Quel développement durable ? d’après J-M Harribey

dimanche 4 mai 2003

Une véritable guerre sociale contre les pauvres a été déclenchée, que ce soit au Nord de la planète, siège de l’opulence où commence à se généraliser la précarité, ou que, bien sûr, ce soit au Sud où, c’est littéralement, la misère noire.

Pour Jean-Marie Harribey, une véritable guerre sociale contre les pauvres a été déclenchée, que ce soit au Nord de la planète, siège de l’opulence où commence à se généraliser la précarité, ou au Sud, où c’est littéralement, la misère noire. Désastres sociaux, mais aussi maintenant, désastres écologiques, parce que les écosystèmes sont généralement menacés par des pollutions de toutes sortes et par l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables, même si aujourd’hui, les partisans du développement forcené vous disent que "l’intensité énergétique" est en train de diminue (c’est à dire que la quantité d’énergie nécessaire pour produire 1 euro de PIB diminue). C’est vrai, on sait de mieux en mieux économiser l’énergie, mais comme le développement de la production fait plus que compenser l’amélioration de cette intensité énergétique, le monde, malheureusement, risque d’aller vers une consommation de plus en plus effrénée de l’énergie avec en prime, si rien n’est modifié un réchauffement de la planète. L’effet de serre même s’il était nié à Rio, n’est plus contesté par personne. Le risque de réchauffement climatique est en augmentation. Aujourd’hui, une grande partie de la planète est divisée en deux zones, l’une où sévit une très grande sécheresse , l’autre des inondations : En Asie sécheresse en Inde sauf au N-E, au Cambodge, au NE de la Chine ; Inondation au Bangladesh, le Sud de la Chine, le Népal ; En Afrique, sécheresse au Sénégal, en Mauritanie, en Ethiopie, en Côte d’Ivoire, de même l’Australie et les USA qui refusent le protocole de Kyoto, subissent la sécheresse. ; En Europe continentale, inondations alors que la sécheresse sévit en Sicile. Les conséquences en sont une atteinte de la production agricole : la récolte de riz est baissée de 10% au Cambodge et les semailles sont retardées ; la famine menace de façon dramatique en Afrique Australe après 2 ans de mauvaises récoltes.
C’est dans ce contexte que les multinationales font du forcing en proposant que les aides passent par l’envoi de maïs transgénique. Le Zimbabwe, la Zambie malgré leur réticence ont été obligés d’accepter cette aide de la part du programme alimentaire mondial.
Devant ces désastres, un nouveau concept est apparu en 1987, celui de "développement durable ou soutenable", défini officiellement par l’ONU comme celui qui peut répondre aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre dans l’avenir aux leurs.

La conférence de Rio de Janeiro en 1992 vote une résolution pour éviter le réchauffement de la planète, pour freiner et même arrêter la déforestation, pour protéger la diversité biologique. Une nouvelle conférence, 10 ans avant la première se réunit à Johannesburg Pour l’instant, les résolutions d’il y a 10 ans sont quasiment au point zéro, et de plus, la pression internationale s’accentue pour que soit confiée la gestion de la planète et du climat à des mécanismes de marché dont on nous assure qu’ils assureront dans l’avenir une gestion efficace et protégeront les générations futures. Un consensus international se met laborieusement en place pour instaurer un marché du "droit à polluer" ou plus savamment de "permis négociable" à partir du protocole de Kyoto. Or, se dressent multiples obstacles pour que cela soit efficace et équitable : Il est premièrement absurde d’attribuer une valeur monétaire à des éléments naturels qui ne relèvent pas de la sphère économique. Deuxièmement, la tendance à privatiser les biens de l’humanité est en train de se généraliser.
Il faut une discussion sur le développement sinon c’est du bavardage qui occulte une discussion indispensable sur le bien-fondé de ce développement et le sens qu’on pourrait donner au développement humain. Sans cette discussion, le bavardage prendra le dessus et le pire se prépare, et il est à craindre que le développement apporté par le capitalisme devienne insoutenable à la fois socialement et écologiquement. Le pire se prépare avec le gouvernement qui, avec ses ministres, se déclarent les champions du développement durable en commençant par faire l’éloge du nucléaire, en décidant de faire un moratoire sur les très timides redéploiements des aides à l’agricultures instaurées précédemment (minuscule pas en avant, mais pas un pour faire en sorte que l’aide ne soit pas apportée à l’agriculture productiviste intensive que nous connaissons). Ce nouveau gouvernement a également refusé toute réforme profonde de la politique agricole commune et maintient une continuité dans l’absence totale d’une politique des transports et de limitation des risques industriels pendant que des autorisations nouvelles sont accordées pour les plantations d’OGM.
Dans une première partie JM Harribey va donner un aperçu sur la discussion autour du protocole de Kyoto et dans une deuxième partie, le sens qu’on peut donner au développement. G. Massiah complétera par les pistes à explorer.

