Une information importante donnée par Laurent Fabius sur France Inter ce matin 18 mai 2005

Dérogations au Pacte de Stabilité contre Fonds de Pension...
dimanche 22 mai 2005

Question directe

Campagne pour le référendum sur le Traité constitutionnel européen : Invité Laurent Fabius (PS)

Retranscription mot à mot* d’un des moments les plus « forts » de l’entretien

Laurent Fabius : « J’ajoute que l’on n’a pas suffisamment noté qu’au cours de la dernière semaine, il y a un événement très important qui est intervenu, et je dois sur ce point rendre hommage à M. Sarkozy. M. Sarkozy fait sa campagne et il a dit de façon très claire, appuyée par d’autres dirigeants de droite,

« Moi je suis pour le oui, parce que cette constitution est incompatible avec le modèle social français »

Ce n’est pas ce que dit M. Chirac, mais c’est ce que dit M. Sarkozy et l’UMP avec lui.

Et ça, c’est très intéressant, parce qu’on est au centre du débat.

Moi je considère que cette Constitution ne va pas permettre de produire les progrès sociaux et économiques qu’on est en droit d’attendre de l’Europe. M. Sarkozy dit que c’est précisément parce que cette Constitution nous conduira à revenir sur toute une série d’acquis sociaux qu’il est pour la Constitution.

Alors là, on a un vrai débat « droite/gauche ».

Stéphane Paoli : « Voilà une réflexion intéressante. Modèle social français, il ne s’agit pas de la France, il s’agit de la construction européenne. On est dans un processus qui est 10 ans de compromis entre 25 pays (*) qui essaient de construire ensemble quelque chose. C’est plus la vision... c’est pas le modèle français

Laurent Fabius : « Bien sûr, il ne s’agit pas d’imposer un modèle, et les français ne doivent pas être arrogants. Souvent c’est d’ailleurs une tare pour certains négociateurs français, disant puisque nous sommes français tout le monde doit se plier à nos règles. Evidemment non. Mais il ne faut pas non plus confondre l’arrogance qui est détestable avec la soumission qui le serait autant. Nous avons des acquis sociaux à défendre, pourquoi voudriez vous que la France ne mette pas en avant un certain nombre d’éléments d’acquis. Et lorsqu’on nous dit : " Ah ! nous avons des difficultés à faire des réformes en France, parce que les français veulent défendre leur droit à la retraite, leurs droits sociaux, leurs droits salariaux...", certains disent dans le patronat et à droite, "et bien pour arriver à remettre en cause ce que nous n’avons pas réussi à remettre en cause par d’autres moyens, il faut passer par la Constitution Européenne." Alors, là je ne suis pas d’accord. Je ne suis pas d’accord, car, bien sûr il faut des réformes, bien sûr, il faudrait évoluer, bien sûr la France doit faire des efforts, mais ces efforts ne doivent pas se faire au détriment de ce qui a été quand même un certain nombre d’acquis sociaux fondamentaux.

Et je vais prendre un exemple, qu’on n’a plus en souvenir, mais qui est très précis. Vous avez vu qu’il y a quelques semaines, on modifié le Pacte de Stabilité et de Croissance. On l’a modifié insuffisamment, mais on l’a modifié. Et j’ai regardé cela très précisément parce que moi, les questions économiques, financières, évidemment cela m’intéresse. Et dans cette modification, il est dit que les pays, dans le futur, qui procéderont à des retraites par capitalisation, c’est à dire le contraire de ce que l’on fait en France, ces pays-là auront un avantage, parce que, ce que cela leur coûtera, ne sera pas pris en compte dans le calcul des déficits de Maastricht. C’est à dire que mine de rien, on dit aux pays, y compris à la France, si vous continuez votre régime par répartition, qui est à la base même de nos retraites, et cela concerne beaucoup de personnes âgées, et nous avons tous une retraite, si vous continuez votre régime par répartition, attention, parce que vous aurez des problèmes financiers, tandis que si vous passez à la capitalisation, alors là pas de problèmes, l’Europe finalement, sera d’accord avec cela.

