2ème extrait de la réunion mensuelle du 8 janvier 2003 :"quel avenir avec les OGM ?"

exposé technique sur les OGM

par Jacques Hallard, ingénieur agronome, intervenant à cette réunion mensuelle
samedi 17 janvier 2004

présentation globale : de la présentation de la technique aux conséquences directes.

Exposé sur les Organismes Génétiquement Modifiés = OGM
à l’Association ATTAC - Aix -en-Provence
Jeudi 08 janvier 2004

Qu’est-ce qu’un OGM ?

C’est un organisme vivant dont on a modifié le matériel génétique d’une manière qui ne se produit pas naturellement chez les plantes ou les animaux, ou bien par recombinaison naturelle chez les microorganismes.

Après la découverte du code génétique au début des années 60, les techniques de laboratoire se sont mises en place dans les années 70 pour réaliser les premières transformations ou manipulations génétiques. Ce sont les méthodes de la transgénèse qui ont pour but d’introduire du matériel génétique étranger et remanié, ou ADN recombiné, dans un organisme receveur.

Cet ADN recombiné ou transgène permet soit la synthèse de protéines qui ne sont pas naturellement fabriquées dans l’organisme receveur, soit, à l’inverse, d’en bloquer la synthèse et d’inhiber la fonction correspondante. Un transgène peut être composé de plusieurs séquences d’ADN, d’origines diverses, ne provenant pas, le plus souvent, de l’espèce du receveur : par exemple un gène du chien peut être intégré dans un maïs, ou bien encore un gène d’araignée peut être rendu fonctionnel chez une chèvre. Ces techniques s’affranchissent donc de la barrière d’espèces, sur laquelle la classification des êtres vivants a été historiquement basée. Le transgène comporte plusieurs parties, ou séquences d’ADN, la première partie étant appelée promoteur. Dans toutes les plantes génétiquement transformées de la première génération, dans les espèces qui ont été disséminées et répandues dans les cultures de quelques pays à travers le monde (Etats-Unis, Canada, Argentine, Chine, Espagne, Bulgarie, Roumanie...), le promoteur est une séquence du virus de la mosaïque du chou-fleur.

Des applications biotechnologiques très diverses

Les applications possibles des OGM recouvrent de larges secteurs d’activités :

* l’agronomie avec des plantes tolérantes à des herbicides (soja, coton, maïs, colza), résistantes à des insectes (maïs et coton), offrant des rendements accrus (maïs, pomme de terre), tolérantes à la salinité (tomate et riz), productrices de médicaments (lipase gastrique chez le maïs, insuline chez le riz), ou encore résistantes à certains parasites : maladies à virus chez la vigne, le poirier, le prunier, la courgette, le melon ; au chrysomèle chez le peuplier et au doryphore chez la pomme de terre. Un gène de la nitrate-réductase a été inséré dans la laitue pour limiter la teneur en nitrate chez ce légune-feuille.

* l’alimentation avec des qualités nutritionnelles améliorées, par exemple une teneur accrue en provitamine A chez le riz par exemple, ou bien encore des pommes de terre absorbant moins d’huile à la cuisson, des légumes-fruits (tomates, melons) ayant une meilleure tenue à surmaturité, ce qui facilite leur transport sur de longues distances pour la mise en marché.

* la transformation industrielle avec des sources de matières premières moins polluantes dans l’environnement (chez le peuplier et le mélèze, arbres génétiquement modifiés à plus faible teneur en lignine pour la production de la pâte à papier), ou plus efficaces dans des usages industriels (colzas synthétisant des corps gras spécifiques pour la lubrification dans des conditions extrêmes et colzas capables de produire des substituts des matières plastiques).
Des maïs à amidon transformé sont utilisables dans la fabrication de textiles, de papiers, d’adhésifs, de dentifrices, de solvants, de colles...

* l’industrie pharmaceutique et la santé : l’hormone de croissance et l’insuline sont actuellement produites par des microorganismes recombinés et cultivés en milieux industriels confinés, pour remplacer respectivement de l’hypophyse humaine et du pancréas de porc.

Chez les plantes, des tabacs ont été modifiés dans le but de synthétiser des produits sanguins, dont de l’hémoglobine qui est extraite en vue de transfusions sanguines. Des maïs ont été transformés pour synthétiser du collagène utilisable comme pansement à usage chirurgical.