- Discussions autour du protocole de Kyoto :
38 pays se sont engagés à réduire l’effet de serre de 5,2% pour 2012. Cet objectif ne sera jamais atteint. Les études scientifiques montrent qu’en fait, il va y avoir une hausse de 60% de l’émission de gaz à effet de serre.
Jusqu’à cette année, les USA, le Canada, le Japon, l’Australie ont refusé de signer le traité de Kyoto. Ils rejettent la responsabilité du réchauffement de la planète sur le méthane émis par les rizières des pays pauvres ! Ils tentent d’imposer la prise en compte de plantation de forêts dans le calcul des bilans des émissions réalisés pays par pays alors que les scientifiques ne sont pas sûres de leur efficacité. Les scientifiques disent que, certes, les forêts jeunes absorbent le co2 mais que les forêts vieilles en produisent à cause de la fermentation des sous-sols. Il y a des raisons de s’inquiéter car ils comptent comme "puits de carbone", les plantations d’OGM !
Il y a aussi des discussions sur les outils à utiliser :
- Le droit à polluer
A la conférence de La Haye en 2000 est proposé l’idée de créer un marché planétaire "du droit à polluer". Les entreprises les plus riches et les plus polluantes achètent aux entreprises les moins riches et les moins polluantes leur droit à polluer. Il y a un redoutable problème d’équité car la communauté internationale ne s’est pas mise d’accord sur la manière d’attribuer les premiers droits à polluer. Les USA proposent que cela se fasse sur la base des pollutions existantes, les pays pauvres au prorata de la population.
En 2001 à Marrakech se tient une réunion préparatoire à celle de Johannesburg. Elle entérine le droit des marchés à polluer et inclue les productions de forêt dans les déductions du droit à polluer. Elles obtiennent le droit de défalquer 2/3 de leurs obligations, si elles font des plantations de forêts et aident les pays en développement. La réduction de 5,2% de CO2 est encore réduite de 2/3 ! La conférence de Marrakech précède d’une semaine celle de l’OMC à Doha et elles sont parfaitement liées. La déclaration finale de Doha stipule que les signataires seront dispensés des éventuelles décisions de l’OMC dans ce domaine. C’est un tour de force considérable des USA : Ils refusent de signer le protocole de Kyoto et se protègent en plus, contre d’éventuels accords internationaux.
Quel que soit le bout par lequel on prenne cette affaire, un marché du "droit à polluer" est un non-sens car même si ce marché voit le jour, ce ne sera pas un vrai marché car il ne pourrait pas exister sans une autorité internationale très contraignante de contrôle. Ce marché sera un simple instrument de répartition au plus offrant, c’est à dire au plus riche, du droit d’usage de l’environnement. Tout nous oppose à cette démarche. La répartition du droit à utiliser l’environnement doit s’organiser sur des bases non pas financières et économiques mais politiques dans lesquelles la démocratie serait introduite.
- Les éco-taxes ne sont pas plus valables. Elles le sont que si elles sont subordonnées à des normes collectives en même temps que structurelles : par exemple les taxes sur le carburant doivent en même temps être accompagnées par le développement de feroutage.
Le marché a donc une incomplétude définitive que ce soit parce que la libre circulation des capitaux porte en elle la crise financière ou que les effets négatifs du marché (les externalités ) ne soient pas gérables par ce marché. La généralisation du rapport marchand est, par définition, incapable de gérer de façon satisfaisante l’ensemble des questions écologiques, sociales et même économique d’une société. On retrouve là l’idée de tout le monde social : le refus de la marchandisation du vivant pour faire l’éloge de la gratuité par l’extension des services publics et par la préservation du "bien commun de l’humanité". D’où l’importance de cette distinction entre produire des valeurs d’usage, utiles pour la satisfaction de nos besoins, et produire des valeurs pour valoriser le Capital. Il y va de la qualité de la vie et du sens que l’on veut donner au développement et au progrès humain.

