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La loi Fabius sur l’épargne salariale : un enjeu de société

Le 4 octobre l’Assemblée Nationale adoptait en première lecture le projet de loi sur l’épargne salariale. Les groupes parlementaires socialiste et communiste ont approuvé le texte. Le MDC, les Verts et l’UDF se sont abstenus alors que le RPR votait contre. Le 8 novembre le Sénat adoptait un projet de loi considérablement amendé (il a notamment rajouté quelques articles au projet de loi sur l’épargne retraite et les stock-options). Ce projet de loi devrait revenir en 2ème lecture à l’assemblée en janvier 2001. Le CA d’Attac et un certain nombre de groupes locaux ont manifesté leur opposition à ce projet. Informer pour agir (réagir), tel est l’objet de ce document.

Le projet de loi comprend :

1. au cœur du dispositif, la mise en place de fonds de pension

Le Sénat ne s’y est pas trompé.. Il n’a fait que devancer le calendrier du gouvernement. Car l’essentiel de la loi est constitué par la création d'un plan partenarial d'épargne salariale volontaire (PPESV).

Le PPESV se présente comme une plan d'épargne entreprise de long terme (les sommes sont bloquées 10 ans minimum) dont l'objectif explicite est de servir de complément retraite. L'abondement de l'entreprise est déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés et non imposable sur l'impôt sur le revenu dans la limite de 300 % des versements des salariés et de 30 000 F par an. Il est exonéré de cotisations sociales dans la limite de 15 000F par salarié et par an et soumis à une contribution de 8,2% entre 15 0000 et 30 000F. Le PPESV est mis en place par un accord négocié avec les organisations syndicales.


2. des mesures pour enrober le PPESV

- des incitations pour les petites et moyennes entreprises (moins de 50 salariés), à entrer dans les dispositifs d'épargne salariale.

Le projet de loi augmente les incitations fiscales par le mécanisme de franchise d'impôt.

Pour développer l'épargne salariale, le projet de loi crée un plan d'épargne inter-entreprises (PEI) qui permet aux PME qui regroupent 4,8 millions de salariés, de se regrouper sur une base professionnelle ou territoriale.

Là aussi, il s'agit de mesures dont l'effet sera limité. Les salariés des PME sont globalement moins payés et ont, de plus, une moindre sécurité d'emploi que ceux des grandes entreprises. Leur capacité d’épargne est donc beaucoup plus faible. Est-il raisonnable que cette capacité soit dirigée vers une épargne dont les risques sont loin d'être nuls, et ce d'autant plus qu'il s'agit souvent d'entreprises non cotées et de titres à faible liquidité dont il est plus difficile de se débarrasser. Que seraient devenus des PEI dans la sidérurgie et le textile ou en Lorraine et dans le Nord?

- des dispositions visant à améliorer, pour les salariés les plus mobiles, les dispositifs existants

Ainsi, la condition d'ancienneté pour bénéficier de l'épargne salariale passe de 6 à 2 mois. De plus des mesures sont prises pour faciliter le transfert de cette épargne en cas de changement d'entreprise. Dans le cadre d'un maintien de l'épargne salariale, des mesures visant à protéger les salariés les plus touchés par la flexibilité peuvent paraître positives. Cependant, leur effet pratique risque d'être assez faible. En effet les salariés les plus mobiles sont souvent les plus précaires et les plus mal payés. Ils bénéficieront certes un peu plus vite de l'intéressement et de la participation, ce qui réduira les inégalités de traitement entre les salariés, mais la constitution d'une épargne leur restera de toute façon largement fermée, leur capacité d'épargne étant très faible, pour ne pas dire inexistante.

- des mesures relatives au renforcement des droits des salariés dans l'entreprise.

Les mesures se ramènent, pour l'essentiel, à deux propositions : obligation annuelle de négocier sur l'épargne salariale, renforcement des pouvoirs des conseils de surveillance des fonds, dans lesquels sont présentes les organisations syndicales.

L'extrême timidité de ces propositions confirme que ce n'est pas du côté de l'épargne salariale qu'il faut chercher un accroissement des droits des salariés. Celui-ci passe davantage par des pouvoir accrus pour les comités d'entreprise, les délégués du personnel et délégués syndicaux, des possibilités d'information et de consultation des salariés... Mais de tout cela, le projet de loi ne dit mot.

