Lettre d’octobre 2003 (n°36)

mardi 28 octobre 2003, par EG

Sommaire

- L’offensive contre les licenciements doit s’amplifier
- L’échec de Cancun est celui du libre-échange
- l’Eau n’est pas une marchandise !
- Déboulonnons les mythes
- Le Medef va t-il définir les programmes scolaires ?
- Les Forum sociaux : un nouveau mode d’organisation
- Grandes manœuvres sur la "sécu"
- Les initiatives du groupe santé d’attac Rennes
- Sur votre Agenda


L’offensive contre les licenciements doit s’amplifier

1500 personnes le jeudi midi 18 septembre, plus de 3000 le samedi après-midi 27 septembre sont venus soutenir les salariés de STMicroelectronics, Thomson et Philips dans leur lutte pour refuser TOUT licenciement. Une nouvelle manifestation est organisée le lundi midi 27 octobre, jour de la rencontre avec Mme le préfet. Est-il besoin de le rappeler : ces 3 entreprises gagnent de l’argent et c’est uniquement pour en gagner encore plus qu’elles veulent licencier tout ou partie de leur personnel. C’est une logique boursière de casse de l’emploi, des licenciements de "convenance boursière". Partout la pratique est la même : ils virent d’abord les sous-traitants, les CDD et les intérimaires qui côutent moins chers à supprimer, et enfin le personnel en CDI quand les actionnaires ont estimé qu’il fallait aller plus loin. Comme l’a si bien dit un délégué de Thomson : les dirigeants de ces entreprises vivent sur une "autre planète". Pour eux les salariés ne sont que des "ressources", au même titre qu’un simple ordinateur qu’on jette quand il ne convient plus, qu’il est devenu "obsolète". Tous les secteurs de l’économie sont concernés : de l’industrie de main d’oeuvre, aux secteurs soit-disant porteurs, comme celui des nouvelles technologies par exemple. A Rennes, Kronenbourg, Followes, et bien d’autres entreprises moins connues licencient aussi. France Télécom R&D a supprimé des dizaines d’emplois de régie et sous-traitance à Rennes depuis un an, entraînant parfois la quasi-disparition de petites entreprises de service. Dans le pays, partout on voit des plans de suppression d’emploi et des fermetures d’usines, sans compter les licenciements individuels ou par petits paquets afin de contourner la loi sur les licenciements collectifs et l’obligation de mettre en œuvre les plans sociaux. C’est aussi ce moment qu’ont choisi l’UNEDIC et le Gouvernement pour diminuer la durée d’indemnisation des chômeurs (le versement de l’ASS est réduit à 2 ans, faisant basculer plus de 130 000 personnes dans le RMI). Tout le monde est concerné et il faut être bien naïf pour s’imaginer être à l’abri de cette logique. L’exemple de France Télécom est là pour le rappeler : une loi de privatisation totale de FT (qui est en cours de discussion au Parlement) va créer un statut spécial de "fonctionnaire de France Télécom" prévoyant, entre autre, la possibilité de toucher des allocations UNEDIC si le fonctionnaire, mis en position de détachement, perd son poste ! Comme l’ont si bien dit et redit les délégués de Thomson pendant ces manifestations, la seule solution pour s’opposer à cette logique est la lutte et la nécessité de créer le rapport de force le plus large possible. Pour cela il faut que les syndicats passent résolument à l’offensive et organisent partout, avec toutes les organisations concernées, le soutien massif de la population. Sans cette mobilisation, ceux de l’"autre planète" ne vont certainement pas se gêner et se mettre à jouer les "humanistes".

Chacun d’entre nous, partout où il est, doit contribuer à cette mobilisation, et d’abord sur son lieu de travail ou son lieu de vie, dans les organisations appropriées. Le problème des licenciements est celui de l’ensemble du monde du travail. Il est temps de mettre un coup d’arrêt à cette vague de licenciement et de fermeture d’entreprises. Il est temps de changer le rapport de force au profit des salariés. Le seul frein à cette catastrophe, c’est la lutte des salariés eux-mêmes. Seule une grande action intersyndicale pour exiger l’interdiction des licenciements, permettra d’arrêter cette offensive contre le droit élémentaire de chacun d’avoir un travail et un salaire.