- Le sens que l’on peut donner au développement
Le type de développement qui prévaut est né en occident en vue d’accumulation du capital et occasionne les dégradations dont on vient de parler. En imposant ce développement à la planète entière, il produit aussi la déculturation de masse c’est à dire que la concentration de l’abondance à un endroit de la planète fait miroiter l’abondance inaccessible à des milliards d’êtres humains dont les racines économiques, sociales et culturelles ont été détruites. C’est d’autant plus dramatique, que ce sont dans les racines culturelles qu’elles puisaient le sens de leur existence.
C’est ainsi que la phase de préparation de la conférence de Johannesburg s’est terminée par le rencontre en mars 2002 de Monterrey pendant laquelle un texte appelé "Consensus de Monterrey a été élaboré et présenté dans tous les médias comme marquant le début d’un nouveau partenariat entre les pays riches et les pays pauvres afin de résoudre le problème du financement du développement. Il réaffirme tous les dogmes libéraux qui ont conduit au désastre nombre de pays dont l’Argentine est le dernier exemple. Il nous dit qu’il faut une "bonne gouvernance" c’est à dire l’austérité budgétaire et salariale. Il s’inscrit dans le libre-échange c’est à dire la concurrence entre le pot de fer et le pot de terre. Le silence le plus complet est fait sur les plans d’Ajustement Structurels qui ont mis à genoux depuis 25 ans les états endettés sous la coupe des dicta du FMI et de la BM. En juin 2002 à Bali, dernière réunion avant Johannesburg, où il s’agissait de faire un plan contre la pauvreté. Mais il n’y avait rien de plus de favorable aux pays du tiers monde. Ils ont répété ce qui avait été dit à Monterrey et n’ont pas ajouté un milliard aux 30 milliards accordés pour financer le développement. Ces 30 milliards (en compléments des 50 milliards existants) sont à comparer aux 180 milliards de subventions à l’agriculture, versés par les états occidentaux à leur agriculture chaque année !
Nos adversaires tentent de désamorcer nos critiques en disant qu’elles sont injustes. Il faut faire ces critiques à la croissance comprise dans son sens économique réducteur. Le développement se différencie par les aspects qualitatifs qu’il comporte comme l’amélioration du bien-être, la diminution de la mortalité infantile, l’augmentation de l’alphabétisation etc. On pourrait être d’accord si nos adversaires n’ajoutaient que, si on sait être patient, la croissance amène automatiquement le bien-être ! La critique tombe d’elle-même pour n’avoir pas su établir de ligne de démarcation entre - un développement durable qui serait le prolongement de ce développement qui existe depuis 2 siècles, peut-être un peu amendé par des luttes contre la pollution, mais la pollution serait, en avant, grandissante, pour n’avoir pas su séparer ce type de développement, et - un développement humain qui serait dissocié de l’éternelle croissance économique sans regarder le contenu qualitatif de celle-ci. Les promoteurs du développement humain sont en train d’habiller différemment, sous un nom différent, une même réalité qui n’aurait pas changé les choses.
Alors, faut-il en finir avec le développement comme le préconisait Serge Latouche dans un article du Monde Diplomatique de l’an dernier, puisque ce développement n’aurait d’autre intérêt que de résoudre les problèmes qu’il a fait naître. C’est une question posée avec clarté, mais, pour JM Harribey, et il soumet son opinion à notre réflexion, on ne peut pas trancher cette question de façon aussi facile. Cela pour 2 raisons :

- On ne peut pas trancher cette question si facilement vue l’étendue des besoins fondamentaux insatisfaits pour la moitié de l’humanité. Les pays pauvres doivent pouvoir avoir une croissance de leur production et à ce niveau-là, on ne peut pas opposer qualité et quantité. Pour que les 800 millions d’analphabètes apprennent à lire, il faudra bâtir des écoles, pour que l’on achemine l’eau à un milliard 300 millions d’êtres humains qui n’ont pas l’eau potable aujourd’hui, il faudra construire des réseaux d’acheminement, si on veut soigner la population, il faudra un minimum d’infrastructure, si on veut donner la priorité aux cultures vivrières par rapport aux cultures de production, il faudra que ces cultures soient promues. On ne peut pas dire d’un revers de main que le développement c’est terminé pour 3 ou 4 milliards d’êtres humains qui n’ont pas accès à ces choses -là.

