Lettre de janvier 2004 (n°37)

mardi 17 février 2004, par EG

Bonne année 2004

Lors de leur réunion mensuelle publique du 8 janvier, les membres et sympathisants d’ATTAC-Rennes ont rédigé un communiqué de presse pour :
· dénoncer l’attitude du premier adjoint de la municipalité de Rennes qui a annoncé, par une conférence de presse le 5 janvier, la volonté de la Ville de renouveler son contrat avec la Générale des Eaux (filiale de Véolia-Vivendi), sans même attendre la décision du Conseil Municipal du 19 janvier et sans concertation avec les autres communes qui reçoivent de l’eau de Rennes. Bravo la démocratie !
· réaffirmer leur soutien aux travailleurs de STMicroélectronics qui s’opposent à la fermeture de leur usine, alors que leur Direction « délocalise » pour accroître ses bénéfices. Dèjà lors des licenciements chez LU-Danone ou de la fermeture de Mitsubishi à Vitré, ATTAC avait dénoncé les licenciements de « convenance boursière ».

ENRON n’arrête pas de faire des « petits » !!!

Des « scandales » financiers ont secoué les USA fin 2001-début 2002, en particulier l’affaire Enron. Tous à l’époque - Commission européenne, ministres des finances, banquiers, grands patrons ou professionnels des marchés...- ont essayé de nous faire croire que ces scandales financiers n’étaient le fait que de quelques brebis galeuses et que l’Europe, où les contrôles sont « sérieux », n’avait rien à craindre.. Lors du dernier forum de Davos, le président de la Deutsche Bank affirmait qu’un scandale comme celui d’Enron aux USA ne pouvait se produire en Europe.
Mais les faits sont têtus : les "affaires", soit-disant inconcevables, se sont multipliées récemment. Pour citer les principales : d’abord, le "cas" Vivendi condamné par la SEC (le gendarme boursier américain) qui a infligé une lourde sanction à l’ancien patron du groupe, Jean-Marie Messier, et mis en cause "des faux communiqués de presse"ainsi que des corrections apportées aux résultats de "manière impropre".
Puis, la tourmente Ahold, le géant néerlandais de la distribution, qui a été accusé de manipulation comptable au début 2003, et est aujourd’hui au bord de la faillite. Pourtant en janvier 2002, Ahold avait été élu "distributeur de l’année" et, le magazine Fortune faisait le panégyrique de son PDG (le PDG le mieux payé de la branche -3,374 millions d’euros en 2001-, plus payé que le PDG de Wal-Mart ).
Enfin le scandale Parmalat fin 2003, le géant italien de l’agroalimentaire, qui apparaît aujourd’hui comme un empire spécialisé dans la spéculation financière et les transactions offshore qui, accessoirement, produit du lait et des yaourts. Sur la base des activités industrielles initiales de ce groupe a été échafaudée une superstructure financière d’une invraisemblable opacité. Avec des dizaines, voire des centaines de filiales, situées aux îles Caïmans - dont la fameuse Bonlat, qui a provoqué le scandale du vendredi 19 décembre, en révélant l’existence d’un « trou » de 3,95 milliards d’euros dans les comptes - des émissions d’obligations répétées alors que le groupe déclarait dans ses bilans une abondante trésorerie (dont il semble qu’elle soit en partie factice), des opérations offshore périlleuses...Toute cette activité financière n’apparaissait pas dans les bilans ou, pis, contribuait à les maquiller. Evidemment dans cette affaire, comme dans les autres et comme toujours, ce sont les salariés (et les producteurs de lait dans le cas de Parmalat) qui vont payer le prix fort !!!
La Commission européenne, si prompt à dénoncer la plus petite aide d’Etat, n’a jamais mené la moindre croisade contre ces paradis fiscaux qui sont au cœur de l’affaire Parmalat. Ainsi les îles Caïmans (paradis fiscal notoire des Antilles et 5è place financière mondiale) comptent plus de sociétés sur leurs registres que leurs 40 000 habitants, mais cela ne « trouble » pas la Commission ! Et pourtant, d’après Renaud Van Ruymbeke, juge d’instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris : « ... je constate que la plupart des groupes de dimension internationale ont des comptes dans des paradis fiscaux, comme les îles Caïmans. C’est devenu un outil de gestion banal ... Le principal intérêt est d’assurer une certaine opacité. Les motifs peuvent être très divers : frauder le fisc, transmettre un patrimoine à ses héritiers, détourner des fonds à des fins sans rapport avec l’objet social de la société, mais aussi financer des tentatives de corruption. Tout est envisageable. Tous les coups y sont permis. On trouve donc tout dans un paradis fiscal. L’argent sale se mélange au circuit financier classique et se donne les apparences de l’honorabilité. Il n’y a plus d’économie parallèle. Tout est imbriqué... nous vivons dans un monde où certains Etats multiplient les réglementations mais où, dans le même temps, une entreprise peut facilement ne pas respecter les lois. [les juges] n’ont accès qu’à un très petit nombre de dossiers. Peut-être un sur mille ou un sur un million, c’est impossible à savoir En quelques années, le pourcentage des capitaux internationaux investis en Bourse qui auraient au préalable transité par un paradis fiscal serait passé de 10 % à 50 %. Il y a donc toutes les raisons d’être pessimiste, même si cet argent n’est pas toujours d’origine criminelle... » (Le Monde 01/01/2004).
Tous ces « scandales financiers » font partie du fonctionnement normal d’un système économique dans lequel les patrons essayent toujours de faire le maximum de profits, quitte à prendre des risques financiers. Pour eux il faut tout faire pour empêcher la chute du cours des actions : abaisser au maximum le coût du travail, mais aussi maquiller les comptes. Tout est permis tant que ça marche. Ceux par qui le scandale arrive sont ceux dont les échafaudages financiers se cassent la figure. Bien d’autres scandales de ce type sont à prévoir car les prétendues brebis galeuses ne payent jamais elles-mêmes les pots cassés. Elles bénéficient souvent de la protection de la loi et de toute l’indulgence de leurs pairs.
C’est sur le dos de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre que s’amassent des fortunes immenses, fortunes qui peuvent être dilapidées en quelques heures (mais pas perdues pour tout le monde, rassurons-nous !!!) et ce sont toujours ces mêmes salariés qui doivent payer le prix fort pour compenser les pertes. Et c’est bien ça, le plus grand scandale de ce système.