L’échec de Cancun est celui du libre-échange

Pour la première fois, les gouvernements d’un nombre significatif de pays du Sud ont fait bloc pour dire "non" aux Etats-Unis et à l’Union européenne. Ce double "non" a été opposé aux subventions à l’exportation déversées sur l’agriculture productiviste par les deux principales puissances commerciales, et qui ruinent la paysannerie du Sud, ainsi qu’aux nouvelles demandes de libéralisation portant sur l’investissement, la concurrence, les marchés publics et la facilitation des échanges (les 4 sujets dits "de Singapour").

L’ambiance qui a régné à Cancun pendant toute cette semaine explique largement l’échec de la conférence. Dés le début, plus de 5 000 paysans indiens, dont beaucoup de femmes, les oubliés de la mondialisation, ont fait le « siège » de la Conférence. Tous les jours plusieurs dizaines de militants ont rendu hommage à Lee Kyung-hae, l’agriculteur sud-coréen qui s’est donné la mort lors d’une manif : « Le mur n’a jamais été aussi grand entre la détresse de nos paysans au dehors et les réponses de nos dirigeants là-dedans », commentait Paul Nicholson, un des leaders de Via Campesina. Et les ONG ont été omniprésentes : pas moins de 15 réunions par jour, rien qu’au centre des ONG ! Faut-il réformer l’OMC ou l’abolir ? Certains comparaient le gendarme du commerce mondial à une ONU qu’il faudrait démocratiser. « Notre ligne, c’est qu’il faut la réformer radicalement pour qu’elle aide les pays qui en ont le plus besoin. » D’autres plaidaient pour l’abolition de l’OMC. « Un condominium Europe-Etats-Unis-Japon. Une machine qui dit réguler mais qui dérégule tout. » Impossible, pour Walden Bello (Focus on the Global South), de la « réparer » : « C’est par nature une institution inéquitable. Si on la réforme, ce sera à la marge. » Si leurs stratégies sont diffèrentes, à Cancun leur désir était commun : « Que ce sommet, basé sur l’imposition des intérêts d’une poignée au détriment du reste du monde, échoue ». Depuis Seattle, jamais l’influence des ONG qui travaillent sur le terrain ne s’est autant vérifiée qu’à Cancun. La galaxie altermondialiste s’est agrandie. Des ONG comme Oxfam ou Greenpeace, MSF ou la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) sont entrées dans la danse. Les réseaux paysans, comme Via Campesina, et des syndicats, telle la CISL (qui regroupe 156 millions de syndiqués dans le monde), se sont invités. Sur le continent africain, où les effets positifs de la mondialisation restent invisibles (2 % des échanges commerciaux dans le monde), les ONG ont un rôle de « facilitateurs ». « On a organisé des conférences entre ONG, représentants du gouvernement, experts et citoyens de base », raconte un responsable d’Enda Tiers-monde, basée à Dakar. « Nos élites ont compris qu’on n’était pas tous des antimondialisation, mais aussi des altermondialistes positifs », dit un « alter » mexicain. La nouveauté est aussi venue de « la fin de la complaisance de certaines ONG pour leur gouvernement ». Pas mal d’ONG des pays pauvres ont radicalisé leur position.