- 2ème raison, l’aspiration à un mieux-être matériel sont aujourd’hui devenu global dans ce monde et, il lui semble malvenu pour les occidentaux "éclairés" que nous sommes, d’en contester la légitimé au prétexte que cette aspiration serait la résultante de l’intériorisation par les peuples dominés des valeurs des dominants, continuant à reproduire ainsi les mécanismes de la domination.
Certes, l’imitation du modèle de développement par tous les peuples de la terre condamne, d’une part, ces peuples à courir perpétuellement après leur modèle puisque notre mode de vie gaspilleur n’est pas généralisable à l’échelle de la planète et que, d’autre part, elle voue la planète à une détérioration inexorable. Mais au nom de quoi peut-on laisser les 20% de la planète s’approprier les 80% de ressources naturelles de cette planète ? Il est indispensable de poser le problème du développement autrement.
Il y a deux écueils à éviter :

- Le premier serait de se satisfaire de ce lieu commun de " développement durable" dont même le président français est maintenant partisan. S’il s’agit de faire durer le développement qui dure depuis 2 siècles et qui dégrade les hommes et la nature, autant dire que c’est une contradiction dans les termes, parce que, soit il est possible que pour une minorité et dans ce cas il est explosif socialement, soit il est étendu à tous les hommes de la planète et à ce moment-là, il est explosif écologiquement parlant. Dans les deux cas, il est mortifère.

- Le deuxième écueil serait de se tromper sur la nature de ce développement. Le développement dont on voit les dégâts aujourd’hui et dont on perçoit les dangers s’il se perpétue, n’est pas simplement le productivisme qui serait engendré par le tourbillon technique et scientiste. Ce n’est pas non plus le résultat d’un économisme qui commun à tous les systèmes de pensée, nécessitant de renvoyer dos à dos le libéralisme et la critique de celui-ci. Le développement qu’on a connu jusqu’ici est historiquement lié à l’accumulation capitaliste, au profit d’une classe minoritaire. Et, même si son envers, le sous-développement est lié à ce qu’on appelait hier l’impérialisme. Comme le disait Serfaty et d’autres dans les conférences précédentes, il est nécessaire de réintroduire ce concept. L’impérialisme est le prolongement du colonialisme et souvent, son bras armé. Il est donc nécessaire de questionner le capitalisme lui-même.
Il faut donc dissocier, contrairement à ce que font souvent les adeptes du refus total du développement, la critique du développement (indispensable) de la critique du système économique capitaliste. Ne pas le faire paraît mystificateur à J-M Harribey. Le refus du développement par principe qui anime certains courants parfois très proches d’Attac, s’appuie sur un présupposé que toutes les études anthropologiques ont démontré comme étant faux : L’occident aurait inventé l’économie et donc comme l’occident a produit les dégâts que nous connaissons, il faut supprimer tout ce que l’économie a apporté. Ce présupposé est faux, car l’économie est une catégorie de l’être humain. Dans cette idée que l’occident crée l’économie, il y a une erreur profonde parce que ce que le capitalisme a fait, et c’est indéniable, c’est la séparation de l’économie du reste de la société. C’est l’élection de l’économie comme instance dominante subordonnant tous les autres aspects sociaux à sa loi. C’est ça que le capitalisme a inventé, mais certainement pas l’économie en tant que tel. De la même façon, il y a eu une erreur profonde ces dernières années en disant que le travail, c’est fini. Le capitalisme industriel aurait inventé le travail. Mais le capitalisme industriel n’a pas inventé le travail. Il a inventé la forme sous laquelle s’exerce le travail salarié. C’est le même débat. Toutes les sociétés humaines ont en commun des formes d’activité pour produire les éléments indispensables à la vie.
Ce qui vient d’être dit n’est pas une discussion théorique, mais cela a une portée pratique immense parce que si on met en question à la fois, le développement et son support social qu’est le capitalisme, alors, on procède à l’analyse de classe. On fait une distinction entre les riches, les dominants et les dominés, les pauvres de la planète. Le projet sans discernement du développement équivaut à mettre sur un pied d’égalité ceux qui ont à choisir entre mourir de soif ou boire dans le ruisseau nauséabond qui coule devant eux, et ceux qui ont à choisir entre acheter une action Vivendi ou Télécom. Cette distinction nous rapproche d’une analyse qui nous permet de prendre en compte la situation des plus démunis de la planète.
Compte tenu de ce qui précède, J-M Harribey soutient l’idée de militer pour qu’un développement qu’il appelle "différencié" soit soutenu à la fois dans son objet, dans l’espace et dans le temps.

