Ainsi la société
Dupont disposera chez la Banque B d’un compte courant sur lequel elle
pourra régler ses dépenses.
Trois
remarques s’imposent
La première:
Il n’est pas nécessaire pour la banque de posséder le moindre billet
de banque pour procéder à de tels jeux d’écritures. Dans la réalité,
les banques en ont besoin pour faire face au phénomène des "fuites",
correspondant à la part que les titulaires de comptes en banque transforment
en espèces. En outre, "l’encadrement de la création de crédit"
a pour effet de "geler" à la Banque de France une partie des
dépôts de ses clients (environ 10%) tout en laissant multiplier l’autre
partie par un coefficient. Actuellement,
ce coefficient multiplicateur dépasse six. Les fuites sont de l'ordre
de 16% [1]
La seconde:
Ainsi que le souligne A. Cheneau, les banques jouissent de l’exorbitant
privilège de créer à partir de rien un titre de créance pour régler
leurs obligations (aux fuites près), et comme le disait le Prix Nobel
français d'économie, Maurice Allais[2] « Dans son essence la création de monnaie
ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique … à la création
de monnaie par des faux monnayeurs. Concrètement elle aboutit aux mêmes
résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents ».[3]
La troisième:
Cette opération de création monétaire consiste à enregistrer un actif
patrimonial d’un côté et sa valeur de l’autre. Les spécialistes disent
que "les banques créent de la monnaie en monétisant des actifs
non monétaires". D’autres diraient qu’ils s’approprient des
richesses réelles sans bourse délier.
On peut aussi remarquer
que le système bancaire possède un insolent privilège : celui
de faire payer des frais financier provenant de son propre endettement ![4]
Ce privilège de
création monétaire se voit cependant imposer une limite par l’existence
de l’encadrement du crédit; mais ces mécanismes n’ont pas leur place
ici.
Mais il y a encore
plus intéressant.
Vous ouvrez un compte
dans une banque et vous amenez 1000 F, sous forme d’une traite commerciale.
Votre compte sera crédité du même montant et, bien évidemment, c’est
bien une dette de la banque envers vous. Néanmoins la banque, pour ce
service d’escompte, va se faire payer des agios, par vous. La monnaie
scripturale créée à cette occasion est donc produite par la banque,
par une augmentation de sa propre dette.
Propriétés
de la monnaie et des devises:
Depuis que la monnaie
n’est plus gagée sur l’or, elle n’existe plus que sous forme de crédit.
Chaque créance (C) est compensée par une dette (D) de même montant.
Même les billets de banque sont restés inscrits au passif de
la Banque de France ; c’est la Nation, c’est à dire vous et nous,
qui les doit à la Banque de France. Il y a donc un argent et un anti-argent
qui s'annulent.
On peut écrire l’équation: Créances = Dettes donc Créances - Dettes
= 0
et, au niveau
national: Somme des Créances - Somme des Dettes = 0
Autrement dit:
==> la
monnaie nationale n’a pas d’existence collective
C’est si vrai que
si le franc perdait toute sa valeur en quelques jours la collectivité
française ne s’appauvrirait pas d’un centime ; les richesses ne continueraient
pas moins d’exister ; elles seules existent. Certaines changeraient
de main, car les créances des uns et les dettes des autres s’annuleraient.
Note :
Ce qui a été dit de la monnaie nationale ne peut en aucun cas l’être
des devises. Aucun étranger n’est assez fou pour faire confiance
aux autres États (pour le sien, le citoyen est bien obligé ; la monnaie
nationale y a "cours forcé" ; on ne peut la refuser).
Une monnaie n’est
acceptée comme devise que si la Banque Centrale du pays est toujours
prête à la reprendre contre d’autres devises ou de l’or à un taux voisin
de celui de sa vente.
Revenons
aux propriétés de l’argent national.
Nous avons vu circuler
cet argent à propos de la production et de la vente d’outils et nous
avons pu constater que:
1- La production
ne consomme pas d’argent sur le plan national mais sa vente rapporte
de l'argent aux personnes privées.