Et c’est là que l’on voit qu’il y a un vrai débat, parce que petit à petit, toutes ces discussions qu’il y a , dès lors que l’on garde une certaine hauteur de vue et une certaine tonalité pacifique, et bien les gens réfléchissent de plus en plus : oui, à l’Europe sociale, oui à l’Europe puissance, oui à l’Europe solidaire, mais pas à l’Europe qui détricote la France. »

* Avertissement. L’auteure de cette retranscription s’est voulue la plus fidèle possible aux propos tenus par Laurent Fabius. Et c’est pourquoi elle a choisi de livrer ici une retranscription mot à mot de ce qu’il a dit. Cependant une retranscription mot à mot fait fatalement apparaître les faiblesses de style inhérentes au langage oral. Ne pas en déduire que Laurent Fabius s’exprime mal. Au contraire, le nombre relativement faible de ces inflexions, témoigne de la qualité de l’expression de ce locuteur.

Pacte de stabilité contre fonds de pension (suite )

ARTICLE D’ANTOINE REMOND dans Libération du 21 avril 2005

Pour Bruxelles, le modèle social européen reste une abstraction, seule l’économie est une réalité. L’économie avant le social

Antoine Rémond, enseignant, doctorant en économie.

L’Europe est souvent critiquée pour n’être pas « sociale ». En témoigne la campagne menée par les différentes listes de gauche aux élections européennes de juin 2004. Le slogan du Parti socialiste, « Et maintenant l’Europe sociale ! », fut certainement le plus marquant, ne serait-ce que par la justification qu’en donnèrent les responsables socialistes : ils reconnurent que l’intégration économique, jugée indispensable, avait constitué le but essentiel de l’Union européenne et de ses institutions. Cette intégration arrivant à maturité, logiquement, la construction sociale devenait, à son tour, une nécessité. Une telle explication n’était évidemment pas sans rappeler la déclaration, devenue célèbre, de Jacques Delors en 1992 : « Votez oui à Maastricht, et on se remettra au travail tout de suite sur l’Europe sociale. » Il faut dire que le déséquilibre entre les politiques économiques et les politiques sociales est important. Celles-ci se résument, tout au plus, à des procédures, issues de la méthode ouverte de coordination, qui s’en tiennent à la fixation d’objectifs, à la comparaison des politiques nationales et, éventuellement, à des recommandations de la Commission qui, à l’inverse des procédures économiques, n’ont pas de valeur contraignante. Mais, surtout, les politiques de l’emploi mises en oeuvre par les Etats membres dans le cadre de la stratégie européenne pour l’emploi doivent l’être de manière compatible avec les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres et de l’Union.

L’assujettissement de la question sociale à la logique économique fut manifeste lors du Conseil européen de Bruxelles des 22 et 23 mars 2005.

Celui-ci a réaffirmé le principe d’une directive sur l’ouverture du marché des services mais a ajouté qu’elle devrait se faire « en préservant le modèle social européen ». La précision n’est pas nouvelle. Lors de la deuxième discussion au Conseil « compétitivité », les 25 et 26 novembre 2004, celui-ci avait déjà souligné que « la directive ne porterait pas atteinte au modèle social européen ». Cette référence doit être considérée pour ce qu’elle est : elle n’offre aucune garantie sociale étant donné que, d’une part, il n’existe pas de modèle social commun clairement défini et que, d’autre part, le principe du pays d’origine (PPO), cause d’un possible dumping social, n’a pas été retiré par le Conseil. Et pour cause : il avait indiqué, lors de la deuxième discussion, que « le principe du pays d’origine a fait l’objet d’un examen approfondi. Les Etats membres se sont déclarés favorables à ce principe, qu’ils considèrent comme un élément essentiel de la proposition de directive. » Côté Commission européenne, tant le commissaire au Marché intérieur et aux Services, Charlie McCreevy, les 14 décembre et 8 mars derniers devant le Parlement, que le Président, José Manuel Durão Barroso, le 14 mars lors d’une conférence devant le club de patrons Lisbon Council, ont rappelé que le PPO serait maintenu. Seul le Parlement fait entendre un autre son de cloche. Evelyne Gebhardt, rapporteure désignée de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, propose, dans un projet d’avis, de remplacer le PPO par le principe de reconnaissance mutuelle (Libération du 14 avril). Les députés devront alors se prononcer sur ce projet qui, s’il est adopté *, sera examiné par le Conseil comme l’établit la procédure de codécision.
En somme, l’épisode de cette proposition de directive reflète bien la situation : pour le Conseil et la Commission, les objectifs économiques gardent une force contraignante alors que la logique sociale reste quelque chose d’abstrait, soumis à ces objectifs.