Moins d’impôt tue la société !

(d’après un article de Jean-Marie Harribey, membre du Conseil scientifique d’Attac France et des notes prises au FSE)
Alors que les « scandales financiers » à répétition montrent une fois de plus les dégâts de la politique fiscale européenne, les gouvernements successifs continuent à multiplier les mesures de « défiscalisation ».
On connaît la formule "Trop d’impôt tue l’impôt", traduction en langage courant de la courbe de l’économiste Laffer qui prétend qu’au-delà d’un certain taux d’imposition le montant de l’impôt récolté par l’Etat diminue car un taux d’imposition trop élevé découragerait de travailler, diminuerait l’activité économique et les revenus que l’on en tire. Ce serait vrai si les contribuables faisaient le choix de moins travailler pour payer moins d’impôt et non de compenser le prélèvement supplémentaire par un surcroît de travail. Très peu probable car il faudrait que le taux marginal d’imposition soit égal à 100% pour être totalement dissuasif par rapport à l’envie de produire et de gagner davantage. Ca ne s’est jamais vu. Quand on entend dire qu’un supplément de revenu fait " sauter " une tranche du barème de l’impôt sur le revenu et qu’il vaut mieux s’abstenir de percevoir ce supplément, c’est une absurdité car même dans le cas du passage dans une tranche supérieure, le supplément d’impôt est toujours inférieur au supplément de revenu.
Avec la loi de finances 2004, le gouvernement a décidé de poursuivre le programme chiraquien de baisse de l’impôt sur le revenu : 5% en 2002, 1% en 2003 et 3% en 2004. Soit-disant pour relancer la demande par le supplément de pouvoir d’achat qui en découle. Ce sont les impôts directs (sur le revenu, mais aussi sur la fortune et les bénéfices des sociétés) qui vont diminuer. Or tous les allègements vont profiter aux classes riches et aux entreprises. C’est sûr que cela va enrichir les riches mais on peut douter que cela relance l’activité. Tout simplement parce que les classes riches vont d’abord accroître leur épargne alors que les pauvres verront leur consommation stagner.
La baisse des impôts est à l’ordre du jour du programme libéral qui veut diminuer les dépenses publiques et sociales pour élargir le champ d’investissement des capitaux privés : on diminue les prélèvements, on assèche les organismes publics et sociaux, on les déclare en faillite et on appelle à la rescousse la finance qui attend son heure avec gourmandise !
Qu’est ce qui peut intéresser les propriétaires du capital dans la privatisation de services vilipendés pour leur improductivité et leur parasitisme ? Pour JM Harribey, répondre à cette question, c’est porter le fer au cœur même de la vacuité de la théorie libérale. Primo, les services non marchands sont utiles, ils sont donc des valeurs d’usage qui sont évaluées monétairement par leur coût mais ils n’ont pas de valeur marchande et ne peuvent donc valoriser le capital. C’est leur défaut rédhibitoire pour les libéraux. Deuzio, l’activité publique résulte d’une décision collective anticipant l’existence de besoins collectifs. Contrairement à l’opinion dominante, les services non marchands ne sont pas financés par une ponction préalable sur l’activité privée, mais les salariés des administrations engendrent une production et un revenu supplémentaires équivalents à la valeur monétaire de ces services. L’impôt vient a posteriori exprimer l’accord de la population pour la pérennité des services et il constitue leur prix socialisé puisque chacun les paie en fonction de ses moyens et non de la quantité utilisée. L’impôt est prélevé non sur les revenus tirés de l’activité du seul secteur marchand, mais sur la totalité des revenus engendrés par l’activité privée et aussi publique. Des preuves ? Une réponse logique : on ne peut pas prélever l’impôt sur une base qui doit naître en partie de lui. Un raisonnement " à la limite " : imaginons que la propriété publique soit totale, toute la production est socialisée et on ne peut dire qu’elle est financée par un prélèvement sur l’activité privée, laquelle a disparu. La collectivité a simplement utilisé du travail pour produire les biens et services dont elle a besoin et a distribué des revenus monétaires en conséquence dont l’équivalent retourne à leur émetteur sous forme de paiement socialisé. Revenons à l’économie actuelle qui est à dominante marchande : ce qui gêne le capital, c’est qu’il existe des non-marchandises et des capacités de travail employées à les produire et non à produire des marchandises.
