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Commerce mondial et Firmes Multinationales

Leurs organisations : GATT & O.M.C.

Traités en cours de discussion : A.M.I. et P.E.T.

Depuis l'apparition du commerce, les Etats ont toujours voulu fixer des limites et institutionnaliser les relations commerciales. Ce principe s'est accru après la deuxième guerre mondiale et l'émergence d'un marché mondial.

Alors que, jusqu'à maintenant, les Etats pouvaient imposer leurs lois aux entreprises, dans le cadre d'accords internationaux, avec l'A.M.I. et, plus récemment, le P.E.T., les multinationales sont en passe d'avoir des droits supranationaux, qui peuvent bouleverser les différents modes de vie et organisations nationaux.

Ce texte explique, par un rappel historique des grands traités commerciaux internationaux, la genèse de tels traités et quelques unes des conséquences qu'ils peuvent avoir sur la vie quotidienne des citoyens.

Le GATT : Accord Général sur les Droits de Douane et le Commerce

Création

Avant même la fin de la 2e guerre mondiale, les Etats ont cherché à créer des organismes de régulation du commerce international, pour éviter les problèmes créés en 1918, ayant entraîné un protectionnisme renforcé (augmentation des droits de douane, politique de quotas), effondrement du système monétaire international ayant abouti à la crise de 1929.

Trois questions urgentes se posent alors: celle des taux de change (d'où création du Fond Monétaire International); comment financer la reconstruction des économies (d'où naissance de la Banque Mondiale); comment éviter les repliements protectionnistes (d'où création du GATT)

Fonctionnement

En 1947, 23 nations ont signé le traité auquel ont accédé par la suite un grand nombre de pays, notamment ceux nouvellement indépendants (120, à la conclusion de l'Uruguay Round en 1994, les pays en développement en représentant les 2/3)

Le GATT qui n'est pas à strictement parler une organisation internationale, ne compte pas de membres mais des "parties contractantes", réunion de nations ayant des obligations et des droits différents selon leur degré d'adhésion à l'accord.

Pour l'Europe, c'est la Commission qui mène les négociations au nom des Etats qui la composent et qui n'ont pas toujours les mêmes intérêts commerciaux (notamment dans le secteur agricole).

Plusieurs cycles de négociation , appelés Round, (8 au total) ont eu lieu depuis sa naissance

Objectifs et champ d'application

Assurer le respect d'une concurrence loyale entre nations et mettre en place un processus de libéralisation du commerce mondial.

L'accord concerne l'ensemble des "produits", ce qui signifie que les "services" en étaient exclus. Mais l'Uruguay Round, ouvert en 1986, a eu pour but de l'étendre aux services, ce qui recouvre une grande partie des secteurs considérés jusqu'alors comme "mission de service public" et ainsi destinés à devenir marchands : la santé et la protection sociale (sécurité sociale et retraites), l'éducation et la culture (malgré le principe de l'"exception culturelle" concédé temporairement).

Le GATT et les pays pauvres

Les pays en développement considèrent que les principes libéraux du GATT jouent en leur défaveur. Ils estiment par exemple que les accords sur le textile (Accords Multifibres-AMF) sont destinés à contenir leur exportation pour privilégier celle des pays riches.

L'agriculture est exclue du GATT, mais les subventions à l'exportation et l'abaissement des droits de douane, instaurés par les pays riches concurrencent et remplacent de plus en plus la production locale des pays pauvres.

La fin du GATT

Le dernier cycle (le 8°), appelé Uruguay Round, a duré 7 ans. Initialement prévu pour 4 ans, il a rencontré de nombreuses difficultés, notamment du fait de l'hostilité de la plupart des pays en développement à accepter la libéralisation sur les investissements à l'étranger. L'accord de Marrakech de 1994 est à la fois la conclusion de l'Uruguay Round et la naissance de l'O.M.C.

L'O.M.C.: Organisation Mondiale du Commerce

Constitution

Il s'agit en fait d'un retour à l'institution que les USA, qui en étaient pourtant les promoteurs, avaient finalement refusée en 1947 ! Les 128 parties contractantes du GATT deviennent membres de l'O.M.C. De nouvelles structures sont créées, notamment l'Organe des Règlements des Différents. Mais la nouvelle procédure risque de rencontrer des difficultés. C'est ainsi qu'une commission de juges américains doit examiner les décisions de l'O.M.C. ; Si, sur cinq ans, ils considèrent trois décisions comme injustifiées, le Congrès pourra demander le retrait des USA de l'O.M.C.

Initialement, l'O.M.C. est un organe consultatif, mais très vite ses membres se dotent de pouvoirs coercitifs très importants.

