Donner une chance à Attac, renouveler sa direction

mardi 5 septembre 2006, par Webmestre

Donner une chance à Attac, renouveler sa direction

Une proposition pour aider à sortir de la crise

Déclaration de Susan George, Pierre Khalfa, Gustave Massiah

Le 5 septembre 2006

C’est peu de dire que nous sommes attachés à Attac. Nous sommes
persuadés de son utilité et de sa nécessité. Notre association a
démontré sa capacité à jouer un rôle historique à plusieurs occasions.
Retenons particulièrement : l’émergence et le renforcement du mouvement
altermondialiste et des forums sociaux au niveau mondial, mais aussi en
Europe et en France ; la remise en cause des « évidences » des
politiques néo-libérales et de leurs mesures régressives ; l’ouverture
de chantiers qui affirment l’existence d’alternatives, basées sur une
nouvelle répartition de la richesse produite, notamment pour les
taxations internationales, l’annulation de la dette, l’élimination des
paradis fiscaux, la remise en cause de l’OMC, etc. ; l’inscription dans
les mobilisations les plus larges ; l’affirmation d’une position
européenne, démocratique et sociale dans le rejet du Traité
constitutionnel européen.

Nous croyons qu’Attac peut jouer un rôle aussi important, sinon
plus, dans l’avenir et qu’il s’agit là d’un enjeu essentiel. La raison
d’être d’Attac garde toute sa pertinence ; ses objectifs, comme ses
propositions, sont largement légitimés et de plus en plus acceptés ; les
formes d’engagement d’Attac et de ses militants sont reconnues,
notamment à travers le renouvellement de l’éducation populaire. Ses
modes d’organisation sont novateurs et même si la discussion, voire les
oppositions à ce sujet, ont été souvent vives, la richesse dAttac est
issue de sa diversité et des articulations entre les adhérents, des
comités locaux indépendants, la CNCL, les membres fondateurs, le Conseil
scientifique et le Conseil d’administration. Avec beaucoup d’autres,
nous nous sommes engagés, depuis longtemps, avec passion dans
l’enrichissement des idées d’Attac, de son l’action et de son activité.
Nous sommes prêts, naturellement, à notre place, à prendre toute notre
part dans son futur.

La crise que connaît Attac est pourtant réelle et peut se révéler
mortelle. Elle a plusieurs dimensions et l’évolution du contexte y a
bien sûr sa part. Le mouvement altermondialiste a été déterminant dans
la prise de conscience du caractère inacceptable du système néolibéral
que nous refusons. Mais nous sommes loin d’avoir réussi à concrétiser
nos avancées. Nous nous trouvons face à un système qui se sait fortement
contesté et qui, pendant ce temps, multiplie les dégâts sociaux et
environnementaux. Nous n’avons, de plus, pas prise sur les guerres
impériales qui s’étendent et s’aggravent. Il n’est donc pas étonnant que
de nombreux adhérents, comme nous-mêmes, s’interrogent sur les débouchés
politiques de nos actions, et parfois se découragent. Mais les
désaccords au sein de notre association sur les modes de fonctionnement
et les méthodes de direction se sont tellement aiguisés que cette
discussion indispensable ne peut plus avoir lieu sereinement au sein de
la direction nationale dans un esprit de camaraderie.

La crise d’Attac ne se résume pas, pour l’essentiel, à une question
de personnes, mais cette question en fait partie. Nous n’avons jamais
pensé, et nous ne pensons toujours pas, qu’il s’agisse d’une classique « 
lutte entre deux lignes » qui pourrait être résolue par deux textes
antagoniques. Attac n’est pas un parti politique et ne doit pas adopter
un mode de fonctionnement de type « partidaire ». Mais nous sommes
contraints de reconnaître que la dynamique de la bipolarisation l’a
emporté. La représentation en deux camps ennemis à la direction de
l’association s’est imposée. Toute proposition des uns est vécue comme
une manœuvre des autres ; elle finit, de ce fait, par le devenir, et le
blocage s’étend. Chacun peut penser que ce n’est pas de son fait, et
nous ne pensons pas que ce soit de notre fait, mais c’est ainsi.