2 - L’ensemble des
dépenses de chacun constitue le revenu économique de tous.
3 - L’argent agit
comme un catalyseur chimique : il favorise les échanges mais reste intact
à la fin. Il ne fait que circuler.
4 - Cependant, il
peut disparaître (quand il s’agit d’un crédit remboursé par l’emprunteur
à sa banque).
5 - Il ne peut manquer
que si on n’en crée pas proportionnellement à l’expansion de la production
et / OU si on en fait disparaître sans en recréer autant aussitôt.
6 - L’argent abondant
fait l’argent bon marché, (loi du marché), donc des prix bas (les investissements
alourdissent moins les prix de revient dans ce cas).
On peut distinguer
deux sortes de monnaie du point de vue de leur permanence: la
monnaie permanente (pièces et billets) et la
monnaie temporaire (issue des crédits)
Remarquons que,
par le fait du crédit avec ses agios, la seconde rogne la première continuellement.
De plus, cette monnaie
temporaire à des caractéristiques particulières, comme le fait remarquer
Pierre Aunac [5] :
- Émise à l’occasion
des crédits consentis par les banques, son émission a pour effet d’endetter
ceux qui bénéficient de sa création et elle donne lieu au payement de
frais financiers. Or, l’endettement augmente d’une manière exponentielle
et on peut dire, si on compare une nation à une entreprise, qu’un pays
où la totalité de la monnaie en circulation serait faite de monnaie
temporaire serait comme une entreprise qui n’a pas de capital propre :
elle serait en cessation de payement.
La nécessité de
payer aux banques à la fois le principal et les intérêts ferait de cette
monnaie un système « boule de neige ». Seuls les dépôts de
bilans, mais avec le chômage comme conséquence, joueraient un rôle de
variable d’ajustement
- Contrairement
à la monnaie permanente, la monnaie temporaire doit être remboursée,
donc détruite, lorsque les crédits arrivent à échéance, ce qui exige
des entreprises des marges supplémentaires importantes. C’est une monnaie
« auto évanescente », et la masse monétaire peut se dégonfler
spontanément, si elle n’est pas compensée par la demande de nouveaux
crédits, ce qui peut provoquer une implosion de la demande. C’est ce
qui est arrivé lors de la crise des années 30 et c’est ce qui nous menace
aujourd’hui.
Ce risque diminue
beaucoup avec une masse importante de monnaie permanente car cette monnaie
thésaurisée peut facilement ressortir des tiroirs ou des comptes pour
relancer la demande au moindre signe encourageant.
Mais
comment « pousse » donc la monnaie ?
Sans doute l’explication
qui précède n’a t’elle pas encore complètement répondu à cette question.
Nous allons donc essayer d’être plus clairs.
D’une part :
Le Trésor (la Nation) demande à la Banque de France d’émettre un certain
montant de ce que l’on nomme « monnaie centrale » (monnaie
permanente). Ce sont les billets et pièces: en 1995, il y en avait 256
milliards de francs. Retenons aussi que c’est une dette portée dans
la comptabilité de la Banque de France et que cette monnaie n’est plus
gagée sur l’or.
D’autre part :
Les banques privées créent une monnaie temporaire sous forme de crédits
(les prêts), laquelle gonfle la masse monétaire en circulation, mais
disparaît lorsque ce crédit est remboursé. C’est le cycle permanent
de création et de remboursement qui fait que cette masse monétaire reste
sensiblement constante. Elle était, toujours en 1995, de 1566 milliards
de francs et elle est constituée par les « Dépôts à Vue ».
La somme de ces
deux termes représente ce que l’on nomme l’agrégat monétaire M1, représentant
la masse de la monnaie dans le pays (1823 milliards de francs en 1995).
Ne vous laissez
pas abuser si vous entendez parler des agrégats M2 et M3. Ce sont des
« ensembles vides ». Il n’y a de monnaie que dans M1 car la
comptabilité de ces agrégats M2, M3 ne représente que des « transits » ;
comme le disent les économistes, ce sont des « bulles monétaires » .
