Ce que l’on sait de la « loi travail XXL » par Erwan Manac’h publié |16 juin 2017|Politis

samedi 17 juin 2017

Les travaux provisoires qui fuitent dans la presse sur la loi travail II sont inquiétants. Le point sur cette réforme explosive, après la première série d’entretiens avec les syndicats.

Vous n’avez rien suivi des débats sur la loi travail II ? Vous ne comprenez pas trop les termes techniques employés ? Vous êtes noyés dans l’épais nuage de communication du gouvernement ? Voici une petite séance de rattrapage.

La méthode

• Officiellement : « On consulte »

Le gouvernement martèle qu’il n’existe aucun « plan caché » et tente de fermer toutes les écoutilles. Les services du ministère du Travail ont porté plainte contre X pour faire cesser les fuites dans la presse et ont menacé de ne plus communiquer d’informations à la CGT si celle-ci venait à informer les journalistes. Le gouvernement tente de préserver ses effets de scène, pour apparaître dans une position de négociation avec les syndicats et aller très vite, ensuite, sur des sujets explosifs.

Les arbitrages ne seront donc pas connus avant la publication des ordonnances, fin septembre, au terme d’une cinquantaine de réunions avec les syndicats. Rappelons qu’une ordonnance a la particularité de rentrer en application dès sa publication, avant même que le Parlement ne la ratifie par un vote. Ainsi, le « temps politique » disparaît.

Une loi d’habilitation à réformer par ordonnances devra certes être présentée en Conseil des ministres le 28 juin, puis votée le 28 juillet par le Parlement. Mais elle ne comprendra qu’une liste vague de sujets.

• Officieusement : des hypothèses beaucoup plus dures

Il faut donc se résoudre à spéculer sur les hypothèses de travail, que trahissent plusieurs documents internes. L’un, émanant de l’équipe Macron, a été révélé par Le Parisien lundi 5 juin, le second provenant de la Direction générale du travail a été publié par Libération le 7 juin. Alternatives économiques, ce vendredi, cite les préprojets d’ordonnances sur les licenciements économique. Ces pistes provisoires vont bien plus loin que ce qu’on imaginait jusqu’alors.

Deux grandes lignes se distinguent : les propositions destinées à faciliter les licenciements d’une part et celles destinées, peu ou prou, à baisser les salaires et les protections pour les salariés au nom de l’alignement du « coût du travail » face à la concurrence étrangère.

Faciliter les licenciements

• Les entreprises pourraient inventer leurs causes de licenciement (mis à jour récemment)

Les entreprises pourraient créer des causes de licenciement nouvelles. A condition qu’un accord d’entreprise signé par les salariés ou leurs représentants le valide, cela permettrait par exemple d’introduire, dès l’embauche, une exigence de performance ou de résultat dans le contrat de travail. Les salariés embauchés en CDI s’assiéraient donc sur un siège éjectable.

Ces contrats à la carte pourraient également prévoir des indemnités de licenciement inférieures à celles fixées par la loi, une procédure de licenciement plus « souple », un préavis moins long ou encore une durée de période d’essai différente, des congés familiaux moins longs que ceux prévus par la convention collective. Idem pour les CDD : la période de carence, le nombre possible de renouvellements et les raisons invoquées pour le recours à ces contrats précaires pourraient être négociables au sein de l’entreprise.

Edouard Philipe, premier ministre, a exclu que la durée maximale du CDD et le nombre de CDD dans l’entreprise ne deviennent négociables. Au sortir de sa première réunion bilatérale avec le ministre du Travail, la CGT esquisse une autre hypothèse sur ce point hautement symbolique. La négociation pourrait être permise à l’échelle de la branche professionnelle sur les motifs de licenciement.

• Monter le seuil pour le déclenchement d’un plan social

La loi oblige, théoriquement, une entreprise de plus de 50 salariés à négocier un « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) dès qu’elle licencie plus de 10 personnes pour raison économique dans une période de 30 jours. L’employeur est ainsi tenu de proposer un reclassement et de négocier collectivement des compensations. Un relèvement de ce seuil à 30 licenciements est à l’étude, selon des révélations d’Alternatives économiques. Le gouvernement étudie même la possibilité de rendre ce seuil relatif à la taille de l’entreprise. Un allégement des règles du PSE, au sujet des propositions de reclassement que l’employeur doit avancer, est également à l’étude selon le mensuel.

