TRESOR PUBLIC.
LA FIN DES COMPTES BANCAIRES PRIVES.
Le Trésor, qui gère quelques
800 000 comptes bancaires privés, essentiellement détenus par des
fonctionnaires, cessera cette activité au 31 Décembre 2001. Un décret
paru au journal officiel a confirmé cette décision ministérielle.
Le Trésor gérait, à fin novembre
2000,
·
574 000 comptes à vue, ( représentant un encours de
16,7 milliards de francs.)
·
43 141 comptes à terme. ( 1,8 milliard de francs.
)
·
144 410 codevi et livrets jeunes. ( 1,6 milliards de
francs.)
·
189 000 comptes titres ( 32,9 milliard de francs.)
Avec quelques titulaires de
ces comptes, nous sommes désolés de constater l’absence de réaction
des utilisateurs, des personnels et surtout des organisations représentatives
des fonctionnaires du Trésor.
Les détenteurs de comptes n’ont
pas été consultés, le parlement non plus, faut-il accepter sans contestation
un dictat du Ministère des Finances ?
Une particularité va aussi disparaître ;
la fin de la possibilité d’ouvrir un compte au Trésor Public pour
les personnes sur-endettées ou frappées d’un interdit bancaire. Ne
serait-ce pas, une accentuation des conditions de l’exclusion sociale ?
Une démarche identique avait
été initiée antérieurement par la Banque de France. Les salariés de
cet établissement qui a été progressivement dépouillé de ses prérogatives
sont à même de dresser un bilan social en ce qui concerne les suppressions
de poste par départ à la retraite non remplacés ou anticipés, mutations
et autres. Nous interrogeons le Syndicat National Autonome du Personnel
de la Banque de France pour qu’il nous livre sa propre analyse sur
les abandons de compétences imposés depuis plusieurs années par les
gouvernements successifs.
Ces décisions peuvent paraître
anodines, en réalité elles auront pour résultat de priver l’état français
des dernières possibilités de création monétaire scripturale qui lui
restaient encore. Sans négliger les aspects négatifs que cette décision
va provoquer chez les utilisateurs individuels et les fonctionnaires
concernés, nous restons persuadés que les préjudices occasionnés à
la nation par cet abandon concédé aux établissements bancaires commerciaux
ne peut qu'accentuer les manipulations monétaires dénoncées par ATTAC.
L’Express du 6/7/2000
nous apprend qu’une pétition, lancée par de jeunes normaliens aurait
recueilli plus de 600 signatures dont celles de plusieurs universitaires
connus. Ils ont osé écrire : « L’économie s’apparente
à une science autiste et conduit à une véritable schizophrénie par
rapport au monde réel. »
Dans le n° 267 des Cahiers Français, Monnaie
et Politique Monétaire, on peut lire sous la plume de Jean-Yves
Capul, un texte qui a pour titre « Qui peut créer de la monnaie
? » Citons-en le dernier paragraphe :
« Le Trésor Public. La dernière
institution qui crée de la monnaie est le Trésor Public. Le Trésor
est l’agent financier de l’Etat, une sorte de caissier puisqu’il perçoit
les recettes publiques (impôts) et exécute les dépenses. C’est aussi
le banquier de l’Etat.
Le Trésor crée la monnaie divisionnaire mais il peut
aussi créer de la monnaie scripturale. Par exemple, lorsque le compte
chèque postal (CCP) d’un fournisseur de l’Etat (ou d’un fonctionnaire
à qui l’Etat doit verser un salaire) est crédité, le Trésor crée sa
propre monnaie scripturale » p. 13
Dans un ouvrage qui a pour titre « La
Monnaie dans l’Economie » Gilles Jacoud apporte un début de réponse
à nos interrogations et, en particulier, sur le multiplicateur de
crédit du Trésor, dont la valeur permet de calculer la quantité de
monnaie que le Trésor peut mettre à la disposition de l’Etat. La section
intitulée « La création monétaire par le Trésor »
confirme l’existence de cette possibilité.
Le Trésor, s’il était géré efficacement comme une banque normale, pourrait
fournir à l’Etat des ressources confortables qui contribueraient à
diminuer son déficit budgétaire, la pression fiscale, ainsi que son
endettement conformément aux critères de convergence du Traité de
Maastricht.
Certes, cette monnaie ne serait pas de nature
permanente stricto sensu. Elle se traduirait par un endettement de
l’Etat-administration au profit de l’Etat-banque qui peut surprendre
l’observateur non initié, mais dont la nature n’est pas différente
de la situation des banques dont Dominique Meurs dit, dans les mêmes
Cahiers Français, que « la création monétaire par les banques
est assimilable à une traite tirée par la banque sur elle-même ».
Il y aurait, toutefois une différence notable : son caractère revolving,
l’absence de tout frais financier, et le fait qu’elle n’ait pas à
être remboursée conférerait à cette monnaie les mêmes qualités qu’une
monnaie permanente
Une petite enquête nous a appris que les fonctionnaires
ne sont pas incités à faire verser leurs salaires sur un compte au
Trésor. Quand on leur en demande la raison, la réponse est toujours
la même : on leur a demandé, quand ils ont été embauchés, sur quel
compte ils voulaient être payés et personne ne leur a suggéré d’ouvrir
un compte au Trésor, ce qui aurait permis de limiter les fuites de
cet établissement. EDF a fermé son compte au CCP en novembre 1995
et l’a transféré sur une banque privée. La Banque de France a fermé
son compte au Trésor en janvier 1996. Curieuses coïncidences !
Avec raison ATTAC s’insurge contre la multiplication
des flux financiers improductifs et œuvre pour une reprise du contrôle
de la sphère financière spéculative. S’attaquer aux paradis fiscaux,
aux instances supranationales, aux licenciements dans les multinationale
bénéficiaires, oui, mais n’est-ce
pas une priorité de s’opposer, dans notre propre nation, à la disparition
d’un dispositif de création monétaire, donc d’une source permanente
de richesses collectives.
Mais une dernière remarque s’impose qui est suggérée
par l’ouvrage de Jean Cartelier, « La Monnaie, » déjà cité.
On peut y lire : « le circuit du Trésor désigne un ensemble
de règles et d’institutions qui permirent, entre la fin de la Seconde
Guerre mondiale et la fin des années 60, au Trésor de jouer un rôle
essentiel dans le financement de l’économie française. Les réformes
profondes intervenues dès les années 70 démantelèrent progressivement
ce dispositif. »
Dans son ouvrage, « Une économie
au service de l’homme, » (Editions l’Harmattan.) au chapitre
14, des « Trente glorieuses aux Trente piteuses, » Pierre
AUNAC, économiste, développe les principales étapes de ce
démantèlement et montre que ce circuit du Trésor a été à l’origine
de la prospérité caractérisée de la décennie des années 60.
N’y aurait-il pas, derrière tous ces événements,
une « main invisible » qui tire les ficelles afin de s’emparer
de la totalité du pouvoir monétaire et d’en dépouiller l’Etat
?
Etude de Jean Vincent, Attac Poitier - juin 2001