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Les fonds de pension, une fausse réponse à une fausse question 

 Les arguments des partisans des fonds de pension

Contestation de ces arguments

Quelle démographie ?

La retraite par répartition (système actuel où les cotisations des actifs servent à payer les retraites) va coincer car : 

- la démographie prévoit dans les trente ans qui viennent une augmentation de la proportion des plus de 60 ans ; 

- la durée de vie s’allonge, donc on doit payer les retraites plus longtemps ; 

- le chômage de masse fait baisser le nombre de cotisants. 
 

   
  
 

La baisse du nombre de cotisants est largement due au chômage, c’est à celui-ci qu’il faut s’attaquer, et notamment par la réduction massive du temps de travail. 
La démographie, selon les études les plus récentes, ne va pas continuer sur sa courbe actuelle ; on prévoit une stabilisation de la population mondiale vers 2030. En France, la population des plus de 60 ans devrait décroître après 2035. 
De plus, limiter l’analyse démographique au seul vieillissement de la population revient à tronquer la réalité. En effet, les actifs doivent prélever une partie de leurs ressources au profit de l’ensemble des inactifs, les personnes âgées mais aussi les jeunes (moins de 15 ans). Ce qui importe, c’est le rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler et le nombre de celles qui sont soit trop vieilles, soit trop jeunes pour le faire. Or, ce rapport va peu varier au cours des 25 prochaines années. Du fait de la dénatalité, la charge liée à l’augmentation de la proportion des personnes âgées sera compensée en grande partie par la baisse de la part relative des jeunes dans la population totale. 
 

Est-ce un système sûr ?

Les FDP peuvent générer des retraites plus fortes en étant investis, en rapportant des dividendes, etc. Que ce soit par répartition ou par capitalisation, les pensions de retraites sont une partie de la richesse produite. Les retraités de 2020 vivront de biens et de services produits en 2020 et non de biens et de services mis de côté aujourd’hui en vue d’une consommation future. Dans les deux cas, ce sont donc les actifs qui paieront 

Les FDP peuvent aussi s’effondrer et ruiner des centaines de milliers de retraités et futurs retraités. On a déjà vu le cas en Grande-Bretagne. Quelle rente verserait un FDP dont les capitaux auraient été placés en titres de dette mexicains, en immobilier de bureau à Tokyo, en actions des firmes des pays asiatiques … investissements considérés très sûrs il y a peu ?

Y a-t-il augmentation des revenus ?

L’abondement* des employeurs et les déductions fiscales représentent une augmentation des revenus des salariés. 
 
 
  

(*) L’abondement est une somme que verse l’employeur sur le compte du salarié, pour chaque versement de ce dernier (de l’ordre de 25 à 100 %, plafonné à un certain montant). 
 

   
  
 

L’abondement des employeurs viendrait bien souvent en déduction des augmentations de salaires qui auraient été versées si les FDP n’avaient pas existé.  

L’abondement profitera à ceux qui auront les moyens d’épargner pour leur retraite. Les gros salaires en profiteront donc davantage que les petits ou les moyens, même toutes proportions gardées, car la capacité d’épargne croît de façon exponentielle en fonction des revenus. Par exemple, si un salaire mensuel de 8000 F peut générer une épargne de 500 F, un salaire trois fois plus élevé de 24 000 F peut lui générer une épargne douze fois plus élevée, de 6 000 F.  

Les sommes versées par les entreprises au titre de l’abondement seront, selon la plupart des projets, exonérées de cotisations sociales (sauf CSG et RDS) et cela, combiné avec de moindres augmentations de salaires, viendra encore grever le budget de la sécurité sociale. 

Est-ce bon pour les entreprises françaises ?

Les FDP donneraient aux entreprises françaises des moyens supplémentaires en fonds propres pour : 

- se développer, 

- se protéger contre les OPA(Offres publiques d’achat) de groupes étrangers, 

- se protéger des chutes de cours provoquées par des retraits massifs des fonds de pension étrangers (qui détiennent aujourd’hui environ 40 % du capital des sociétés du CAC 40). 
 

Si les FDP sont gérés dans l’intérêt des épargnants, ils se comporteront comme les autres fonds, qu’ils soient français ou étrangers : ils achèteront des actions quand elles commenceront à monter, et vendront quand elles commenceront à baisser, ne faisant qu’amplifier les mouvements de la Bourse. 
Si par contre les fonds sont gérés dans l’intérêt des entreprises, alors ce seront les épargnants qui souffriront en cas de crise : les cours baissant, le capital détenu par les FDP fondrait alors comme neige au soleil. 
Aujourd’hui, l’épargne française investie en actions se porte volontiers vers des entreprises étrangères, si elles présentent une probabilité plus grande de profit. Le but de l’épargne n’est pas de protéger les entreprises nationales, mais de retirer du profit. 
De plus, la croissance de l’épargne entraînerait mécaniquement une baisse de la consommation, et donc de l’activité des entreprises. 
 