Dans le domaine des vaccins comestibles, on peut citer le tabac génétiquement transformé et produisant des anticorps contre les Streptocoques responsables de la carie dentaire. Un bananier a été transformé pour fabriquer un vaccin à partir d’une forme inactivée de protéine du choléra. Une pomme de terre transformée produit un vaccin oral grâce à un gène de toxine de la diarrhée issu de la bactérie Escherichia coli.
Un maïs transformé génétiquement est capable de produire de la lipase gastrique qui peut soulager certains troubles digestifs liés à une mauvaise assimilation des lipides chez des sujets atteints de mucoviscidose

Les poissons ont également fait l’objet de recherches intensives : des poissons génétiquement modifiés au Canada montrent une productivité deux à six fois plus importante au cours de leur croissance. Des poissons génétiquement modifiés qui présentent un intérêt commercial, comme animaux d’ornement, ont été récemment mis en marché, d’ailleurs sans aucune mesure de réglementation (poissons fluorescents). Des truites arc-en-ciel sont protégées contre le virus de la septicémie hémorragique par microinjection d’un transgène dans le cytoplasme d’œufs fécondés, ce qui donne des "animaux mosaïques". La résistance au froid a été exploitée chez la plie par transformation génétique.

Chez les animaux d’élevage, les applications de génie génétique ont des objectifs d’amélioration variés : augmentation de la résistance à certaines maladies comme l’emphysème pulmonaire chez le lapin, et d’autres maladies chez le proc, le mouton et le poulet ; accélération de la croissance corporelle chez le mouton et le porc ; réduction de la pollution des lisiers chez les porcs ; amélioration de l’utilisation des aliments et réduction des troubles digestifs chez le lapin ; optimisation de la composition du lait visant par exemple la "maternisation" du lait de vache ou l’addition de la lactoferrine humaine qui est une protéine antibactérienne dans le lait de vache.

Les animaux sont aussi utilisables après transformation génétique pour la production de protéines recombinantes d’intérêt thérapeutique, soit à partir du lait, soit à partir du sperme : au moins un soixantaine de protéines, dont la lipase gastrique, (comme nous l’avons cité plus haut) peuvent être ainsi produites, et en particulier des protéines utilisables comme vaccins humains contre l’hépatite B.

Des lapins et des souris transgéniques ont aussi été produits à des fins de recherche, respectivement pour l’étude de l’infection par le VIH, virus responsable du SIDA, et pour comprendre les maladies à prions (maladie de Creutzfeld-Jacob et symptômes de la vache folle).

Certains animaux, notamment le porc, se prêtent également à la préparation d’organes en vue de la transplantation aux êtres humains, ce qui ne manque pas de soulever des problèmes éthiques aussi bien que sanitaires.

C’est le domaine des xénogreffes ou xénotransplantations. Des exemples d’applications sont les cellules hépatiques pour pallier une déficience congénitale ou transitoire du foie, ou bien encore les greffes de chondrocytes pour réparer le cartilage articulaire.

Les micro-organismes et virus génétiquement modifiés ont trouvé non seulement des applications pacifiques et bienfaisantes dans les technologies agroalimentaires et pour la fabrication de médicaments, mais aussi en vue d’applications meurtrières débouchant sur la guerre biologique et le bioterrorisme.

Les manipulations les plus risquées se rapportent par exemple à l’introduction dans le virus de la peste d’un peptide capable de détruire les gaines de myéline, détériorant les fibres nerveuses.

Des agents bactériens ont été recombinés, ce sont donc OGM, afin de les rendre plus faciles à disperser, ou pour les rendre résistants à plusieurs antibiotiques ; c’est le cas de l’anthrax ou charbon, de la peste, de la tularémie et de la morve.

Des risques qui soulèvent de fortes inquiétudes

Les risques et les inconvénients associés au développement des plantes génétiquement modifiées = PGM, sont maintenant mieux connus et l’on peut esquisser une liste encore non exhaustive : dissémination dans l’environnement, apparition de plantes adventices résistantes aux herbicides dans les champs, émergence de populations d’insectes devenus résistants aux pesticides, augmentation des quantités de pesticides utilisés pour contrôler les plantes adventices en cultures, pollution des sols par des semences d’OGM, pollution génétique des cultivars non-OGM, pollution de la filière de produits biologiques qui refuse les OGM et leurs dérivés, instabilités génétiques et non-uniformité des cultivars issus d’OGM chez ceux qui sont actuellement diffusés en culture, toxicités éventuelles et allergies susceptibles d’apparaître lors de la consommation animale et humaine de produits dérivés d’OGM...