Néanmoins, les conclusions de la présidence du Conseil européen des 22 et 23 mars, dans l’annexe II intitulée « Améliorer la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance », précisent les contours du « modèle social européen ».

En effet, le Conseil se déclare « attentif au fait que le respect des objectifs budgétaires du pacte de stabilité et de croissance ne devrait pas compromettre les réformes structurelles qui améliorent résolument la viabilité à long terme des finances publiques » et précise qu’il « est conscient qu’il y a lieu d’accorder une attention particulière à la réforme des pensions consistant à introduire un système à piliers multiples comportant un pilier obligatoire financé par capitalisation ». Concernant les retraites, le "modèle européen" (évoqué)est un système à trois piliers, système « classique » puisque c’est également celui que prônent les institutions financières internationales, Banque mondiale et Fonds monétaire international. Le premier pilier repose sur les régimes de base par répartition ayant pour but d’assurer une pension minimale, le deuxième sur les régimes complémentaires liés à un emploi ou une profession et devant fonctionner obligatoirement en capitalisation, le troisième sur des dispositifs d’épargne retraite individuelle facultative.

C’est le modèle que préconise également la Commission et qu’elle tente d’imposer depuis le début des années 90 mais c’est la première fois que les chefs d’Etat s’engagent en faveur d’un tel modèle. Le développement des dispositifs en capitalisation étant généralement présenté comme la solution incontournable pour financer les retraites, il peut paraître surprenant d’insister, comme le fait le Conseil, sur le coût de ces réformes qui « entraînent une détérioration à court terme des finances publiques ». Pourtant celui-ci est réel. Il est dû aux exonérations fiscales et sociales nécessaires pour rendre ces dispositifs beaucoup plus avantageux que les régimes en répartition. Et celles-ci sont généralement importantes. En France, par exemple, le coût des seules exonérations de cotisations sociales représente environ 50 % du montant des sommes versées au titre de l’épargne salariale. Etant donné que plusieurs estimations tablent sur des flux de l’ordre de 20 à 30 milliards d’euros à l’horizon 2010, cela représenterait une perte de ressources allant de 10 à 15 milliards d’euros annuels à réglementation constante. Or ces exonérations demeurent après la phase de mise en place des dispositifs. C’est pourquoi l’affirmation du Conseil selon laquelle « la viabilité à long terme des finances publiques s’en trouve clairement renforcée » n’est pas fondée.

Si les flux que l’on vient d’évoquer étaient actuellement atteints, le déficit qui en résulterait représenterait environ 1 % du PIB. Comme le Conseil estime que « les Etats membres qui mettent en oeuvre de telles réformes devraient être autorisés à s’écarter de la trajectoire d’ajustement qui doit conduire à la réalisation de l’objectif à moyen terme, ou de l’objectif à moyen terme lui-même » et précise qu’« il sera tenu compte du coût net de la réforme » (pendant cinq ans et de manière dégressive), le déficit de la France pourrait descendre jusqu’à 4 % du PIB sans que la Commission n’engage contre elle la procédure pour déficits excessifs. Rien de tel si un pays décidait, afin de ne pas augmenter les taux ou la durée de cotisation ou de diminuer le montant des pensions, de laisser le budget de l’Etat prendre à sa charge le déficit du régime général fonctionnant en répartition.

Cette mesure faisait pourtant partie de la « variété de moyens mobilisables pour garantir la solidité financière » du système de retraites proposé par le Conseil d’orientation des retraites dans son rapport de 2001. Le « modèle social européen » qui se construit est-il vraiment celui que l’on souhaite ?

http://www.liberation.fr/page.php?Article=291124

© Libération

Pour la suite donnée à la Directive Bolkestein au Parlement européen, voir : http://www.local.attac.org/13/aix/article.php3?id_article=556&recalcul=oui


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