Discrimination fiscale : une menace directe contre la presse en ligne

Nous venons d’apprendre que MÉDIAPART venait de recevoir par huissier un avis de contrôle fiscal pour le 20 décembre, portant explicitement sur la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) appliquée à sa recette unique, les abonnements des lecteurs.

Cette attaque fiscale touche également le groupe Indigo Publication, et bien avant, Arrêt sur Images qui traîne un redressement depuis 2009. Plus largement, cette mesure a déjà coûté la vie à certains médias en ligne (DijonscOpe) et menace des dizaines de sites d’informations en ligne, tous regroupés dans le SPIIL - Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne – C’est le cas de Slate, Terraeco, Bondyblog …

Le SPIIL a publiquement recommandé à ses membres d’appliquer un taux de TVA de 2,10%. Tous ne l’ont pas fait, par crainte d’un redressement fiscal. Mediapart (et Indigo Publications) a appliqué ce principe, lui-même dicté par une idée forte : « le droit de savoir » ne peut souffrir une telle inégalité de traitement fiscal alors que Médiapart est devenu un organe de presse totalement reconnu, indépendant de toute publicité ou groupe financier.

Un peu d’histoire :

Le taux de TVA particulier à 2,10 % est applicable à divers secteurs : divers médicaments remboursés, vente d’animaux vivants de boucherie à des clients hors de France, redevance télé, publications de presse inscrites à la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Considérant les médias imprimés comme essentiels à la démocratie, les pouvoirs publics leur ont donc attribué cette TVA réduite en 1989.

Pendant des années, l’info en ligne n’a pas été considérée comme de la véritable presse, celle-ci devait se caractériser par l’impression -papier. Un décret de 2009 a mis fin à cette situation, permettant aux sites d’obtenir un numéro de CPPAP(1). Pourtant, les deux formes de presse (papier et numérique) sont considérées comme deux catégories différentes par le droit fiscal : la première a le statut de « publication », elle bénéficie d’une TVA à 2,10%. La seconde, considérée comme un « service de communication fourni par voie électronique », est soumise à la TVA normale.

Il ne faut pas réfléchir longtemps pour comprendre que ce changement de taux de TVA pour la presse en ligne dont l’abonnement est la seule ressource, a un effet évident sur les revenus, et sur sa pérennité. Le journal en ligne DijonscOpe en a déjà fait les frais.

Le SPIIL a toujours été très clair, affichant nettement se soumettre à une TVA de 2,10% comme le reste de la presse. Sa position a semblé renforcée par le rapport de la commission Roch-Olivier Maistre, remis à la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, en mai dernier, qui recommande d’abaisser « sans délai » le taux de TVA de la presse en ligne.

La ministre se dit favorable, mais hélas, elle n’a pas fait preuve de célérité ! « Ne cherchez jamais le progrès d’un homme ailleurs que dans ses actes » (Epictète)

La situation est décisive :

Il faut absolument que tout organe de presse en ligne disposant d’un numéro de CPPAP jouisse d’un traitement fiscal identique. Recourir à la différenciation papier/numérique pour justifier une telle inégalité de traitement témoigne d’un sinistre retard de la loi sur la réalité de la presse, et/ou, pour le moins, d’une désinvolture fiscale et politique calamiteuse.

CAMédia appelle tous les lecteurs de Médiapart, tous les citoyens, toutes les forces démocratiques à s’opposer par tous les moyens à cette action indécente, fomentée par un pouvoir qui nie ainsi, en s’attaquant à la liberté de la presse, un des fondements de la république.

1) « La Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) est une instance composée à parité de représentants de l’administration de l’Etat et de professionnels de la presse... Elle délivre aux publications de presse qui en relèvent un numéro d’inscription qui ouvre droit à un taux super réduit de TVA à 2,1 % et des tarifs postaux préférentiels »