Objectifs

La création de l'O.M.C. doit :

1. résoudre les problèmes posés par l'agriculture, les services ou le textile, ce que n'avait pu faire le GATT ( devenu le champ clos de la rivalité USA-UE)

2. arriver à un accord sur les Investissements étrangers et

3. faire entrer dans le champ de la négociation la propriété intellectuelle.

L'O.M.C. et les pays pauvres

Un des objectif officiels est d'aider les pays pauvres à sortir de leur sous-développement... en les incitant à l'exportation. Or, pour la 1° fois, la croissance des Pays en Voie de Développement (PVD) en 98 sera inférieure à celle des pays riches; elle ne dépassera pas 2 %.

Les mécanismes économiques institués font que plus les économies de ces pays s'ouvrent sur le marché mondial, plus la masse de leur population s'enfonce dans le dénuement.

Pourquoi les gouvernements donnent-ils ce pouvoir à l'O.M.C. ?

Dans les pays riches, les gouvernements sont assez enclins à transférer la responsabilité d'actions impopulaires sur des institutions internationales mal connues du public alors que leurs propres représentants ont participé à l'élaboration des décisions prises par ces instances. Ces représentants étant souvent de hauts fonctionnaires dont les rapports avec les compagnies marchandes, particulièrement avec les dirigeants des Firmes Transnationales, ne sont pas toujours clairement tranchés.

L'A.M.I. : Accord Multilatéral sur les Investissements

Naissance

L'O.M.C. à été l'enceinte de discussion du premier projet de traité sur les investissements : l'A.I.M. (Accord sur l'Investissement Multilatéral), refusé par les pays pauvres. Il fut alors transféré à l'O.C.D.E. (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique) et prit le nom d'A.M.I.

Qu'est-ce que l'A.M.I. ?

Tel que négocié a l'O.C.D.E., il accordait aux investisseurs privés, (Firmes Transnationales et institutions financières) une liberté totale et le statut juridique de la Nation la Plus Favorisé (NPF), c'est à dire un traitement égal ou supérieur dans tous les domaines à celui accordé aux firmes nationales, sans les soumettre à aucune exigence en matière d'emploi ou de transfert de technologie. En cas de différend, l'investisseur aurait pu faire juger un Etat par un tribunal d'experts (ceux désignés par la Chambre de Commerce Internationale) siégeant à huis clos. L'état, en revanche n'aurait pas pu porter plainte contre un investisseur.

Pourquoi l'O.C.D.E. ?

L'O.C.D.E. est constituée d'experts et hauts fonctionnaires des 29 pays les plus riches de la planète. Sa principale mission est de mener des études informelles en vue de la préparation de décisions gouvernementales mais elle n'a jamais eu pour mandat l'élaboration d'un traité à visée planétaire. Les firmes transnationales espéraient faire passer ce traité dans ce forum restreint, pour l'étendre ultérieurement à tous les autres Etats par un effet boule de neige.

Côté français : le pouvoir politique a négocié le traité depuis 1993. Seule l'intervention de l'opinion publique a permis le retrait de la France des négociations en 1997. Cependant, le gouvernement reste favorable à la négociation de ce traité au sein de l'O.M.C., qui s'apprête à reprendre les négociations sur l'investissement en novembre 1999, avec le 9è Round, dit "Cycle du Millénaire".

Vers un nouvel A.M.I.?

Pour le moment, ne sont légalement programmés à l'O.M.C. que des négociations sur l'agriculture, les services et la propriété intellectuelle, ce qui est déjà beaucoup. L'investissement n'y figure pas encore, en raison de l'hostilité des PMD (Pays Moins Développés) face au projet. Mais ces pays risquent ne pas peser lourd face à la volonté des pays riches de voir l'investissement figurer dans ces accords. En effet, les crises financières récentes les mettent sous le pouvoir financier du F.M.I. qui conditionne son aide à l'acceptation de règles économiques très strictes et contraignantes.

Le P.E.T. : Partenariat Economique Transatlantique

Naissance

En marge des négociations de l'A.M.I., Sir Léon Brittan , Commissaire européen au Commerce, négociait depuis 95 avec les USA, sans aucun mandat de la part de l'Union Européenne, le NTM (Nouveau Marché Transatlantique) s'inspirant de l'ALENA (Traité commercial liant USA, Canada et Mexique), zone de libre-échange des hommes, des produits et des services y compris financiers aboutissant à accroître déréglementation et flexibilité au niveau des rapports sociaux et environnementaux. La France a récusé cette zone de libre-échange en raison de son caractère non démocratique et des dangers qu'elle faisait courir à la construction européenne.

Trois semaines a peine après ce rejet français, le PET voyait le jour lors du Sommet UE/USA à Londres le 18 mai 98.

Contenu

Assez élastique, il ne cesse d'évoluer depuis sa création. Il est fortement influencé par le TABD (Transatlantic Business Dialogue), réunissant les dirigeants des compagnies transnationales européennes et nord-américaines.