Dans l’atelier du FSE sur la fiscalité, plusieurs intervenants ont montré que la fraude, l’évasion et plus largement l’évitement (voir la contestation) de l’impôt entraînent des pertes de recettes considérables pour les Etats. De par sa complexité (économie souterraine, montages juridiques, minorations de recettes...) et son caractère caché, la fraude est évidemment difficile à évaluer, même si les diverses estimations établissent une fourchette globale de 15 à 20% du total des recettes fiscales. En 1992, le SNUI avait évalué la fraude à 195 milliards de francs par an. Cette estimation a été actualisée en 1997 à 225 milliards de francs par an (actualisation suite à la mise en place de la TVA intra-communautaire). D’après les calculs de l’INSEE on pouvait estimer les pertes à 58.56 milliards ? sur la base d’un PIB de 1.464 Milliards ? en 2001. Montant à rapprocher du besoin de financement de l’état déterminé par l’INSEE à 33.7 milliards ? en 2000 et 33.8 milliards ? en 2001. Compte tenu de l’internationalisation croissante des échanges, du développement des nouvelles technologies et du commerce électronique, des montages juridiques de plus en plus complexes et opaques, ou encore de l’absence d’une véritable harmonisation européenne des procédures de contrôle fiscal (notons que rien n’est prévu dans la future constitution pour lutter contre ce dumping fiscal et social dans l’Union), les moyens d’éviter l’impôt se sont développés, ce qui rend difficile toute évaluation et très probable la sous-évaluation des estimations existantes.
Moins d’impôt signifie plus de liberté seulement pour ceux qui ont les moyens financiers pour se mettre à l’abri du chômage et des risques de la vie. Pour tous les autres, c’est-à-dire la grande masse, moins d’impôt signifiera services publics dégradés, quartiers délabrés, couverture sociale amoindrie, peur du lendemain que l’on appellera " insécurité ", autrement dit du lien social en décrépitude. Moins d’impôt tue la société !.L’exemple du logement social est particulièrement révélateur : alors que les besoins en logements sociaux étaient estimés à 120000 en 2003, « on devrait atteindre, fin 2003, une production nette de 27 000 unités, dont 15 000 neufs, un des scores les plus bas depuis l’appel de l’abbé Pierre, en 1954. La rigueur s’applique d’abord au logement et à la rénovation urbaine, dont les lignes budgétaires pour 2004 enregistrent les plus fortes baisses de l’ensemble des dépenses de l’Etat (respectivement - 8,8 % et - 7 %), après avoir subi un sévère gel des dépenses en 2003. Le budget du logement voté pour 2003 s’établissait, dans un premier temps, à 7,4 milliards d’euros, mais trois vagues d’annulations ont, depuis, réduit son enveloppe de 265 millions d’euros. En trois ans, de 2002 à 2004, l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat, qui aide directement les propriétaires et les locataires à rénover leurs logements, aura ainsi perdu 30 % de sa capacité d’action. Il en est de même pour les prêts à taux zéro, accordés à 102 000 ménages modestes en 2002. Le budget 2004 prévoit une baisse de 30 % des crédits consacrés à ces prêts, rendue possible par une astucieuse modification réglementaire (arrêté du 16 octobre 2003) qui réduit ipso facto les possibilités, pour les banques, de les distribuer. Ce sont donc 30 000 logements nouveaux qui ne verront pas le jour. Les 6,2 millions de bénéficiaires des aides au logement n’ont pas vu le barème de ces aides réactualisé comme il devait l’être au 1er juillet 2003 » (Le Monde du 04/01/2004). Alors que depuis des années les gouvernements successifs ont multiplié les avantages fiscaux (dispositifs Périssol et Besson par exemple) au profit de ceux qui ont les moyens d’investir (« défiscalisation » payée par l’ensemble des contribuables évidemment), le prix du logement n’a cessé d’augmenter et la part du logement social se réduit comme peau de chagrin !