- Un environnement différencié dans son objet : Il croit indispensable qu’il y ait des productions qui méritent d’être développées, principalement celles qui peuvent satisfaire les besoins essentiels que sont, principalement, l’alimentation, la santé, l’éducation. En revanche, d’autres productions doivent être limitées pour ne pas dire réduites, il pense à la culture intensive délirante, à l’automobile et les infrastructures qui vont avec.

- Un environnement différencié dans l’espace : Les pays pauvres doivent pouvoir bénéficier d’un temps de croissance dynamique pour pouvoir répondre à leur besoin et les riches doivent pouvoir enclencher une décélération de cette croissance en recherchant des modes de répartitions des richesses produites qui soit beaucoup plus efficaces, ce qui passe par l’utilisation des gains de productivité d’une autre manière que celle utilisée jusqu’à présent. Dans cette perspective, la réduction du temps de travail, ouvre une perspective intéressante parce qu’est donnée la possibilité d’utiliser l’amélioration de cette productivité pour penser à la qualité de la vie plus qu’à l’augmentation perpétuelle des quantités produites.
Il faut faire une analyse précise, même dans les pays riches, car tous les habitants n’ont pas accès à tous les biens susceptibles de satisfaire leurs besoins.
Dans le temps, l’humanité, dès lors que les besoins seraient satisfaits pour tous les habitants de la terre, après une transition qui peut être importante, pourrait passer à cette décélération progressive de la croissance économique....
La "soutenabilité" avait été mise sous le double signe de la réduction de la pauvreté à l’échelle de la planète et sous le signe de la préservation des écosystèmes. Ce n’est pas le cas avec le régime d’accumulation financière qui prévaut actuellement, puisque l’exigence de rentabilité s’accentue au détriment de la soutenabilité sociale, et la captation de la rente financière empêche de mettre en place des équipements moins polluants, plus économes de la planète.
Il est très difficile sinon impossible de sortir du piège sémantique de l’expression "développement durable". Pour le déjouer, on pourrait s’essayer à dire "le seul développement soutenable est celui qui ne serait pas éternellement durable", ou bien "oui au développement non durable si ce développement n’était pas changer qualitativement", ou encore, "soutenabilité de la vie sans développement au-delà d’un certain seuil". Toutes ces substitutions au qualitatif devenu maintenant monnaie courante, ne sont pas pleinement satisfaisantes. Cela amène à conclure que, quel que soit le choix retenu, la subversion de notre monde économique, ne pourra pas aller sans la subversion des mots et des idéologies que les mots expriment. J-M Harribey croit plus satisfante l’idée d’assurer la reproduction de la vie dans des conditions humaines pour tous les êtres humains et cela passe par la réappropriation des biens communs de l’humanité que sont l’air, l’eau etc. Finalement, la réappropriation des richesses que nous ne produisons pas, les richesses naturelles, celles que nous produisons et puis, toutes les capacités de production, au premier rang desquelles, toutes les connaissances scientifiques qu’on a dit, ces jours derniers, être menacées par les privatisations et par la tentative de breveter tout ce qui bouge sur la planète. Le système capitaliste est peut-être en train de réaliser son rêve le plus dément, celui d’achever la révolution bourgeoise du droit de propriété, c’est à dire de transformer tous les rapports de propriété sur la planète de telle façon que la moindre activité humaine qu’elle soit présente ou qu’elle soit à venir, la moindre ressource matérielle ou intellectuelle, devienne des marchandises c’est à dire des occasions de profit, c’est à dire des objets de profit. Et loin des engagements en faveur d’un monde dit soutenable socialement et écologiquement dont la conférence de Johannesburg vient de se saisir, ce projet de tout transformer au niveau des rapports de propriété sur la planète, est absolument dément et ne peut plus tenir lieu de projet humain pour l’humanité. Ce capitalisme est en train de devenir sénile, pas au sens où il serait au bord de l’effondrement, mais la sénilité peut être durable du même nom que le développement qu’ils veulent nous soumettre.


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