Vingtième numéro des Possibles, la revue éditée à l’initiative du Conseil scientifique d’Attac

Le vingtième numéro de la revue trimestrielle Les Possibles, éditée à l’initiative du Conseil scientifique d’Attac, est disponible. Retrouvez ci-dessous le sommaire de ce numéro et inscrivez-vous pour recevoir la revue.

Éditorial : Notre drame de France

L’embrasement de la cathédrale de Paris a réduit en cendres un pan du patrimoine commun de près de mille ans, mais il est intervenu juste au moment où s’effondre le modèle qui marque notre temps. Le temps où tout est ravalé au rang de moyens à faire de l’argent ; le temps où se dégradent les services publics, la protection sociale et le droit du travail ; le temps où le bien commun est laissé à l’abandon ou alors est marchandisé. Notre drame de France est là : l’actuelle présidence de la République est la pire de celles que nous ayons connues, parce qu’elle veut entériner à jamais la mainmise des marchés financiers sur le moindre espace social ou naturel, le ruissellement de la richesse du bas vers le haut et le renvoi de chacun à sa propre responsabilité des difficultés que la société lui inflige.

Notre drame de France est que l’indécence des très grands bourgeois revête les habits de la générosité en déversant immédiatement des centaines de millions d’euros, tout en s’étonnant qu’on ne les en remercie pas ou ne les en félicite pas, comme l’a déclaré Monsieur Bernard Arnault. Notre drame de France est que l’incendie d’une cathédrale venue du Moyen Âge nous ait fait retourner à ce temps où l’achat d’indulgences permettait aux puissants de s’acheter un coin de paradis.

Notre drame de France est que l’effondrement du modèle où le progrès identifié au capitalisme conquérant est tel qu’il entraîne avec lui un affaiblissement de la démocratie et une perte de légitimité des institutions chargée de garantir celle-ci. La situation est rendue au point où le gouvernement actuel du « pays des droits de l’homme » dote sa police d’armes potentiellement létales, qui éborgnent et arrachent des bras et des mains. Une police qui jette à terre femmes et enfants, terrorise les citoyens qui usent de leur droit de manifester, et dont le ministre, afin de détourner l’attention, invente une fake news sur une prétendue « attaque » d’un hôpital. L’hôpital est attaqué, certes, mais pas par des gilets jaunes ou rouges ; il est menacé de mort lente parce que, au mépris de toute règle démocratique, on le voue à un management de type capitaliste, où la rentabilité devient la norme, à la place de la qualité des soins.

Le dossier que nous proposons fait suite à certains des précédents numéros qui abordaient la question démocratique sous divers angles : droits, justice et démocratie (n° 10), la droitisation des politiques (n° 12), militarisation et contrôle social (n° 13), ou bien les débats sur le populisme (n° 13, 14, 15). Cette fois, nous abordons la démocratie dans ses rapports avec la géopolitique mondiale. Notre dossier s’ouvre donc par un article de Yorgos Mitralias, qui explique comment l’idée du socialisme renaît aux États-Unis, avec une campagne de fond de Bernie Sanders et d’Alexandria Ocasio-Cortez, « la plus illustre des représentantes de ces Millennials radicaux et socialistes ». Pascal Boniface montre ensuite que la politique de Trump, loin de signifier un retrait du rôle de « gendarme du monde » des États-Unis, constitue un « impérialisme débridé ». À la place d’une hégémonie libérale, arrive une hégémonie « illibérale ». En bref, Trump assure les Américains que leur sécurité intérieure dépend d’un interventionnisme extérieur intense.