- des mesures relatives au financement de l'économie solidaire qui permettent au projet de loi de se parer d'habits vertueux.

Ce projet permettrait enfin de financer des entreprises dont la finalité n'est pas principalement le profit, mais qui ont une utilité sociale ou relèvent de l'intérêt général. A y regarder de plus près, la montagne a accouché d'une souris. Les "fonds solidaires" pourront recevoir l'épargne des salariés, celle-ci pouvant être abondée par l'entreprise. Ils pourront détenir 5 à 10 % du capital des "entreprises solidaires". On le voit, le flux financier annoncé vers l'économie solidaire est tout sauf assuré. Il s'agit visiblement d'un article alibi.


Au congrès du parti socialiste de Grenoble en novembre 2000 Laurent Fabius a prononcé les paroles suivantes : “ Dans gouverner c’est choisir ” Mendes-France écrit ceci : “ Dans la vie d’une nation demain importe plus qu’hier. Pour juger sérieusement le présent il faut se demander quel avenir il préfigure. ”

A travers l’épargne salariale et les fonds de pension à la française, Laurent Fabius et le gouvernement préfigurent une régression sociale et une capitulation face au MEDEF et son opération de “ refondation sociale ”


Épargne salariale : les dispositifs existants

La participation


Définition

L'ordonnance de 1967 reconnaît aux salariés le droit de bénéficier financièrement d'une partie des résultats de l'entreprise.

Entreprises concernées

Est obligatoirement concernée toute entreprise, privée ou publique, employant plus de 50 salariés.

Mise en place

La participation est organisée: dans le cadre d'une convention; d'un accord d'entreprise ou de branche (avec signature des délégués syndicaux); au sein du comité d'entreprise; entre le patron et les représentants d'organisations syndicales; après ratification à la majorité des deux tiers du personnel d'un projet de contrat proposé par le chef d'entreprise.

Bénéficiaires

Les salariés ayant travaillé dans l'entreprise pendant six mois. Cela ne concerne pas uniquement les salariés en CDI. Travailleurs à temps partiel, à domicile. salariés en stage de formation, VRP, ont aussi droit à la participation. Seuls exclus: les stagiaires, apprentis et mandataires sociaux (les gérants) qui ne sont pas liés à l'entreprise par un contrat de travail,

Mode de calcul

La Part du bénéfice allouée aux salariés est affectée à une ré- serve spéciale de participation. Son montant s'obtient par une savante formule, dont les paramètres sont strictement définis par le Code du travail. La répartition de la réserve peut se faire proportionnellement au salaire ou pour une partie (50 % au maximum de la réserve) en fonction du temps de présence dans l'entreprise pendant l'année. La somme versée à chaque salarié ne peut excéder la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale, sait 88200 F en 2000.

Indisponibilité

Les sommes versées annuellement au titre de la participation sont bloquées pendant cinq ans. Cette durée peut être ramenée à trois ans sur accord de la direction et des salariés.

Il existe néanmoins neuf cas personnels permettant le déblocage anticipé des droits du salarié: cessation du contrat de travail; achat ou agrandissement de la résidence principale; création, reprise d'entreprise ou exercice d'une profession non salariée; naissance ou adoption; mariage; divorce avec garde d'au moins un enfant mineur; décès

Avantages fiscaux

Le produit de la participation est exonéré d'impôt sur le revenu.

Placement

Sur compte courant bloqué (taux minimum légal actuel: 6 %), sous forme d'actions de l'entreprise, en SICAV ou en FCPE (fonds commun de placement d'entreprise), par l'intermédiaire d'un plan épargne entreprise (PEE, voir ci-dessous).


L’intéressement


Définition

Il s'agit d'une rémunération collective liée aux performances de l'entreprise.

Entreprises concernées

Facultative, cette formule, qui existe depuis 1959, est ouverte à toute entreprise respectant ses obligations en matière de représentation du personnel. Elle peut être cumulée avec la participation.

Bénéficiaires

L'intéressement est réservé aux salariés. En sont exclus les mandataires sociaux (gérants), sauf s'ils sont détenteurs d'un contrat de travail. L'entreprise est en droit d'exiger une durée d'ancienneté limitée au maximum à six mois. Elle peut également réserver l'intéressement à certains établissements, lorsqu'il en existe plusieurs.