Les aberrations statistiques constatées lors des élections du mois
de juin ont conduit alors à la présomption d’une fraude électorale. Des
experts indépendants de l’association, connus pour leurs compétences
indéniables ont été choisis par les deux parties. René Passet a été
désigné pour en faire la synthèse et en tirer les conclusions. Son
rapport est sans appel ; il y a eu « manipulation » et celle-ci « a
faussé le résultat des élections ». Une telle fraude a atteint
l’identité de notre association au cœur et le fait que certains
s’obstinent à nier jusqu’à la possibilité de son existence a fini
d’empoisonner nos relations.

C’est un échec pour l’ensemble d’Attac. Il existe des lectures
différentes des responsabilités, mais nous pensons que la situation est
devenue à ce point délétère que la survie même d’Attac est en jeu. Nous
devons admettre que, au delà des appréciations divergentes qui
continueront sans doute, à s’exprimer, la situation actuelle traduit une
incapacité collective de la direction d’Attac à dépasser des
contradictions qui au contraire s’aiguisent.

Pour donner une chance à Attac de survivre et de se développer, il
nous incombe de donner un signal symbolique fort pour rompre avec la
fatalité et conjurer la crise. Les dernières élections ont permis
l’émergence de nouvelles candidatures au CA et ont élargi à vingt-quatre
le nombre des élus adhérents directs avec le soutien des comités locaux.
Ces candidatures, respectant de meilleurs équilibres entre femmes et
hommes et entre les âges, apportant de nouvelles compétences,
représentent un vivier de talents nouveaux. Donnons au CA qui sera issu
des futures élections une chance de renouveler en profondeur la
direction d’Attac. Donnons lui les moyens de reconstruire des accords en
tenant compte de la diversité d’Attac et en y associant toutes ses
composantes.

Nous proposons donc que ceux qui ont occupé des postes de
responsabilité majeure dans le CA précédent, et qui ont, admettons-le,
du mal dans l’immédiat à travailler ensemble, ne fassent pas partie de
la direction future. Nous proposons que Bernard Cassen, Michèle Dessenne
et Jacques Nikonoff, d’une part, Susan George, Pierre Khalfa et Gustave
Massiah d’autre part, décident ensemble de ne pas se présenter au futur
CA, ni en tant que membre actif, ni en tant que membre fondateur ou
comme représentant d’un membre fondateur. En s’engageant ensemble à ne
plus siéger au CA, nous montrerons que, au-delà même de ce qui nous
sépare, nous sommes décidés à assurer avant toute chose la survie d’Attac.

Nous pourrons, évidemment, les uns et les autres, continuer à
travailler pour Attac, à intervenir en tant que militants d’Attac, à
assumer des tâches dans différentes instances (commissions, Conseil
scientifique, Conseil culturel, groupes de travail, etc.), à remplir des
missions ponctuelles et à en rendre compte. Dans l’avenir, il serait
d’ailleurs sage, à notre avis, d’envisager une limitation des mandats
pour les postes de responsabilité.

Il s’agit désormais de faire confiance à de nouvelles générations
militantes qui sauront trouver les voies et les moyens de sortir de
l’impasse. En montrant sa capacité à sortir d’une crise difficile, Attac
démontrera qu’elle est en mesure de devenir une « association à nulle
autre pareille ».

1 Message

  • Communiqué de Jacques Nikonoff

    Electrochoc : RETRAIT DE TOUS LES DIRIGEANTS D’ATTAC

    L’heure n’est plus aux demi-mesures mais aux ruptures. C’est la condition pour sauver Attac et lui donner de nouvelles forces propulsives. Tout le monde sait que les relations entre les personnes, au sein des instances dirigeantes de notre association, ont toujours été difficiles, et même qu’elles se dégradent depuis plusieurs années. Elles ont probablement atteint un point de non retour depuis la dernière élection interne de juin 2006, d’autant que les médias ont été invités et ont pris parti.

    Pour les uns, une fraude « avérée » a été commise lors des dernières élections du Conseil d’administration d’Attac, bénéficiant à la majorité, la désignant ainsi comme le coupable naturel. Pour les autres, une campagne sur le thème de la fraude a été déclenchée par les minoritaires afin de discréditer la direction de l’association, provoquer de nouvelles élections, et obtenir une victoire facile en faisant de la fraude le sujet central de la campagne électorale. Le débat sur les deux conceptions de l’avenir d’Attac, qui sont désormais reconnues, son indépendance politique et organisationnelle, serait ainsi occulté.