Même les « officiels » étaient bien obligés de l’admettre : « La rhétorique du commerce mondial est pleine de promesses. Malheureusement, la réalité du système commercial international ne reflète pas cette rhétorique. » (Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU). Elle plombe les « objectifs du millénaire » de l’ONU. En 2000, 189 Etats ont promis de réduire de moitié la pauvreté dans le monde, d’ici à 2015. Mais, en dix ans, si certains pays ont décollé, 50 Etats démunis ont plongé. Eveline Herfkens, coordinatrice des « objectifs du millénaire », insistait : « Les pays riches ont un rôle critique à jouer pour créer un système plus équitable... Le Nord ne pratique pas le libre-échange qu’il prêche. Et l’OMC ne travaille pas pour les plus pauvres. Elle bosse pour le commerce. C’est tout. » concluant : « Il faut arrêter les promesses. Et dire qu’en 1969, les pays les plus riches s’étaient engagés à verser 0,7 % de leur PNB au développement... » On en est à moins de la moitié aujourd’hui ! Même certains représentants du Sud, parmi les plus libéraux comme la ministre du Commerce du Sénégal, expliquaient : « Nous, on a mis la charrue avant les boeufs. On a ouvert nos marchés sans les mettre à niveau. ... il faut une discrimination positive, des traitements préférentiels, des compensations financières. Sinon, c’est la mort. » L’Europe dit qu’elle importe 63 % de la production agricole des pays en développement ? « Et alors, on pèse quoi, nous, là-dedans ? L’Afrique, c’est 2 % du commerce mondial. Si on ne trouve pas des sources de financement, ce sera bientôt zéro ... On a l’impression de ne pas être pris au sérieux. Vous avez vu la proposition qu’ils ont faite sur le coton, dont les subventions américaines ruinent nos pays ? Du vide. Un scandale, du mépris. La gifle qu’on a reçue, on peut la rendre, plus forte encore. » Marwan Hamadé (Liban) ne mâche pas ses mots : « Vous avez fait un accord sur l’accès aux médicaments, très décevant, pour mieux tenter de renflouer cette conférence. Le pari pris il y a deux ans à Doha est en passe d’être perdu. » et il poursuit : « Les voix qu’on entend dehors, même assourdies par les barricades et les forces de l’ordre, sont représentatives d’un malaise global. » Félicité par des négociateurs africains, il insistait : « Avec ce projet de compromis, on jette des miettes au tiers monde pour faire avaler la pilule. » Il est révolté, écoeuré et veut le faire savoir. « L’OMC, c’est les Nations unies avec un Conseil de sécurité de deux membres : Etats-Unis et Europe. Ils sont aux manettes et les pays pauvres doivent courber l’échine. »

L’exemple du coton est particulièrement révélateur. Le Mali, le Tchad, le Bénin et le Burkina Faso, gros producteurs de coton comptant parmi les pays les plus pauvres de la planète, étaient venus à Cancun demander l’élimination totale des subventions cotonnières des pays du Nord, notamment celles des Etats-Unis. Or le projet de déclaration finale de la conférence ne mentionnait aucun engagement d’élimination de ces subventions à court terme, prévoyant même de favoriser des " programmes de diversification " des économies des pays africains. Que les négociations n’aient pas abouti sonne donc pour ces pays comme une " victoire politique ". Selon Choguel Kokalla Maiga (Mali), principal négociateur africain sur la question du coton à Cancun, " le bilan est positif, car le coton, qui était un sujet tabou il y a quelques mois, a ravi la vedette à bien d’autres sujets et a été intégré aux négociations ". " L’échec de la conférence n’est pas un échec pour nous, car on a voulu nous imposer quelque chose qui aurait été pire, et nous avons su réagir ", s’est-il réjoui. La cause des paysans africains a rencontré un large écho à Cancun, au point de peser dans l’échec de la réunion. Attac se félicite de cette montée en puissance du Sud et se solidarise avec sa revendication d’un système commercial plus équitable, qui est indissociable de l’annulation de la dette publique des pays pauvres. Le fiasco de la conférence ministérielle est aussi un prolongement des grandes mobilisations de ces derniers mois et années relayées par les délégués des associations, ONG et syndicats présents sur place. Que l’OMC ait été incapable de parvenir à un accord en son sein, et cela en appliquant pour la première fois ses propres règles théoriques de fonctionnement, montre à quel point sa crise est profonde. Mais il ne faut pas relâcher son attention car les différentes négociations en cours (agriculture, AGCS, propriété intellectuelle...) vont continuer dans la discrétion et font peser de lourdes menaces dans les secteurs les plus divers, notamment les services publics. Attac, en liaison avec les autres mouvements - français, européens et internationaux - actifs dans la lutte contre la marchandisation du monde, participera à toutes les campagnes visant à transformer l’échec de l’OMC à Cancun en tremplin pour une autre régulation des échanges mondiaux prenant en compte les droits humains et du travail, sociaux, culturels et environnementaux, de même que la souveraineté et la sécurité alimentaires, et la sanctuarisation de biens communs de l’humanité, en premier lieu l’eau. En France, Attac va développer une campagne d’information sur les méfaits du libre-échange et sur les alternatives à lui opposer. Dans ce cadre, l’association demandera au président de la République et au premier ministre de provoquer, comme le leur demande le Conseil économique et social, la tenue d’une conférence internationale où sera dressé un bilan public et contradictoire des 8 années de libéralisation commerciale impulsée par l’OMC.