Nous ajoutons que leur caractéristique est qu’elles sont vides.
En
conclusion
L’argent est un
mythe qui fait l’objet de beaucoup de passions : il est l’OUTIL de la
domination de l’homme par l’homme, mais on le prend facilement pour
la CAUSE de cette domination.
Il est rare de le
voir "A L’ENDROIT" et c’est pourquoi on s’en sert "A
L'ENVERS":
- Quand les prix
montent, on augmente les taux d’intérêts qui grèvent les investissements
en faisant monter les prix davantage.
- L’État dit "je
n'ai pas d’argent pour créer de l’emploi", alors que l’emploi n’en
consomme pas.
- Il y a mévente
dans beaucoup de secteurs, signe évident qu’il y a manque de pouvoir
d’achat donc d’argent. Et c’est le moment choisi pour "resserrer
le crédit"!.
==> Ce
qu’il faut retenir, c’est que la création monétaire, aujourd’hui, permet
de produire les biens qui, vendus, valorisent la monnaie créée.
[1] Lorsque la banque crée 100 de monnaie scripturale,
16% finira par être convertie en billets. En d'autre termes, chaque
fois qu'une banque détient 16 francs de monnaie, elle peut créer 100
F de monnaie scripturale. Le multiplicateur de crédit est donc de 100/16
= 6,25. Ceci se déduit des composants de la masse monétaire M1, dont
les dépots à vue (argent scriptural) représentent un peu plus de 6 fois
le montant des billets et pièces.
[2] Certains considèrent Allais comme un gentil huluberlu.
Bernard Maris dans « Lettre ouverte aux gourous de l’économie
qui nous prennent pour des imbéciles » (Albin Michel 1999), ne
fait guère de cadeaux aux économistes en général. Mais il écrit (pages
136 / 137) : " On va chercher Allais en 1987, après
le krach, on le coiffe d’un chapeau pointu de devin, et on le ressort
en 1998. Il dit la même chose, de bon sens, « que les arbres
ne montent pas jusqu’au ciel ». Il ne prévoit rien : il
fait de remarquables comparaisons historiques, point. Il donne la
même analyse limpide de la crise de 1929, mais peu importe ;
ce n’est pas sa capacité d’analyse historique que l’on met en scène,
mais son coté vieux sage, vaguement sorcier et un peu loufoque :
museler le système bancaire, interdire aux banques de créer de la
monnaie, dire que la monnaie bancaire est de la « fausse monnaie »,
empêcher les banques de prêter à plus long terme que leurs fonds…
si les gens lisaient vraiment ce qu’à écrit Allais, ils seraient stupéfaits !
Allais n’est pas un expert, mais un grand économiste… "
[3] Puisque les banques n'ont à rémunérer qu'une partie
des crédits qu'elles accordent à leurs clients sur création monétaire,
le coût de la monnaie prétée n'est pas égal à celui de la monnaie
qu'elles emprûntent pour se refinancer. En réalité le coût des crédits
monétaires pour les banques est égal au taux du marché divisé par
le multiplicateur de crédit. Pour faire simple, le coût d'un refinancement
pour les banques reste inférieur à 1%.
[4] Une étude, faite
en Allemagne par Margrit KENNEDY ( "Libérer l'argent de l'inflation"
- Vivez Soleil - 1996), montre le fonctionnement insidieux de notre
système monétaire. Il n'y a pas que ceux qui empruntent de l'argent
qui payent des intérêts, car, contrairement à ce que l'on pourrait
croire, nous en payons tous, sans même nous en rendre compte.
En effet, dès que nous achetons un bien ou un service, nous payons
toujours une part d'intérêts incluse dans le prix et cette part est
fonction des investissements qui ont été nécessaires pour la production
considérée. Pour des services de main d'oeuvre cette part, dans les
coûts de production, est voisine de 10%, mais elle peut atteindre
80% si la production nécessite beaucoup de capital et peu de main
d'oeuvre.