2004 : l’année de l’emploi !

« Pourquoi tant de haine ? », interroge Claire Villiers, syndicaliste SNU-ANPE et actuelle présidente d’AC !, « les décisions prises à l’encontre des chômeurs en cet automne 2003 sont d’une ampleur inégalée : on pourrait dire qu’il s’agit du plus grand « plan de licenciements » jamais connu dans ce pays : environ un million de personnes vont se voir supprimer leurs allocations, donc leur moyen de vivre (ou de survivre...) dans les deux ans à venir par le jeu cumulé des réformes de l’Unedic, de l’ASS, du RMI et n’auront plus rien, ou dépendront de leur famille. »
En effet - premier coup de massue - la convention Unedic du 20 décembre 2002 signée par une partie des partenaires sociaux (patronat, CFDT, CFTC et CFE-CGC) a pris effet au 1er janvier pour les nouveaux chômeurs mais aussi pour ceux qui sont déjà en cours d’indemnisation. Cet accord réduit la durée d’indemnisation pour la grande majorité d’entre eux, faisant sortir du système 180 000 demandeurs d’emploi dès le 1er janvier, selon une estimation de l’Unedic, qui chiffre à 600 000 le nombre de personnes concernées par la restriction de l’indemnisation d’ici à la fin de 2005. Les associations avancent, elles, le chiffre de 850 000.
L’application rétroactive de l’accord et la remise en cause des contrats signés (PARE) renforce le sentiment d’injustice éprouvé par les salariés privés d’emploi. Selon François Desanti (CGT-chômeurs), « les dossiers en justice commencent à s’accumuler » contre le recalcul des droits. Ainsi une centaine de dossiers ont ainsi été déposés devant les TGI d’Albi, Toulouse et Bordeaux. En attendant, les « recalculés » en fin de droits vont basculer soit vers l’ASS (l’allocation spécifique de solidarité), soit vers le RMI (le revenu minimum d’insertion), soit vers... RIEN !
C’est l’Etat qui finance ces deux minima sociaux, venant se substituer à l’Unedic de nouveau en déficit depuis la reprise de la hausse du chômage. Mais, comme le Président de la République veut à tout prix tenir son engagement de baisse des impôts de 30% en 5 ans et que le pacte de stabilité européen impose de limiter le déficit budgétaire, les minima sociaux eux aussi sont concernés en 2004 par la « contre-réforme ».
Donc - deuxième coup de massue -, à partir du 1er janvier l’ASS ne sera plus versée sans limitation de durée mais pour deux ans seulement aux chômeurs en fin de droit ayant travaillé au minimum cinq ans au cours des dix dernières années. En 2004, 130 000 chômeurs de longue durée sortiront vraisemblablement du dispositif ASS sur 420 000 bénéficiaires. Pour le ministre des Affaires sociales, François Fillon, cette décision "est inspirée moins par une exigence d’économie que par un changement de logique", car "au bout d’une longue période de chômage, les personnes concernées ont moins besoin d’une indemnisation que d’un accompagnement social effectif pour les remettre sur un parcours vers l’emploi". Pour Jacqueline Lazarre, de la CGT, qui appelle à revoir l’ensemble du financement de l’assurance-chômage, les chômeurs sont mis au contraire "dans des situations tellement difficiles que tout ce qui est insertion, intégration au travail devient de plus en plus compliqué". Comme dit Ouest-France : l’année commence mal pour les pauvres !
Quant au RMI qui passe dans le giron des départements il sera désormais complété par le RMA - troisième coup de massue. Car désormais le RMIste devra « mériter » son indemnité de perte d’emploi... en travaillant ! En effet, le Premier ministre l’a répété cent fois : « Il faut réhabiliter le travail ! » et Ernest Antoine Seillière du Medef se frotte les mains : « Rendre au travail sa place dans notre société après des années d’une propagande fallacieuse en faveur du loisir... vous avez, M. le ministre, sifflé ces derniers mois la fin de la récréation. » Mais le plus inquiétant c’est qu’en novembre dernier, un sondage révélait que 67% des Français approuvaient l’idée que le RMIste devait fournir un travail en contrepartie de son indemnité. Cette indifférence face à « la mise à la misère » d’un nombre croissant d’entre nous paraît d’autant plus irréaliste que, comme nous le rappelle Claire Villiers, « on aurait tort de croire que la frontière est étanche entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui ont une indemnité et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui ont encore un logement et ceux qui n’en ont pas ».
Le coût d’un RMA pour l’employeur sera de 183 euros par mois avec dispense de cotisations patronales. Le RMAste cotisera seulement sur la base de ces 183 euros et, à ce régime, pour s’ouvrir des droits à la retraite, il faudra qu’il travaille 160 ans. François Desanti précise que « le salaire brut d’un RMAste sera de 545 euros pour vingt heures de travail. L’équivalent de son RMI sera, en contrepartie, versé directement au patron. Lequel pourra garder son RMAste dix-huit mois. Après vous croyez qu’il va embaucher en CDI ? 40% des RMIstes sont des femmes seules élevant leurs enfants. On va les obliger à aller travailler vingt heures par semaines. Qu’est-ce qui est prévu pour les transports, la garde des enfants ? On les pousse vers l’exclusion et leurs enfants vers la rue. »

