des engagements forts et indispensables. S’ils ont l’heur de plaire au secteur du bâtiment et aux « libérateurs de la croissance » comme Jacques Attali, quels financements assureront la réalisation de ce plan ambitieux, alors que le simple droit au logement est quotidiennement bafoué ?

La priorité donnée au rail ne concerne que le TGV et les « autoroutes ferroviaires », tandis que l’entretien du réseau classique sera délaissé et le fret de proximité marginalisé. Ainsi se poursuivront les transports de marchandises imposés par la seule logique de rentabilité financière de multinationales, qui localisent leurs activités en dehors de toute considération de besoins locaux à satisfaire. Des questions aussi essentielles que la souveraineté alimentaire et la relocalisation des activités étaient, il est vrai, absentes de ce Grenelle.

Qui peut croire que tout le monde sera gagnant lorsqu’une loi prétendra organiser la cohabitation entre les cultures d’OGM et les cultures sans OGM ? Ce qu’il nous faut, c’est une loi garantissant véritablement une agriculture sans OGM et le droit à consommer des produits qui en soient exempts.

Une France vraiment convertie à l’écologie devrait exiger de l’Union européenne l’annulation des Accords de partenariat qu’elle va signer avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et qui, au nom du libre-échange et de la mise en concurrence, conformes aux règles de l’OMC, vont organiser dans ces pays la disparition de l’agriculture vivrière, la déforestation et le pillage des ressources naturelles.

Si, à l’occasion de ce Grenelle, la légitimité des ONG environnementales a été officiellement reconnue, il n’en reste pas moins que les luttes écologiques restent nécessaires sur le terrain pour que soient enfin posées publiquement les questions non résolues comme le nucléaire ou l’agriculture productiviste.
Et la fiscalité écologique ? Alors que nombre de mesures reposent sur des incitations qui visent à modifier les comportements des consommateurs par les prix (en supposant qu’ils ont toujours le choix), nous rappelons que la fiscalité ne constitue un outil de reconversion des activités et des comportements que dans la mesure où elle ne se borne pas à être incitative. Elle doit répondre en même temps aux exigences de la redistribution et de la solidarité et fournir les ressources d’une politique publique de reconversion. C’est ainsi que pourront se produire les changements des comportements de consommation. La « taxe carbone » actuellement envisagée, outre qu’elle se limite au carbone (sous la pression des pro-nucléaire) et à l’aspect incitatif, correspond davantage à une TVA sociale, puisqu’elle devrait s’accompagner d’une baisse des cotisations sociales et donc de la protection sociale. Or, laisser croire que le coût du travail serait trop élevé est une imposture, du même ordre que l’application d’un pseudo-principe « pollueur-payeur » qui permettrait au pollueur de récupérer, par des baisses de prélèvements sociaux, ce qu’il doit payer à la collectivité.

Une loi-cadre va être proposée au Parlement au premier semestre 2008, afin de formaliser l’ensemble des mesures annoncées. Pour notre part, nous développerons ce qui s’est esquissé à l’occasion de ce Grenelle, c’est-à-dire une convergence des mouvements sociaux et écologistes. Nous poursuivrons ce que nous avons amorcé avec les Grenelle alternatifs et citoyens, afin de faire vivre une écologie politique capable de proposer des alternatives et de répondre au cumul des inégalités sociales et environnementales, en France et dans le monde. Il n’est pas question que le processus du Grenelle de l’environnement entérine ce que M. Sarkozy et le MEDEF en attendent : une dépolitisation de l’écologie politique et une instrumentalisation de l’environnemental contre le social.


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