L'étude a porté sur 25 millions de foyers allemands, répartis en 10
classes selon leurs revenus. Pour chacune de ces classes il a été
pris en compte les intérêts payés, inclus dans les achats de biens
de consommation, et ceux perçus par les placements de l'épargne. Cette
étude met en lumière que l'intérêt ne profite qu'à la tranche
supérieure c'est à dire à 10% de la population la plus aisée, qu'il
est neutre pour les 10% de la classe 9 et qu'il est prélevé sur les
8 premières tranches soit 80% de la population. L'incidence de l'intérêt
justifie ainsi l'appauvrissement des classes moyennes.
[5] « Une économie au service de l’homme »,
éd. L’Harmattan - 2001
Il est intéressant
de voir comment Michel Lasserre explique la création monétaire,
avec une pédagogie différente (avec l'autorisation de
l'auteur).
a)
La Banque centrale
Au cœur du système
bancaire se trouve la Banque centrale, chaque État moderne possède la
sienne. La Banque de France, fondée en 1800 sous un statut privé, a
été nationalisée en 1945, elle est indépendante depuis 1993. Sa mission,
variable suivant les périodes, est aujourd'hui d'assurer la stabilité
des prix dans le cadre de la politique économique du gouvernement, elle
est chargée de veiller sur la monnaie, le crédit et le bon fonctionnement
du système bancaire.
La Banque Centrale
est la banque des banques, toutes les autres banques (banques de second
rang) possèdent un compte chez elle, qu'elles sont obligées de provisionner
("réserves obligatoires"). Si une banque n'a pas assez de
liquidités, elle peut s'en procurer sur le marché monétaire ou directement
auprès de la Banque centrale. Un rôle important de la Banque centrale
est donc de refinancer les banques, de leur fournir des liquidités en
prenant en pension des titres en leur possession, généralement des créances
privées. La Banque centrale reprend ces créances et fournit en échange
de la monnaie à la banque privée.
Mais cette monnaie
n'existe pas, la Banque Centrale la crée, sa contrepartie consiste en
des créances à l'économie. Ces prises en pension sont d'une durée très
courte de un à quelques jours, la monnaie centrale ainsi créée disparaît
dès la fin de la prise en pension, d'où la nécessité d'effectuer en
permanence de telles opérations.
En cas de crise de liquidités (manque de monnaie) sur le marché monétaire,
la Banque centrale joue le rôle de prêteur en dernier recours. Si à
d'autres époques la Banque Centrale a créé de la monnaie en échanges
de titres du Trésor Public, ce n'est plus le cas de nos jours.
A ce jour, l'État
se finance directement sur les marchés financiers, et ne fait plus intervenir
directement la création monétaire de la Banque Centrale pour ses financements.
b)
Les autres banques
Le rôle des banques
privées est d'un tout autre type, elles sont principalement chargées
de collecter les dépôts et de prêter (d'investir) les sommes ainsi collectées.
Elles prêtent beaucoup
plus qu'on ne leur confie, elles jouent un rôle de multiplicateur de
crédit. Si une banque a 10 000F en dépôt et qu'elle doit garder 10%
de celui ci en réserve, elle peut prêter 9 000F. Les 10 000F existant
toujours sur le compte de dépôts, les 9 000F prêtés existent maintenant
deux fois, il y a bien eu création monétaire par l'intermédiaire du
crédit, et cette monnaie ne disparaîtra que quand le crédit arrivera
à son terme.
En attendant, ces
nouveaux 9 000F, une fois dépensés, aboutiront sur un autre compte de
dépôt et la banque réceptrice pourra à son tour accorder un autre prêt
de 8 100F. Ces 8 100 F aboutiront à leur tour sur un compte de dépôt
et permettront à leur tour un nouveau prêt, etc.... ce système aboutissant
en fin de compte à la possibilité de multiplier par 10 les 10 000F initiaux.
Ceci montre bien
que si les banques créent l’argent par le crédit, personne ne crée la
monnaie nécessaire au payement des intérêts, sauf par de nouveaux crédits.