Sur le plan multilatéral, il s'agit, d'entériner le "Millenium Round" à l'O.M.C. Sur le plan bilatéral, il invoque le principe de "traitement national" pour tous les secteurs et notamment pour les marchés publics.

Objectifs

Ce sont les mêmes que ceux du NTM. A ceci près qu'aux domaines déjà programmés (agriculture, services, propriété intellectuelle), il faut maintenant y ajouter ceux de l'investissement, de la concurrence, du commerce électronique et des marchés publics. A travers une série d'accords politiques, il est destiné à démanteler les protections dont l'Europe s'est dotée en matière d'alimentation, d'environnement et de santé.

Les ARM (Accords de Reconnaissance Mutuelle) permettraient d'aligner les normes et les exigences réglementaires et de démanteler celles, nationales, en contradiction avec les ARM. L'étiquetage écologique, la réglementation en matière d'additifs alimentaires sont déjà visés. La protection sanitaire et écologique européenne sera ainsi mise à rude épreuve.

Les Conséquences de ces Traités pour les Citoyens

C'est l'ensemble de l'activité humaine et de nos conditions de vie qui risquent d'en être affecté.

Quelques exemples en feront mieux comprendre les enjeux :

Agriculture et aménagement du territoire

Pendant que les agriculteurs européens se battent à Bruxelles, certains pour leur survie, pour s'opposer à un démantèlement de la PAC, les conditions sont déjà réunies pour que ce démantèlement ait lieu au niveau mondial. Or, on sait que, si les Européens veulent aménager leur territoire et éviter la désertification de certaines zones, ce ne sera pas le "marché" qui y contribuera (parce que ce n'est pas suffisamment rentable), mais qu'il faudra aider les agriculteurs de demain à le réaliser en les subventionnant peu ou prou.

Enseignement et formation

L'Enseignement, lui-même, est programmé à devenir marchand. En France même, des multinationales investissent le secteur. Les professeurs de ces établissements aujourd'hui (demain les logiciels d'enseignement à distance) pourront-ils rester neutres face à leurs "employeurs" ?

Santé

Si de tels traités existaient aujourd'hui, des fabricants de produits à base d'amiante pourraient réclamer des indemnités aux Etats qui les ont interdit sur leur territoire et aux citoyens qui les ont attaqué en justice (pour en avoir été les victimes) pour attaque à leur image de marque.

Etendus aux espèces vivantes, ils peuvent décréter illégale l'interdiction européenne de l'importation de viande aux hormones. Ainsi, à partir du 13 Mai 99, l'Europe devra soit lever son interdiction au mépris de la sécurité sanitaire qu'elle a jusqu'ici défendue (surtout depuis la crise de la "vache folle") soit payer de lourdes pénalités aux pays et aux firmes qui se déclarent lésés dans leurs intérêts commerciaux (USA,Argentine,Australie...)

Les nouvelles règles de propriété intellectuelle sur les brevets peuvent nous imposer le maïs transgénique américain malgré le principe de "précaution" qui est jusqu'ici la règle suivie par l'Europe.

Sans parler de notre santé qui deviendra "profitable" ...pour les assureurs privés ou de nos retraites qui dépendront des bonnes "performances" (donc du chômage et des emplois "flexibles") des gestionnaires de fonds de pension

Face à ces menaces qui pèsent sur son existence quotidienne, le citoyen peut-il réagir ?

Déjà en 1998, ce fut la mobilisation publique en France et à l'étranger qui a permis le retrait de l'A.M.I devant l'OCDE.

Une mobilisation de plus grande ampleur encore devrait parvenir au même résultat en ce qui concerne les discussions qui vont avoir lieu au sein de l'OMC. (cette fois, ce ne sont pas que les pays "riches" qui sont menacés, mais aussi les peuples du Sud). Mais la mobilisation chez eux aussi se développe (Inde, Brésil, Corée...). Des rencontres internationales avec ces mouvements citoyens vont avoir lieu dans ce but à Paris du 24 au 26 Juin prochain.

De plus, il a eté prévu statutairement que l'OMC se livre à une évaluation de ses travaux 5 ans après sa création. 1999 en est l'échéance normale. Nous pouvons donc demander à nos "politiques" d'obliger cette institution à réaliser ce qui etait prévu avant l'introduction de toute nouvelle activité. Car il y a fort à parier que sans cette pression, l'OMC ne s'y conformera pas de son plein gré.

Enfin, il faut être conscient que le responsable politique, s'il le veut, peut imposer ses vues aux technocrates, français mais aussi européens. Le fait que le Parlement européen ait amené la Commission à démissionner peut être l'exemple le plus récent de ce retour du "politique" qui doit s'amplifier avec la mobilisation de plus en plus active du simple citoyen.

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