Mise en place

Même procédure que pour la participation (voir ci-dessus). A ceci près que l'accord d'intéressement est obligatoirement conclu pour une durée de trois ans, contrairement à celui portant sur la participation, signé une fois pour toutes.

Modalités de calcul

Contrairement à la participation, dont le mode de calcul est défini par la loi, la prime d'intéressement est attribuée en fonction de la réalisation d'objectifs fixés dans l'accord (productivité, résultats ... ). Si l'accord peut prévoir une clause d'ancienneté, tout critère de performance individuelle est formellement proscrit.

Répartition

Elle peut être uniforme, proportionnelle au salaire, au temps de présence dans l'entreprise durant l'année ou bien prendre en compte ces différents critères.

L'argent distribué au titre de l'intéressement ne doit pas dépasser 20 % du total des salaires bruts versés à l'ensemble des salariés de l'entreprise. Comme pour la participation, les sommes accumulées par un même salarié ne peuvent pas excéder la moitié du plafond de la sécurité sociale c'est à dire 88200 en 2000.

Avantages

Gros avantage de la prime d'intéressement par rapport à la participation, le salarié peut la toucher immédiatement. Cela implique qu'il doit l'intégrer dans sa déclaration de revenus, au même titre que le salaire. D'où l'intérêt, en vue d'une exonération fiscale, de la verser sur un plan épargne entreprise (voir ci-dessous). Encore faut-il que l'entreprise en ait mis un en place...

 


Le plan d’épargne entreprise


Définition

Il permet aux salariés de se constituer un capital grâce à une aide financière de l'entreprise et à des exonérations d'impôts.

Ce type de plan a aussi pour but de faciliter, par le biais d'une gestion collective, le placement des sommes recueillies en valeurs mobilières.

Entreprises concernées

Toutes, quels que soient leur nature juridique et leur nombre d'employés.

Bénéficiaires

Les PEE sont ouverts à tous les salariés. A l'inverse des plans d'actions ils ne peuvent pas écarter nommément des salariés ou n'être réservés qu'à certaines catégories privilégiées, type - super cadres -. Néanmoins, le Code du travail autorise les entreprises à exiger une durée d'ancienneté (dans la limite de six mois maximum) pour pouvoir commencer à verser de l'argent sur un PEE. Préretraités et retraités peuvent continuer à effectuer des versements volontaires sur le plan. Seuls les anciens salariés de l'entreprise non retraités ne peuvent plus le faire.

Mise en place

Elle se déroule de la même façon que pour l'intéressement et la participation. Autre point commun avec cette dernière: l'épargne est bloquée pendant cinq ans, sauf dans certains cas liés à la situation personnelle, identiques à ceux prévus pour la participation.

Comment l'alimenter?

Le salarié peut déposer sur son PEE tout ou partie de sa prime d'intéressement, ainsi que les sommes empochées au titre de la participation.

Il est également possible de transférer la participation gérée en comptes courants bloqués et devenue disponible au terme de la période de blocage de cinq ans.

Le salarié a la possibilité d'effectuer des versements volontaires, dans la limite d'un quart de sa rémunération annuelle.

En complément, l'entreprise peut décider d'abonder dans la limite du triple de la contribution personnelle du salarié. En sachant que les sommes affectées sont plafonnées à 15 000 F par an et par salarié, 22 500 F si l'argent est versé dans un FCPE (fonds commun de placement d'entreprise), investi en titres de l'entreprise. Exemples: un salarié dépose 2 000 F. Son entreprise pourra au maximum abonder sa mise de 6 000 F. Celui qui verse 1 2 000 F ne pourra bénéficier que d'un abondement maximum de 1 5 000 F (ou de 22 500 F. s'il investit en actions de l'entreprise).

Retraités et préretraites ne peuvent pas en bénéficier.

Gestion financière

Les sommes versées dans un PEE sont investies dans un ou plusieurs FCPE (fonds communs de placement entreprise), gérés par une société de gestion spécialisée dans l'épargne salariale.

Contrôle

Un conseil de surveillance, composé au moins pour moitié de représentants du personnel et pour l'autre de représentants de la direction, se réunit au minimum une fois par an pour examiner le rapport annuel de gestion. Il a également son mot à dire en matière d'orientation des investissements: le conseil peut ainsi décider l'affectation des actifs d'un fonds à d'autres fonds.