L’Eau n’est pas une marchandise !

Le groupe groupe ATTAC eau Rennes est impliqué dans deux actions :

1 - L’organisation d’un séminaire de formation destinée aux élus nationaux sur les modes de gestion de l’eau et de son assainissement, les 6 et 7 décembre prochains à Rennes. Il a pour but d’informer les élus (maires, présidents d’intercommunalités, conseillers municipaux, conseillers généraux et conseillers régionaux) des enjeux politiques, économiques et techniques de la gestion privée ou publique des prestations de l’eau. Des milliers de contrats d’affermage avec les 3 grands opérateurs de l’eau (Véolia, Lyonnaise des eaux et SAUR) arrivent à échéance dans les collectivités territoriales françaises entre 2003 et 2006. La mise en place de cette formation est assuré par un organisme de formation parisien " Formation et citoyenneté " et un comité local organisateur (pour l’instant piloté uniquement par ATTAC Rennes) pour s’occuper de la logistique locale.

2 - L’opération " carte postale " pour une municipalisation de la gestion de l’eau à Rennes en 2005. Le contrat rennais de Délégation de Service Public qui lie la ville à la CGE (Véolia) depuis 15 ans pour la gestion de son eau prendra fin en décembre 2004. La décision de reconduire ce contrat d’affermage avec l’opérateur privé ou de gérer l’eau en régie municipale se prendra en conseil municipal le 5 janvier prochain. Il reste moins de 3 mois pour tenter que la gestion de l’eau rennaise devienne municipale et sous contrôle public !
De nombreux mouvements s’associent à cette initiative : ADAGE (Agriculture Durable par l’Autonomie, la Gestion et l’Environnement), ADECOSA CGT, ADEIC 35, AGROBIO 35, ATTAC, CIELE, CGL (Confédération Générale du Logement), CLCV, Eau et Rivières, FD CIVAM (Centre d’Initiative pour la Valorisation de l’Agriculture en Milieu Rural), FO, Greenpeace, Parti Radical de Gauche, UDB, Les Verts ...
L’eau est un bien et un service public vis à vis duquel le citoyen doit se trouver au cœur des décisions.

Déboulonnons les mythes

Tel est le titre du chapitre 11 du dernier ouvrage de J.E. STIGLITZ, prix nobel d’économie, ancien conseiller de Clinton et ancien directeur des études économiques de la Banque Mondiale, ouvrage recemment traduit en Français sous le titre : "Quand le capitalisme perd la tête". Résumons les principaux mythes néolibéraux que l’auteur a recensé, ainsi que les contre arguments qu’il propose :

1 - " C’est le brio des dirigeants qui a créé la nouvelle prospérité ". Cette affirmation est faite pour détourner l’attention des choses importantes, et fragilise en fait l’économie au moindre problème, du fait de la perte de confiance envers les héros.

