Washington pourrait proposer d’annuler toute la dette multilatérale Par Christian LOSSON

Liberation samedi 11 septembre 2004- 06:00
lundi 13 septembre 2004

Les Etats-Unis glissent en coulisse un joker dans la partie de poker diplomatique engagée avec la France sur la dette irakienne. Objectif : pousser Paris, partisan d’une annulation de 50 % de l’ardoise, à s’aligner sur Washington qui veut en rayer 95 %.

Selon nos informations, face à l’impasse actuelle (Libération de vendredi), le gouvernement américain souhaite annuler toute la dette multilatérale de « tous les pays très endettés ». Soit les 37 « éligibles » des 42 pays retenus par l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), lancée en 1996. « Puisque la France ne veut pas faire de l’Irak une exception, les Etats-Unis vont vendre un package dans lequel ils intègrent l’Irak », résume-t-on au Club de Paris, groupe informel de pays créanciers chargé de renégocier les dettes des PPTE. Et rebondir sur le mot de Jacques Chirac, lors du G8 (le club des pays riches) de Sea Island, en juin. Il avait expliqué alors que les pays pauvres ne pourraient pas comprendre qu’on fasse en trois mois pour l’Irak plus que l’on a fait en dix ans pour les 37 pays pauvres très endettés .

Dès Sea Island, la proposition informelle américaine a donné lieu à un marchandage « homérique », rappelle un observateur britannique. Rien n’avait filtré. Depuis, le Trésor américain a relancé la plupart des pays du G8. La question devrait être abordée dès lundi à Washington lors d’une réunion de hauts fonctionnaires du G8 finance. Et, en cas d’accord, l’administration Bush pourrait l’annoncer le 1er octobre à Washington, en marge des assemblées d’automne du FMI et de la Banque mondiale. Un joli coup, à un mois de l’élection présidentielle...

Encore faut-il que la France joue le jeu. Or, à l’Elysée, les réticences sont claires face à un projet jugé « très compliqué » et « flou » : « On ne sait pas comment ils comptent financer cette annulation, ni avec quelle clé de répartition entre les bailleurs. » A ce jour, le mécanisme PPTE a abouti à des allégements évalués à 52 milliards de dollars au cours des deux décennies à venir, soit l’équivalent du montant annuel de l’aide publique au développement. « Paris a déjà engagé près de 8 milliards d’euros sur cinq ans », rappelle-t-on dans l’entourage de Chirac. Et la France suspecte les Etats-Unis de venir piocher des fonds dans l’association internationale de développement (AID). Ce guichet de la Banque mondiale, réservé aux pays les plus pauvres, accorde des prêts sur quarante ans, à un taux de 0,75 %.

« Déjà, en 2001, les Etats-Unis voulaient que l’AID fonctionne avec des dons et non plus des prêts, ce qui revient à tuer cet outil », rappelle Damien Millet, du Comité annulation pour la dette du tiers-monde. Une sorte de bonneteau. Où Washington donnerait d’une main ­ l’annulation de la dette, ce qu’elle reprendrait de l’autre ­ la réduction des prêts. « Une opération blanche, dans la logique néoconservatrice : affaiblir les institutions internationales multilatérales, comme le FMI ou la Banque mondiale, auxquelles les faucons ne croient pas », souligne Jean Merckaert, de la plate-forme Dette et développement. A l’instar des négociations commerciales, les Etats-Unis privilégient le bilatéralisme. C’est d’ailleurs dans cette optique que la Maison Blanche a désormais son propre plan d’aide au développement, très contesté (Libération du 26 juin) : le Millenium Challenge Account


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