Dans quels fonds investir? Il existe quatre catégories de FCPE proposées par les sociétés de gestion: les placements en actions, qui comportent une proportion élevée d'actions (au minimum 75 %), les placements diversifiés, composés de manière plus ou moins mixte d'actions et d'obligations; les placements dits de taux d'intérêt, composés en majorité d'obligations; les placements monétaires à court terme.

Risques

Avant d'acheter des actions de votre entreprise, réfléchissez-y à deux fois.

En cas de faillite, vous pourrez dire adieu à votre mise. Pensez par conséquent à diversifier votre portefeuille.


Les syndicats et l’épargne salariale

La CGT : le projet de loi n’est pas acceptable….

Malgré des compromis, les amendements votés dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi d'épargne salariale n'ont pas levé les inquiétudes.

 


... On est encore loin du compte...En effet, la Cgt avait posé quatre exigences: pas de nouvelles exonérations; pas de mise en concurrence avec la retraite par répartition ; nécessité d'affecter une partie de l'épargne au développement économique et à l'emploi; renforcement des droits des salariés sur leur épargne.

.... globalement, “ le projet n'est pas acceptable ”. souligne ainsi Pierre-Yves Chanut, collaborateur du secteur économique de la Cgt chargé du dossier.

La majorité et le ministre de l’Économie et des Finances sont ainsi finalement parvenus à trouver un compromis sur la fiscalité sociale du nouveau plan partenariat d'épargne salariale volontaire (Ppesv)....
Premier problème:
parce que le texte n'introduit qu'une soumission partielle à cotisation, il est fort probable que les abondements supérieurs à 15 000 francs seront rarissimes. Autrement dit, il y aura exonération dans la majorité des cas. Même dans l'hypothèse où le plan partenarial d'épargne incitera les employeurs à augmenter leurs versements, il faut savoir qu'en 1997 l'abondement moyen que versaient les entreprises à leurs salariés était de... 5 270 francs.

Deuxième problème: la Cgt demandait au contraire que l'ensemble de l'épargne salariale soit soumis à cotisation sociale et que, en contrepartie, cette épargne salariale soit prise en compte dans le calcul de la retraite. Or ce n'est toujours par le cas aujourd'hui.

.....Seconde concession du gouvernement: la sortie en capital et non en rente des sommes accumulées a finalement été adoptée. Ceux qui étaient totalement hostiles à une sortie en rente, synonyme de fonds de pension, voient leur souhait exaucé en partie. En partie seulement. Car, selon un amendement du député PS et rapporteur du projet Pierre Balligand adopté en première lecture, il sera possible aux salariés qui le souhaitent de sortir du plan d'épargne de manière fractionnée ”. Or le débat parlementaire n'a pas permis d'éclairer ce que l'on entendait par cette expression. En réalité, personne ne sait réellement ce que cela recouvre, même si, juridiquement, ce n'est pas de la rente, souligne Pierre-Yves Chanut..... Reste que cet amendement est porteur d'une avancée importante : ce n'est plus l'accord collectif qui décide de la sortie des sommes accumulées “ de manière fractionnée ”, mais les salariés eux-mêmes. sur la base du volontariat.

S'agissant, plus largement, du renforcement des droits des salariés dans les entreprises. comme le souhaite la Cgt. le débat parlementaire n'a pas permis d'avancer. ”


 

Extraits d’un article de CHRISTINE LABBE dans OPTIONS N° 396 octobre 2000

La CFDT : Oui à l’épargne salariale si elle est ouverte à tous et contrôlée par les salariés

Déclaration de la Commission exécutive


Alors que le projet de loi sur l'épargne salariale est examiné aujourd'hui par l'Assemblée nationale, la CFDT rappelle son soutien à la démarche engagée dès lors qu’elle préserve les régimes de retraite par répartition et qu’elle répond à deux conditions :

1. Tous les salariés, notamment ceux des petites et moyennes entreprises, doivent pouvoir accéder à un dispositif d'épargne salariale.

2. Le dispositif doit prévoir une réelle capacité d'intervention des salariés dans le contrôle de la gestion des fonds collectés. Cette représentation sociale est une meilleure réponse que tous les discours sur “ la démocratie actionnariale ”.