2 - " la dérégulation et les marchés autorégulés sont à la base de cette prospérité, et il faut l’exporter dans le monde entier ", " la clé du succès, c’est de se soumettre à la discipline des marchés financiers ". En fait dans l’histoire, l’expansion du rôle de l’Etat a été essentiellement une réaction aux échecs du marché. En réalité, les marchés ne fonctionnent pas bien et ne proposent pas d’assurance contre de nombreux risques. La croissance repose ces dernières années sur les recherches financées par l’Etat. Les pays qui se sont développés le plus vite à long terme - et même ceux qui ont attiré le plus d’investissements directs étrangers - ont été ceux qui sont le plus intervenus pour stabiliser les flux financiers.

3 - " La guerre est bonne pour l’économie ". L’effet stimulant que peut avoir l’augmentation des dépenses militaires est en réalité plus que compensé par deux facteurs contraires : le climat d’incertitude que crée le conflit (notamment sur le prix du pétrole), l’éviction d’autres dépenses auxquelles on renonce.

4 - " Les problèmes de l’économie viennent du grand méchant Etat, qui force à payer des impôts écrasants et accablent de réglementations. Il convient donc de réduire l’Etat à la portion congrue ". Pourtant, la nouvelle économie a été financée par la recherche publique. La déréglementation a créé de nouvelles sources de conflits, de nouvelles méthodes de manipulations financières...

5 - " La réduction d’impôts pour les riches génèrent la croissance : elle permettrait d’autofinancer le déficit de recettes fiscales directes par une augmentation des revenus des taxes indirectes due à l’accroissement de la consommation. Même les pauvres en bénéficieraient, selon la théorie de l’économie du ruissellement ". En fait, ceux qui étaient tout en bas ont vu leurs revenus chuter pendant 20 ans !

6 - " La réduction du déficit budgétaire est la cause directe de la reprise économique ". Or, nous dit Stiglitz, la quasi-totalité des économistes (américains) recommandent au contraire une politique budgétaire expansionniste, alimentée si nécessaire par de gros déficits, sinon les récessions sont plus graves, surtout quand il est difficile de susciter un haut niveau d’épargne. W. Bush les a écouté, le déficit budgétaire US est devenu colossal.

Ajoutons à ces "mythes" recensés par l’auteur - et qui n’étonneront pas les lecteurs des documents d’ATTAC - un autre élément qui n’en est pas un (de mythe) : " la gouvernance " ; il convient de le démystifier avec la plus grande fermeté, tant elle fait des ravages idéologiques. Rappelons en ici les principales caractéristiques :

1 - au nom d’une société plus complexe, les institutions politiques élues voient leurs pouvoirs réduits, ou noyés dans des instances où dominent tous les types " d’experts " et de " décideurs ".

2 - Les notions de " peuple " et de " souveraineté " sont remplacées par " société civile " et " partenariats ". La " gouvernance locale " est réduite à une gestion encadrée par des contraintes imposées extérieures. Le poids grandissant des lobbies est accepté dans son principe.

3 - " La gouvernance d’entreprise " = négation à la fois d’une véritable responsabilité sociale et territoriale de l’entreprise et d’une démocratie sociale fondée sur des droits et pouvoirs pour les salariés.

4 - au niveau européen, l’Etat-Nation n’est considéré que dans sa fonction régalienne ; les liens directs Commissions - régions sont considérés comme fondamentaux.

5 - Le libre échange, l’excellence individuelle sont les bases d’une société " d’acteurs " et de " projets ". Ce qui compte, c’est être acteur et bâtir des projets, dans les limites des " contraintes " du marché.

6 - La hiérarchie des valeurs change fondamentalement : " l’équité " (effort qui consiste à corriger des " déséquilibres " de l’ordre naturel du marché) remplace " l’égalité " (droits acquis par le combat). M. MER, l’actuel ministre du budget, n’a-t-il pas déclaré dernièrement " qu’il était équitable que les riches paient moins d’impôts, car ils apportent plus de richesses que les pauvres ". On comprendra ici l’abîme qui sépare " l’équité " et " l’égalité ", l’une des devises de notre République (ce ministre est-il républicain ?).
De la même façon, on pourrait démonter le discours (devenu une pratique faisant des ravages dans les entreprises) qui remplace les qualifications par les « compétences » ou encore le droit au travail par « l’employabilité »...