• Plafonner les dommages-intérêts pour licenciement abusif

La loi oblige un employeur à motiver tout licenciement par une « cause réelle et sérieuse ». Lorsque la justice prud’homale reconnaît qu’un licenciement est abusif, il peut condamner l’employeur à verser à son ex-salarié – qui n’est réintégré que dans les cas les plus graves – des dommages et intérêts en reconnaissance du préjudice subi. Le gouvernement s’emploie depuis 2015 à tenter de fixer un barème (et un plafond) à ces sommes au nom de « l’équité ». « Nous constatons qu’[elles] vont du simple au triple pour des cas similaires », justifiait Muriel Pénicaud, ministre du Travail, ce jeudi dans Les Échos. Il s’agit surtout de permettre aux entreprises de provisionner leur « risque » et de savoir, à l’avance, combien leur coûtera un licenciement sans raison valable. Les cas de harcèlement et de discrimination seront exclus de ce barème.

• Évaluation à l’échelle nationale de la validité des licenciements « économiques »

Retirée de la loi El Khomri sous la pression de la rue, cette mesure vise à faciliter les licenciements « économiques ». Les difficultés de l’entreprise doivent être reconnues par les services du ministère (la Direccte), en prenant en compte l’activité de l’entreprise à l’international. Avec cette réforme, le périmètre servant à apprécier les difficultés serait ramené à l’échelle nationale. Autrement dit, une multinationale réalisant des bénéfices pourra licencier pour raison économique sur le sol français si sa filiale française remplit les critères. Selon Alternatives économiques, le gouvernement envisage également de rendre négociable dans le cadre d’accords d’entreprise, la définition du motif économique. Patrons et syndicats pourraient donc s’entendre pour qu’un objectif non atteint puisse entraîner un PSE. Une information confirmée par la ministre du Travail sur CNews.

En guise de contrepartie, le gouvernement envisage d’inscrire dans la loi l’interdiction des licenciements économiques abusifs. Les multinationales qui mettent volontairement leur filiale française en faillite par des choix stratégiques douteux ou en leur faisant payer des « redevances » seraient interdites de licencier pour motif économique. L’inscription de ces pratiques, déjà illégales, dans la loi sur les licenciements économiques, permettrait aux salariés d’attaquer un plan en justice avant les premiers licenciements, écrit Alternatives économiques.

• Réduire de 12 à 2 mois le délai de saisine des prud’hommes

Un salarié s’estimant lésé a aujourd’hui 12 mois pour saisir la juridiction du droit du travail, les prud’hommes. Le gouvernement étudie une baisse drastique du délai, à 2 mois. Autrement dit, les infractions au droit du travail seraient prescrites deux mois après les faits.

À en croire la note de travail émanant des services du ministère du Travail, en date du 31 mai, publiée par Libération, le gouvernement envisage de modifier les procédures aux prud’hommes pour que les vices de forme, dans la rédaction de la lettre de licenciement, ne soient plus assimilables à une absence de cause réelle et sérieuse. Cela permettrait que les licenciements ne soient plus jugés abusifs lorsque la lettre est mal écrite. Les juges devront se « concentrer sur l’insuffisance de motivation ».

• Faciliter les licenciements en cas de reprise d’entreprise (mis à jour récemment)

La loi interdit aujourd’hui à une entreprise qui discute avec des repreneurs éventuels de mener, en même temps, un plan de licenciement. Cette interdiction pourrait être levée, comme la loi El Khomri l’a fait pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Deux conditions sont toutefois imposées selon Alternatives économiques : le plan social doit concerner des salariés qui ne travaillent pas dans les activités en discussion avec le repreneur et le PSE ne doit pas avoir pour finalité la fermeture d’un ou plusieurs établissements.

Permettre une baisse des salaires et des protections

• Le droit du travail, négociable à l’échelle de l’entreprise

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