    Nous connaîtrons peut-être la vérité dans quelques jours, en tout cas avant la fin du mois de septembre, lorsque la commission d’enquête rendra ses conclusions. Cependant, sommes-nous vraiment persuadés que cette vérité apparaîtra dans toute sa lumière, et qu’il sera possible de dire, avec la plus absolue certitude, que tel ou telle a fraudé, ou au contraire que tel ou telle a organisé une campagne sur la fraude afin de discréditer la majorité et prendre sa place ? Nous n’en savons rien pour l’instant, et chacun conservera son intime conviction. Ce sera la continuation de la guerre de tranchée. L’enlisement et la méfiance. La paralysie qui précède la mort.

    Aucune perspective visible ne permet aujourd’hui de discerner une quelconque issue positive qui permettrait de surmonter les difficultés. Certes, de nouvelles élections auront lieu au mois de décembre. En bout de course, ce sont bien les adhérents qui tiennent entre leurs mains l’avenir d’Attac. Mais que se passera-t-il si les adhérents ne parviennent pas à donner de majorité nette au Conseil d’administration de l’association, pour lui assurer la cohérence et la stabilité nécessaires, comme ce fut le cas lors de l’élection du 17 juin dernier ?

    J’affirme que les instances dirigeantes de l’association - Conseil d’administration, Collège des fondateurs, Conseil scientifique - ont une responsabilité particulière. C’est en leur sein que sont nées toutes les crises qui ont secoué Attac pendant que les adhérents et les Comités locaux, tout en assurant la vie de l’association, assistaient impuissants à ce qui apparaissait comme une guerre des chefs. Ces dirigeants - tous - doivent donc se retirer et permettre la promotion d’une nouvelle génération de dirigeants qui seule pourra nous redonner vigueur et espoir.

    C’est le signe que j’ai voulu manifester en proposant, lors du Conseil d’administration du 25 août, que le Bureau et la présidence remettent leur mandat au Conseil d’administration. Cette proposition, qui a été votée à l’unanimité, avait pour vocation de déclancher une dynamique salvatrice parmi les membres fondateurs, ceux du Conseil d’administration, et ceux du Conseil scientifique. Tous les acteurs des affrontements de ces dernières années doivent se retirer. Tous.

    Le Collège des fondateurs se réunit mercredi 6 septembre. Ceux de ses membres qui ont été élus au Conseil d’administration (18) doivent annoncer qu’ils se retirent immédiatement du CA. En effet, le rôle des fondateurs, particulièrement celui des organisations fondatrices, n’est pas de se mêler de la gestion au jour le jour de l’association. Il est au contraire de proposer les grandes orientations de l’association et de contribuer à faire d’Attac le lieu de convergence des forces sociales les plus diverses afin de renforcer la résistance aux politiques néolibérales. Libéré des problèmes d’organisation, le Collège des fondateurs pourrait alors donner le meilleur de lui-même.

    Le Conseil d’administration se réunit le samedi 9 septembre. Tous les élus qui ont exercé plusieurs mandats, comme c’est mon cas, doivent annoncer, collectivement et unanimement, qu’ils ne présenteront pas leur candidature lors des élections de décembre. Seuls les nouveaux élus du 17 juin et d’autres militants issus des Comités locaux seraient candidats, sur des bases politiques claires permettant aux adhérents de fonder un choix réel.

    Le Conseil scientifique se réunit le vendredi 15 septembre. Ses principaux animateurs, qui ont participé de longue date aux affrontements internes et qui sont en place depuis plus de 5 ans, doivent également annoncer leur retrait. De nouveaux animateurs et de nouveaux talents, dans une diversité retrouvée, pourraient alors relancer notre travail intellectuel.

    Au total, chacun doit avoir la préoccupation de l’intérêt supérieur d’Attac. Les ego, les orgueils, les calculs et les perspectives de carrière sont incompatibles avec l’éthique militante exigeante qui est la notre. Tous ceux qui ont exercé des responsabilités dans l’association pourront continuer à servir notre cause, mais à une autre place. Aucune rente ne doit demeurer, personne ne peut plus s’accrocher à son fauteuil. Telles sont les conditions, à l’image du 29 mai 2005, pour qu’Attac remporte de nouvelles victoires et participe activement, à sa place, à la bataille qui se prépare au printemps 2007. Comme le disait Aragon à son époque : « Feu sur le quartier général ! ».

    Jacques Nikonoff, le 5 septembre 2006.

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