Le Medef va t-il définir les programmes scolaires ?

Les 23 et 24 octobre, le Ministère de l’éducation nationale organise en grande pompe au lycée Louis le Grand une "université d’automne" avec l’Institut de l’entreprise, une filiale du Medef. Cette université d’automne destinée à 200 professeurs de sciences économiques et sociales, est inscrite au plan national de formation, donc financée par les fonds publics de la formation continue des enseignants. Elle sera ouverte par le Ministre Luc Ferry en présence du gratin des grands patrons des multinationales françaises qui doivent présenter, à travers des cas concrets, leurs "réussites" dans le domaine de la mondialisation. Cette manifestation est la suite d’un partenariat exclusif que le Ministère a conclu avec l’Institut de l’entreprise dans le cadre de la formation continue des enseignants de sciences économiques et sociales. Cette affaire est un manquement grave au principe de laïcité : la formation continue des enseignants n’est pas alimentée par des travaux scientifiques sur la mondialisation, mais par le discours idéologique de l’un des principaux acteurs de la mondialisation libérale - les grandes entreprises multinationales - avec lequel le Ministère entretient un rapport exclusif. Cette situation est inacceptable et Attac s’associe aux protestations de l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales, des syndicats d’enseignants et appelle les universitaires à s’y associer, et demande que la formation continue des enseignants soient ouverte à la critique et aux propositions du mouvement altermondialiste. Attac a envoyé une lettre ouverte à Luc Ferry le 14 octobre pour dénoncer cette opération de propagande à sens unique qui viole les règles de la neutralité de l’école.

Les Forum sociaux : un nouveau mode d’organisation

Le Forum social mondial (FSM) réunit tous ceux qui s’opposent au néolibéralisme et qui s’emploient à bâtir une société centrée sur le développement humain. C’est un espace ouvert à tous les acteurs de la société civile. La possibilité de participer au Forum à titre individuel a également été ouverte. Les partis politiques ne sont pas directement parties prenantes de l’organisation ou du contenu des rencontres, mais ils peuvent apporter leur soutien. Il permet d’échanger et d’analyser ensemble des expériences, d’élaborer des propositions, de décider d’actions collectives et de construire des alternatives. Il réunit des acteurs très différents et parfois opposés, mais sa force réside justement dans la volonté de ne pas nier ces divergences d’opinions mais plutôt d’organiser leur confrontation, pour faire avancer le débat. Il n’y a pas de déclaration commune à la fin des Forums. Cette ouverture a fait la force du mouvement citoyen mondial. Depuis, le succès n’a pas cessé de grandir : 3 FSM ont eu lieu à Porto Alegre, le dernier en date ( 23-28 janv. 2003) avec plus de 100 000 participants soit, (3 fois plus que le premier). Le prochain (16-21 janvier 2004) aura lieu en Inde à Mumbaï. Plusieurs Forums sociaux locaux se sont tenus en France en 2003. Ces Forums sont organisés selon les principes de la charte de Porto Alegre.

Le deuxième Forum social européen, après le succès de Florence en 2002 (60 000 inscrits et presque 1 million d’européens lors de la manifestation de clôture), se tiendra du 12 au 15 novembre 2003 à Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry. Initié par de 250 mouvements en France et plus de 1500 à l’échelle européenne, le FSE devrait marquer une étape dans le développement du mouvement altermondialiste en Europe. Alors que les gouvernements discutent, avec le projet de constitution, de l’avenir de l’Europe, le FSE devrait permettre de faire entendre notre exigence d’une autre Europe, d’une Europe des peuples et des citoyens. Avec 55 plénières et 250 séminaires, le FSE sera d’abord un lieu de débats et de confrontations entre des forces très diverses, tant par leurs préoccupations que par leurs histoires et leurs orientations, mais unies sur une exigence essentielle : voir les droits des êtres humains l’emporter sur le droit du commerce et la loi du profit. Le FSE doit être aussi un cadre où devraient s’élaborer des propositions alternatives et où devraient se discuter l’organisation de campagnes de mobilisation à l’échelle européenne. Attac, qui a joué un rôle très important dans la mise en place de ce deuxième FSE, participera à de nombreux séminaires et sera présente dans quatre plénières. Le FSE sera précédé, le 12 novembre, par une assemblée pour le droit des femmes et sera suivi, le 16 au matin, par l’assemblée des acteurs et mouvements sociaux, deux initiatives auxquelles Attac participe. Une grande manifestation/parade est organisée le samedi 15 après-midi.