Les animaux génétiquement modifiés = AGM et les xénogreffes font courir des risques infectieux qu’il est très difficile d’imaginer et d’estimer : ils posent avant tout des problèmes d’ordre moral et éthique. Les micro-organismes génétiquement modifiés = MGM et les virus modifiés par recombinaison présentent également des risques énormes pour l’environnement et surtout pour la santé des êtres vivants.

Ces constats ont été pris en compte dès la fin des années 90 et continuent de soulever de virulentes polémiques, surtout en Europe, en particulier contre la dissémination de plantes transgéniques dans les cultures. La voie du "dialogue élargi" ou de la "controverse organisée" a déjà été proposée en France depuis plusieurs années, en vain, il faut l’avouer, pour tenter d’informer objectivement la population, de décrisper les postures antagonistes entre les défenseurs déterminés des OGM et les opposants actifs qui se sont manifestés notamment par des arrachages de plantes génétiquement transformées dans les champs de cultures expérimentales au cours des derniers étés.

Au niveau mondial, le sujet des OGM a notamment été traité lors du Forum Social Européen qui s’est tenu en région parisienne à l’automne 2002. Un grand débat public est ardemment souhaité et demandé en France par plusieurs associations regroupées au sein du collectif CCC-OGM.

Un débat de ce genre a pu s’instaurer en Grande Bretagne au cours des dernières années, en particulier sous l’impulsion et l’action déterminées de chercheurs indépendants, travaillant dans de nombreux pays à travers le monde, et qui sont très bien organisés.

Ces chercheurs fournissent régulièrement une documentation scientifique très argumentée et leurs conclusions les plus récentes sont très pessimistes sur l’intérêt d’ouvrir en Europe, où un moratoire est en vigueur depuis 1999, le marché des semences aux plantes transgéniques, arguant du fait que les OGM présentent trop d’inconvénients et de risques. Ils prônent donc, et communiquent abondamment, pour que l’Europe reste à l’abri des OGM et que l’on s’y oriente résolument vers des pratiques de développement durable, avec une production de denrées selon les principes de l’agriculture biologique.

Le problème est de gérer au mieux le développement et la dissémination des OGM à travers le monde, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, en prenant en compte les points de vue des divers acteurs : sociétés transnationales de biotechnologies et semenciers, gouvernements plus ou moins aptes a traiter le sujet, groupements de consommateurs, partis politiques (?) et simples citoyens - et électeurs ! - un peu conscients de la complexité du sujet et de ses incidences au niveaux économique, social et politique.

Il faut aussi se placer dans la logique de la situation concurrentielle mondiale au niveau des graines de semences et de la production d’alimentation animale et humaine, dans le cadre des instances qui régissent les échanges commerciaux au niveau mondial, notamment l’Organisation Mondiale du Commerce = OMC.

Il ne faut pas non plus ignorer les craintes, fondées ou non - c’est une autre affaire ! - d’une partie de la population européenne (70% de refus des OGM à l’automne 2003), face à ce phénomène social anxiogène que constituent toujours les OGM.

Il faut également prendre en compte les incertitudes et potentiels que peuvent présenter certains OGM et le développement que pourraient prendre ceux-ci dans le futur, ici ou là : les plantes transgéniques pourraient se répandre, pour répondre à de cruciaux besoins alimentaires dans certains pays asiatiques comme l’Inde, la Chine, les Philippines notamment, pays qui disposent d’équipements et de savoir-faire indiscutables en matière de génie génétique, ou encore dans certains pays africains comme le Kenya, ou des OGM ont été mis au point sous la forme d’espèces vivrières à multiplication végétative, rendues résistantes à certaines maladies à virus qui font problème là-bas.

Comment réagirons les pouvoirs publics, les opérateurs économiques potentiels, les corps médicaux et les patients et malades, face aux applications possibles découlant des animaux génétiquement modifiés et des microorganismes recombinés qui peuvent trouver des débouchés commerciaux dans les secteurs de la pharmacie et de la santé humaine, pour la fabrication de produits sanguins, de vaccins, et de médiateurs chimiques, ainsi que pour d’éventuelles transplantations d’organes à moindre risque de rejet, voire dans le cadre d’une thérapie génique non reproductive, sujets toujours très critiqués et très controversés ?


Document OGM06014
Jacques Hallard, 2240 chemin du Tilleul F.13160 Châteaurenard.
Jacques Hallard


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