Des chômeuses du Loiret, de la région de Brest, des Cévennes, du Var..., interrogées lors d’une manifestation, témoignent toutes d’une tendance dont on peut observer le développement récent dans les PME et chez les artisans de leurs régions : ceux-ci cherchent à se débarrasser à tout prix de leurs salariés, usant de la faute grave ou du harcèlement moral pour les contraindre à partir. Mais pourquoi me direz-vous ? Parce que cinq RMA pour le prix d’un SMIC, il faudrait être FOU pour dépenser PLUS ! Et oui, c’est la saison des soldes ! Et de nouvelles promotions sont annoncées pour aller toujours plus loin dans la flexibilité, la précarité, l’insécurité sociale et économique : le chèque emploi entreprise ou, encore mieux, le contrat de mission, taillé sur le modèle du contrat de chantier en vigueur dans le secteur du bâtiment. Le salarié pourra être embauché dans une entreprise pour la durée de l’exécution d’une commande. Ne doit-on pas craindre le retour prochain du salaire à la tâche, à la pièce et de l’embauche à la journée, après qu’un siècle de luttes eut été nécessaire pour conquérir des garanties comme la mensualisation et le CDI ? Mais on nous répète que c’est ça la modernité et que c’est inéluctable. Pour Claire Villiers « le marché de dupe est total puisque cohabitent baisse des salaires, des garanties collectives et de la protection sociale ET chômage de masse et précarité ! »
Tentons un petit bilan chiffré de cette précarité : les minima sociaux (allocation adulte handicapé, allocation de parent isolé, allocation d’insertion, ASS, RMI et bientôt RMA) sont versés à 3 millions de bénéficiaires environ et concernent une population - ayants droit compris - de près de 6 millions de personnes (les RMIstes étaient 965 000 en juin 2003). Si l’on y ajoute les intermittents du spectacle, les salariés à temps partiels, en contrat emploi solidarité, en formation et en pré-retraite, la précarité concerne 14 millions de personnes en France. Depuis le 1er janvier, le nombre des chômeurs indemnisés est passé de 53,7 à 45,3%... et c’est autant de demandeurs d’emploi qui disparaissent des statistiques du chômage... Pour 2004, l’INSEE prévoit 35 000 créations nettes d’emplois dans le secteur marchand - en dépit du retour prévu de la croissance - alors que 100 000 emplois ont été détruits dans le privé au cours de l’année 2003. C’est sans doute pourquoi le 31 décembre dernier, adressant ses vœux aux Français, le Président de la République a promis de faire de 2004 l’année de l’emploi. Pour cela il prône des mesures dont nous avons maintes fois déjà eu l’occasion de mesurer la « modernité » : de nouveaux allègements de ces « charges excessives » qui « entravent » le dynamisme des entreprises c’est-à-dire la poursuite de la baisse du coût du travail (salaire directe et indirect ou socialisé) et l’augmentation de la rémunération du capital (dividendes versés aux actionnaires).
Désormais « traité comme une marchandise, l’emploi n’est plus synonyme de contrat social, générateur de revenu, de place et de droits sociaux », écrit Thierry Brun dans Politis. Le temps est venu pour les citoyens de renverser la vapeur et d’imposer une autre légitimité face à la logique du tout marchand : faisons - vraiment - de 2004 l’année de l’emploi !