Les travaux du FSE tourneront autour de 5 axes :

Axe 1 - Contre la guerre, pour une Europe de la paix et de la justice, de la solidarité, ouverte au monde

Axe 2 - Contre le néolibéralisme, contre le patriarcat, pour une Europe des droits, sociale et démocratique

Axe 3 - Contre la logique du profit, pour une société de justice sociale, écologiquement soutenable et pour la souveraineté alimentaire

Axe 4 - Contre le processus de marchandisation, pour une Europe démocratique de l’information, de la culture et de l’éducation

Axe 5 - Contre le racisme, la xénophobie et l’exclusion, pour l’égalité des droits, le dialogue des cultures, pour une Europe accueillante aux migrant(e)s, aux réfugié(e)s, aux demandeurs-euses d’asile.

Des départs en cars pour le FSE sont organisés par le FSL à Rennes. Pour préparer cet événement : le 28 octobre à 20h30 à Mille Horizons, 38 avenue Sergent Maginot, meeting avec Yves Salesse, président de la Fondation Copernic sur les thèmes : Services publics et Citoyenneté européenne.

Grandes manœuvres sur la "sécu"

Les annonces alarmistes se multiplient concernant le déficit de la sécurité sociale (" abyssal " selon les termes de notre ministre de la santé), et les dépenses de santé (" qui ont doublé en 20 ans " titré en première page du journal Le Monde). Ces annonces ont pour but de préparer l’opinion à une réforme majeure de notre système d’assurance maladie. Le déficit serait issu de l’augmentation des dépenses et Raffarin nous incite à ouvrir le débat sur " le juste équilibre entre solidarité collective et responsabilité individuelle " (Le Monde du 15/10/2003).

Qu’en est-il ? Un déficit n’est qu’un solde qui résulte de l’évolution différenciée des recettes et des dépenses. Le déficit de la caisse nationale d’assurance maladie est le résultat d’une accélération des dépenses associée à un ralentissement des recettes (cotisations sociales, CSG, impôts et taxes affectés au financement de l’assurance maladie). Ce ralentissement est la conséquence directe de la dégradation de l’emploi : du fait de l’augmentation du chômage, le nombre de cotisants diminue et les recettes liées à la CSG progressent peu en raison de la relative stagnation des salaires. Il faut y ajouter le caractère fluctuant des autres sources de financement : l’affectation des divers impôts et taxes varie en fonction de choix d’équilibrage ; enfin les exonérations des cotisations patronales ne sont qu’incomplètement compensées par l’Etat. On comprend que cette opacité nuit à la qualité du débat public. Quant aux dépenses de santé, il est exact qu’elles progressent, et plus vite que le PIB. Cette augmentation pourrait être favorable s’il était possible d’affirmer qu’elle amène une meilleure satisfaction des besoins de soins et une réduction des inégalités. Les comptes ne permettent pas de répondre à cette question.