Concrètement, la CFDT propose :

. La mise en place d'un encouragement fiscal individuel pour les salariés qui souhaitent investir dans un dispositif d'épargne salariale, par exemple sous la forme d'un crédit d'impôt d'un montant forfaitaire (25 % de l'épargne du salarié dans la limite de 200 euros par an par exemple). Ainsi, la loi associerait une incitation en faveur des salariés aux encouragements fiscaux déjà prévus en direction des entreprises.

. La négociation entre partenaires sociaux prévue par le projet de loi pour les plans d'épargne inter-entreprise (PEI) doit être étendue aux plans d'épargne d'entreprise (PEE) afin que ceux-ci ne puissent plus être mis en place par décision unilatérale de l'employeur. Tous les plans d'épargne salariale doivent obéir aux mêmes règles de mise en œuvre, pour garantir un dialogue social nécessaire.

. La présence majoritaire des représentants des salariés dans les conseils de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise afin de leur permettre d'exercer leur mission de contrôle sur la compatibilité entre la politique salariale et la politique d'épargne salariale suivies par l'entreprise.

. L'exercice par ces conseils de surveillance d'un droit de vote dans les assemblées générales des entreprises dans lesquelles l'épargne est investie.


Source: Communiqué CFDT du 3 octobre 2000.

FORCE OUVRIéRE L’éPARGNE SALARIALE : UN HABILE COMPROMIS


Après l’adoption en première lecture du projet de loi sur l’épargne salariale, Force Ouvrière constate que le texte final n’a pas dissipé les équivoques, lesquelles, pour être levées, exigeaient de garantir la primauté des hausses de salaires et de ménager le financement des régimes de retraite par répartition.

En conséquence, elle exprime son désaccord sur le texte d’équilibre, qui revient à exonérer de tout prélèvement les versements en dessous de 15 000 francs.

Dans cette logique, Force Ouvrière considère que le taux de prélèvement attractif concédé à l’épargne salariale, et opérationnel au-delà du seuil d’exonération, aboutit à raréfier les ressources indispensables à la consolidation et au développement des régimes de retraite par répartition.

Au bout du compte, si la capitalisation n’émerge pas lisiblement de la loi, elle apparaît néanmoins au détour de la sortie de l’épargne salariale, le capital fractionné étant assimilé à la rente et, par extrapolation, à la perspective de fonds de pension.

Raison de plus, pour Force Ouvrière, de défendre inlassablement les régimes de retraite par répartition.


Paris, le 5 octobre 2000


Pour Attac

 

Derrière un projet de loi très technique, ce sont des questions fondamentales pour l'évolution de la société qui sont en jeu :

Vers quel système de retraite le gouvernement veut-il nous diriger ? Quelle place pour le salaire ? Sur quelles bases fonder les relations sociales dans l'entreprise ?

 

L'épargne salariale .....

 

.....contre la justice sociale

Ce dispositif va aggraver les inégalités entre salariés. Il sera d'autant plus intéressant que la capacité d'épargne sera importante. Ce sont donc les hauts salaires qui en profiteront principalement (8 % des personnes ayant un salaire net de 6 000F disposent d’une épargne salariale, contre 45 % des personnes disposant de salaires supérieurs à 20 000F).

.....contre les prestations sociales et le service public

Selon une étude sur des entreprises où ce système est pratiqué [1]'l'épargne salariale “est assurément l'une des formes d'épargne les plus subventionnées” : générer un flux annuel de 35 milliards de francs et un encours de 330 milliards coûte, par le biais des exonérations de cotisations sociales et d'impôts, “20 milliards de déficit de cotisations sociales” et “5 milliards de non-rentrées fiscales". Et les auteurs de poursuivre. “ Par ailleurs, on peut s'interroger sur la légitimité d'une subvention accordée aux entreprises pour détenir un auto-contrôle de leur capital ”. Car le but des systèmes est bien d'amener tout ou partie des salariés à acquérir des actions de leur société.

.....contre les salaires

L'abondement de l'entreprise se fera évidemment à profit constant. Les directions se serviront du PPESV pour refuser toute augmentation de salaire et tenteront d’y faire passer une part de plus en plus grande de la rémunération, compte tenu des avantages fiscaux et sociaux qu’elles y trouvent. Les salariés vont donc échanger une rémunération immédiate et assurée contre une rémunération différée et aléatoire, car liée à l'évolution des marchés financiers et aux résultats de l'entreprise.

