Aurélie Trouvé : « Plutôt que d’insister sur la préservation des acquis, nous devons proposer un projet nouveau »

5 juillet 2017 / Entretien avec Aurélie Trouvé

Le mouvement Attac est né il y a près de vingt ans. Aujourd’hui, la financiarisation du monde s’est aggravée, ainsi que la crise sociale et écologique. Comment contrer le capitalisme et comment promouvoir un système sans croissance ?

Les réponses d’Aurélie Trouvé,
Aurélie Trouvé est économiste et porte-parole d’Attac France.

Reporterre — Le 1er décembre 1997, Ignacio Ramonet publiait un éditorial dans le Monde diplomatique fondateur du mouvement Attac (Action pour une taxe Tobin d’aide aux citoyens). Vingt ans après, qu’est-ce qui a changé ?

Aurélie Trouvé — Attac s’est constitué autour de la question financière et de la taxe sur les transactions financières (TTF). Depuis, le spectre des mobilisations s’est élargi aux conséquences de ce capitalisme financier : Traité constitutionnel européen, loi Travail, et bien sûr l’écologie. La caractéristique du mouvement altermondialiste aujourd’hui est de faire le lien entre le capitalisme financier, la question sociale et la crise écologique. Cette relation est essentielle, d’autant qu’on assiste aujourd’hui à une tentative de récupération de la question environnementale par le capitalisme. L’exemple le plus récent en est l’entrée de Nicolas Hulot dans le gouvernement très libéral de Macron. Les lignes deviennent floues, et certains s’y laissent prendre.

C’est-à-dire ?

Il s’agit d’une tentative de verdissement d’un capitalisme financier très dur. Face à cela, nous devons réaffirmer que l’écologie altermondialiste est absolument incompatible avec le social-libéralisme de Macron.

Pourquoi est-ce incompatible ?
Emmanuel Macron nous annonce qu’il faut baisser drastiquement les dépenses publiques... ce qui est incompatible avec les investissements écologiques de long terme qu’il a promis. Pour créer un million d’emplois dans le cadre de la transition écologique, il faut 100 milliards d’euros d’investissements publics. Cela nécessite d’aller chercher l’argent dans les sphères où il abonde sans pour autant produire de l’utilité sociale.

Dans la sphère financière, par exemple...
Il faut s’attaquer au capitalisme financier, en dégonflant la bulle financière et en reversant l’argent dans les activités utiles. C’est l’objectif de la taxe sur les transactions financières. Or, Emmanuel Macron a déclaré il y a quelques jours qu’il remettait les négociations européennes sur cette taxe à après le Brexit, autant dire à la Saint-Glinglin.

Peut-on en dire autant d’Angela Merkel, qui a aussi un positionnement très libéral ?
Elle a eu des positionnements plus courageux sur l’environnement, notamment la sortie du nucléaire. Elle a également été volontaire sur la TTF. Mais il existe une grande différence entre la France et l’Allemagne : le mouvement écologiste est là-bas bien plus fort et radical que chez nous. Ce qu’a fait le collectif Ende Gelände à Welzow est très impressionnant, même si on a Notre-Dame-des-Landes ici. Ils ont une puissance de feu citoyenne importante. En France, nous sommes encore en train de la construire. Et ce mouvement doit se constituer sur des fondations altermondialistes, c’est-à-dire de remise en cause profonde du capitalisme financier.

Malgré tout, Angela Merkel est toujours là, Emmanuel Macron et Donald Trump viennent d’arriver au pouvoir. N’y a-t-il pas un échec des mouvements sociaux et altermondialistes à modifier les dynamiques du capitalisme ?

Oui, c’est un échec du mouvement social, mais aussi du mouvement politique et du mouvement intellectuel. Il s’agit d’un échec très large de la gauche citoyenne, dans toutes ses dimensions.

Comment l’expliquer ?


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