Quelle réforme propose le gouvernement ? Le projet n’est pas encore énoncé précisément mais les rapports des groupes de travail mis en place il y a un an sont disponibles, en particulier le rapport Chadelat portant sur " la répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoires et complémentaires en matière de dépenses de santé " ([http://www.sante.gouv.fr]). Il n’est pas question de freiner les dépenses globales et encore moins d’augmenter les recettes par une hausse des cotisations ou de l’impôt. La volonté est de réduire le périmètre de l’assurance maladie obligatoire et solidaire et d’organiser progressivement un transfert de charge vers le secteur assuranciel (mutuelles et assurance privées), soumis à concurrence. Ainsi, le rapport Chadelat prévoit la création d’une couverture maladie généralisée (CMG) qui serait prise en charge à la fois part l’assurance maladie obligatoire " de base " et les complémentaires avec une aide à l’achat de cette complémentaire pour les plus démunis. Mais le contenu de la CMG n’est pas fixé, permettant toutes les régressions ; le prix et le contenu des complémentaires ne sont pas encadrés. En ne fixant aucun de ces curseurs toutes les dérives sont à craindre, dans le sens d’un accroissement des inégalités. Les mois à venir vont voir se confronter les intérêts éventuellement divergents des différents groupes de pression agissant dans le domaine de la santé (assurances, industrie pharmaceutique, professionnels de santé). Les citoyens auront à défendre âprement le principe d’une assurance maladie solidaire et une amélioration du niveau de prise en charge. La protection sociale, dont la santé, a un effet économique essentiel : éviter l’élargissement de la misère, élargissement qui a toujours été, dans l’histoire, un facteur d’idéologies extrémistes fascisantes.

Les initiatives du groupe santé d’attac Rennes

- Lien avec la commission santé d’attac national

- Organisation d’une formation de formateurs de 2 jours (4 et 5 octobre) à Rennes, par les groupes santé d’Attac Dinan et Rennes et la commission santé d’attac national ; Les thèmes traités : l’historique de la sécurité sociale, l’organisation de l’assurance maladie, l’analyse des réformes de l’hôpital et de l’assurance maladie, les alternatives. Les intervenants étaient P. Alloux (commission santé d’attac, G10 solidaires) et P. Volovitch (collaborateur à "alternatives économiques" et chercheur à l’Institut de Recherche en Economies Sociales). 35 participants venant de "l’ouest " (Brest, Nantes, Quimper, Carhaix, Dinan, Alençon, Fécamp, St Malo, Rennes...).

- Conférence-débat co-organisée avec le G10-solidaires le mardi 4/11/2003

- Cours débat le mercredi 19/11/2003 à 20h30 au local d’attac (32 rue de la Marbaudais) sur les réformes du système de soins et de protection sociale.


Sur votre Agenda

- Mardi 28 octobre 2003, 20H30, Mille Horizons (38 avenue Sergent Maginot, Rennes)
Meeting/débat avec Yves Salesse (Fondation Copernic) sur le thème
« Services publics et Citoyenneté européenne »

- Mardi 4 novembre 2003 - 20H30 - Grande salle Maison du Champ de Mars - Rennes
Conférence/débat (co-organisée avec le G10-Solidaires) avec Patrick ALLOUX (du G10) sur les réformes du système de soins et de la branche maladie de la sécurité sociale

- Jeudi 6 novembre 2003 - 12H00 - Campus de Beaulieu - Bat. 10 B
Conférence/débat sur la Recherche organisée par le Groupe de travail Education-Recherche d’Attac-Rennes et le SNESUP Rennes 1

- Jeudi 6 novembre 2003 - 20h30 - Maison du Champ de Mars
Réunion mensuelle publique d’Attac

- 12 au 16 novembre 2003
Forum social Européen à Paris, St Denis, Bobigny et Ivry

Des départs en cars pour le FSE sont organisés par le FSL à Rennes, soit du mercredi 12 au dimanche 16 (ce qui inclut la journée des femmes et l’AG des mouvements sociaux), soit le samedi 15 pour la grande manifestation citoyenne : renseignements et billetterie à l’Archipel, au Cridev, à Mille Horizons et dans les diverses organisations du FSL

- Mercredi 19 novembre 2003 - 20H30 - Local Attac - 32 Rue de la Marbaudais
Cours/débat sur les réformes du système de soins et de protection sociale

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