   
  
 

Devinette  

Soit deux couples : l’un où les deux conjoints exercent une activité rémunérée, ont eu un enfant, et ont pu épargner par capitalisation dans des retraites complémentaires ; l’autre a eu cinq enfants, seul le père a eu un métier, la mère " ne travaillant pas ", aucun complément de retraite n’a pu être entrepris.  

Qui aura une belle retraite ?  

Qui aura préparé la collectivité à la payer ?  
Qui aurait des vieux jours difficiles si comme autrefois n’existait pas de système de retraite, quel qu’il soit ? 
 

Effets pervers des fonds de pension

Sur le plan social  
Outre la baisse des augmentations de salaires et celle des cotisations patronales, on peut s’attendre à des difficultés des caisses de retraite complémentaire, car des entreprises pourraient faire le choix de diminuer leur taux de cotisation pour favoriser les FDP. Conséquence : soit les retraites complémentaires versées diminueront, soit les taux d’appel des cotisations augmenteront, soit les deux… Dans ce cas, les salaires les plus faibles seront triplement lésés : pas d’abondement, augmentations de salaires en baisse, cotisations de retraite complémentaire en hausse !  

 

Sur le plan idéologique

   C’est un peu plus d’aliénation pour les salariés qui entreront dans une relation schizophrène avec l’entreprise: “ Pour que ma retraite soit bonne, il faut que mon entreprise, dans laquelle j’ai investi, fasse des profits, et donc qu’elle diminue la part de valeur ajoutée consacrée aux salaires ; il faut qu’elle soit compétitive et donc restructure et licencie si besoin est. Conclusion : mon licenciement profite à ma retraite ! ” 
Plus généralement, un des buts des FDP est d’essayer de faire adhérer les travailleurs à l’idéologie libérale (“ Les actions contre l’action ”). 
Les FDP sont aussi un facteur de division entre titulaires de FDP et non titulaires, entre actifs qui peuvent cotiser et chômeurs qui ne peuvent pas, entre salariés de grands groupes qui auront des FDP et salariés de PME qui n’en auront pas. Division encore entre travailleurs des pays industrialisés et travailleurs des pays en voie de développement : par exemple, à propos de l’instauration de taxes sur la spéculation financière (style Taxe Tobin), car ces taxes nuiraient à la profitabilité des FDP, alors qu’elles profiteraient à des actions de développement des pays pauvres. 
 

Sur le plan économique

 L’augmentation de la puissance financière des FDP à travers le monde amplifierait leurs effets néfastes cités précédemment et pourrait se retourner contre les économies les pratiquant. La crise de 1998 en est un exemple : les FDP anglo-saxons ont quitté les places asiatiques, puis les places russes, pour revenir sur les places occidentales. Là, ils exigent des taux de profit importants, se retirant dès qu’on leur annonce des résultats non conformes à leurs attentes (exemple d’Alcatel le 17 septembre 1998 : les FDP se sont retirés à l’annonce d’un résultat prévisionnel pour 1998 de 4 Milliards de francs au lieu des 6 initialement prévus par le groupe, faisant chuter l’action de 38 % en une séance). 
L’afflux d’une nouvelle masse importante de capitaux sur les marchés ne trouverait à s’investir que par la création de nouvelles valeurs, provenant pour la plus grande partie par la privatisation de services publics et leur gestion selon la pure logique du profit maximum à court terme. Ce serait là les salariés de ces secteurs et les usagers qui feraient les frais de l’opération. 
 

Conclusion

Les fonds de pension ne s’attaquent pas à la question essentielle de la baisse du nombre de cotisants qu’entraîne le chômage de masse : une baisse du taux de chômage de 0,2 point par an équilibrerait naturellement les comptes de la répartition. 
Pour répondre au phénomène conjoncturel du “ papy-boom ”, on modifierait profondément et peut-être irrémédiablement l’équilibre actuel de tout notre système de protection sociale, basé sur la répartition. Le système des fonds de pension, lourd des dangers liés à l’intrinsèque incertitude des placements financiers, générerait un nouvel accroissement des inégalités. 
Les motivations essentielles des partisans des fonds de pension sont à rechercher parmi l’intérêt des assureurs qui en tireront de nouveaux profits, celui des patrons qui disposeront de nouveaux capitaux, et le renforcement de l’aliénation des salariés à l’idéologie libérale. 
Les différents projets de retraite par capitalisation, quelle que soit leur appellation, doivent donc être combattus de la façon la plus énergique. 
 

Février 1999

 

 

 

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