.....contre les retraites par répartition

Les sommes versées au PPESV ne sont pas soumises à cotisations sociales. Ce sont donc les ressources de la retraite par répartition qui sont directement menacées. Plus le PPESV aura du succès, plus l'avenir de ce système de retraite sera compromis. Ce qui était condamnable sous la droite avec la loi Thomas deviendrait- il acceptable dans le projet gouvernemental ?

Derrière la généralisation de l'épargne salariale, ce son4 en fait, les fonds de pension qui se profilent. Le PPESV serait de toute évidence destiné à l'épargne retraite. Or, capitalisation et répartition ne peuvent être complémentaires sur le moyen et long terme. Les actifs des fonds de pension sont composés d'obligations et d'actions. Un bon rendement des obligations suppose des taux d'intérêt élevés - ce qui est contraire à la croissance et donc, à l'emploi -. Le bon rendement des actions suppose la compression maximale de la masse salariale. Dans les deux cas, ce sont bien les recettes de la répartition qui seraient touchées au cœur, au-delà même d'éventuels octrois d'exonérations sociales qui les siphonneraient directement.

.....contre les salariés

Le système est "à cotisation définie" c'est-à-dire qu'il n'offre aucune garantie de prestation en bout de course, le risque étant supporté entièrement par le salarié. C'est d'ailleurs aussi le cas dans la grande majorité des fonds anglo-saxons qui, de fonds à "prestation définie", se sont transformés en fonds à "cotisation définie".

.....contre les syndicats

Le calendrier étalé dans le temps choisi par le gouvernement français pour aller vers les fonds de pension vise à ménager les délais nécessaires pour obtenir l'assentiment des confédérations syndicales qui marquerait un tournant décisif vers une conception étroitement gestionnaire de leur rôle. La participation des syndicats à la gestion de ces fonds pourrait avoir des conséquences négatives sur le rapport qu’elles entretiennent avec les salariés.. Elle est porteuse d’un risque de dérive technocratique qui éloignerait encore plus le syndicalisme des salariés en renforçant de façon importante la couche des notables syndicaux qui n’auraient d’ailleurs le choix qu’entre la peste et le choléra : gérer ces fonds au profit des épargnants de telle manière qu’ils aient des rendements similaires à leurs homologues anglo-saxons et donc s’attaquer de fait aux salariés qu’ils sont censés représenter, ou, tenir compte de l’impact social de leurs décisions et trahir par là même les intérêts des épargnants dont ils gèrent les fonds.

L'épargne salariale vise à étendre à l'ensemble du salaire le processus de cannibalisation que les fonds de pension auraient exercé sur les seules cotisations de retraite, à diriger vers les marchés financiers une part toujours plus importante du salaire.

 

BIBLIOGRAPHIE :

 “ La Finance contre les retraites ” dans “ Tout sur Attac ”, (Mille et une nuits, Paris, 2000)

“ Les retraites au péril du libéralisme ”, coordonné par Pierre Khalfa et Pierre-Yves Chaunu (Syllepse, Paris, 1999)

“ La comédie des fonds de pension ”, Jacques Nikonof (Arléa, Paris, 1999)

“ Fonds de pension, pièges à cons ? Mirage de la démocratie actionnariale ”, Frédéric Lordon (Raisons d’agir, Paris, 2000)

“ Châteaux en épargne ”, document vidéo réalisé par Attac Yvelynes Nord avec la participation de Michel Husson et Pierre Khalfa (75 F ou 405x10)

Agir avant l’examen en deuxième lecture à l’Assemblé Nationale

Lettre aux parlementaires appelés à voter le projet.

Délégation auprès des parlementaires membres d’Attac

Campagnes d’information (diffusion des documents et prises de position d’Attac, réunions, lettres aux organisations syndicales etc.... )



[1] “ Retraite et Èpargne salariale, les initiatives d'entreprises ”, par L. Roberts, T. Colin, B. Friot J-M. Pemot, P. Volovitch, Gree et Ires, juillet 2000.

 

Groupe Local ATTAC Pays d'Aix - décembre 2000

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