Les Possibles : Revue éditée à l’initiative du Conseil scientifique d’Attac

No. 12 Hiver 2017

Voir Venise et mourir ?

mardi 21 février 2017, par Jean-Marie Harribey *, Jean Tosti *

Le 22 janvier, un jeune réfugié gambien âgé de 22 ans s’est noyé à Venise, dans les eaux du Grand Canal où il avait visiblement choisi de se suicider. Il pourrait s’agir là d’un fait divers certes dramatique, hélas trop banal. Mais ce qui rend cette noyade particulièrement insupportable, c’est qu’elle s’est produite sous les yeux d’une centaine de spectateurs qui n’ont rien fait pour sauver le jeune homme : certains riaient, d’autres lui lançaient des insultes racistes, d’autres encore filmaient la scène sur leur téléphone portable. Personne n’a eu la volonté ou le courage de se jeter à l’eau. « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? », pourrait-on dire en paraphrasant le vers d’Aragon. Est-il acceptable qu’en ce début de XXIe siècle les notions d’entraide et de solidarité fassent place à un individualisme, un égoïsme et une indécence aussi débridés ?
Un tel événement nous semble étroitement lié au thème évoqué dans le dossier de ce numéro des Possibles, la droitisation des politiques et des esprits – on aurait pu même parler d’extrême droitisation.

Un peu partout, aux États-Unis comme en Europe occidentale et de l’Est, se développent des groupes ou des partis ouvertement xénophobes ou racistes, entraînant les partis dits de gouvernement à durcir leur attitude envers les musulmans et les réfugiés d’où qu’ils viennent, à remettre souvent en cause leurs positions sur le droit du sol et le droit d’asile. Cette dérive est hélas partagée par de nombreux citoyens, ceux-là même qui, entre autres, ont permis à Donald Trump d’accéder à la présidence des États-Unis, et qui, en France, placent Marine Le Pen en tête des sondages. Mais qu’on ne s’y trompe pas, elle ne met nullement en cause le libéralisme économique, qui s’en accommode d’ailleurs très bien.

Le dossier sur la droitisation des politiques commence par un large tour d’horizon nous montrant l’état des lieux dans plusieurs pays. Et d’abord le Royaume-Uni, où le Brexit a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Nick Dearden montre que ce vote a été l’occasion d’une montée des thèmes racistes et xénophobes. Ensuite, trois articles reviennent sur l’élection de Trump aux États-Unis. Janette Habel se penche sur les résultats électoraux qui confirment les divisions majeures au sein de la société. L’économiste états-unienne Paddy Quick analyse les conséquences économiques sociales et politiques de l’élection de Trump, notamment en ce qui concerne la politique envers les migrants et celle du commerce extérieur. Et Claude Calame passe en revue les membres du gouvernement mis en place par Trump : tous rivalisent de conservatisme et de liens avec les milieux d’affaires. Il s’agit d’« une belle brochette issue de l’oligarchie ploutocrate, blanche et chrétienne, qui, de fait, dirige le pays depuis trois décennies ».

Le dossier se poursuit avec la présentation de trois cas de figure emblématiques de l’évolution inquiétante de nombreux pays anciennement dans le giron de l’URSS. D’abord, Jean-Marie Chauvier met en relation l’histoire des droites russes avec la situation actuelle : un mélange de nationalisme, de xénophobie et d’autoritarisme, sans que l’on puisse sans doute parler de fascisme, qui entoure la libéralisation de l’économie. Dans un entretien, Gáspár Tamás explique que la Hongrie connaît une grave crise de la démocratie. Michal Kozlowski, quant à lui, parle carrément de révolution de droite « la plus extrême » en cours en Pologne. Mais les pays d’Europe occidentale ne sont pas épargnés par ce mouvement de droitisation. Peter Wahl explique pourquoi la droitisation de l’Allemagne va au-delà de la montée de l’AfD (Alternative für Deutschland).


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