60è anniversaire du PNR : une brûlante actualité !

C’est le 15 mars 1944 que le Conseil National de la Résistance définissait son programme prévisionnel pour la libération. On y trouve des objectifs d’une troublante actualité, comme par exemple :
- La « liberté de la presse, son honneur et son indépendance ».
- L’instauration « d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ».
- Le « retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ».
- Le « droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie ».
- Le « droit au travail et le droit au repos ».
- Un « rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ».
- Un « plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ».
- La « sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement ».
- L’ « élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance conte les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ».
- La « possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires ».
Conformément à sa vocation d’éducation populaire, Attac souhaite commémorer cet événement et populariser le contenu du programme du Conseil national de la Résistance qui conserve, à bien des égards, une brûlante actualité. En effet, selon le Fonds monétaire international, les « Etats-providence » ne doivent leur existence qu’à la période « exceptionnelle » que constituaient les lendemains de la seconde Guerre mondiale. Cette « exception » tenait à plusieurs facteurs : un rapport des forces politique, social et intellectuel favorable au monde du travail ; l’effondrement des organisations patronales ; une forte mobilisation des peuples et la reconstitution des organisations syndicales ; des gouvernements rassemblant communistes, socialistes, droite modérée, démocrates-chrétiens dans toute l’Europe ; l’influence des idées marxistes et keynésiennes ; l’absence de croyance en la capacité du marché à mener l’œuvre de reconstruction du Vieux Continent, le choix de la planification plutôt que celui des mécanismes « spontanés » du marché.
Ce sont ces conditions très particulières qui ont effectivement permis la mise en place de la protection sociale dont nous héritons aujourd’hui. Le retour à une situation « normale », qu’appelle le FMI de ses vœux, soutenu par les organisations patronales de tous les pays, vise à remettre en cause de la plupart des fonctions de l’Etat-social, par une destruction méthodique.

Sécurité sociale : Quelques données significatives

1 - En 2000, les frais de gestion de la CNAM représentaient 5,3 % du total des cotisations collectées : 100 ? par personne protégée et par an, pour une moyenne de prestations versées de 1780 ?.
2 - En 2000, les frais de gestion des mutuelles de santé représentaient en moyenne 13,3 % des cotisations acquittées : 40 ? par an et par mutualiste pour un montant moyen de prestations de 300 ?.
3 - En 2000, les charges techniques d’exploitation des activités santé des compagnies d’assurance n’étaient que très rarement inférieur à 25 % des primes encaissées. Les coûts de fonctionnement du régime général public et de l’assurance privée sont dans un rapport minimum de 1 à 4.
Pourtant, les assurances complémentaires arrivent en bout de chaîne de traitement, leur travail ne porte donc que sur des dossiers déjà contrôlés, ce qui réduit leurs coûts.
4 - L’économiste américain PHELPS évalue le coût de fonctionnement de l’assurance maladie privée à environ 20 % des primes reçues contre moins de 3,5 % pour le Medical Care (régime public réservé aux plus de 65 ans). Plus l’Entreprise est petite, plus les coûts sont importants (35 % pour les entreprises de moins de 10 salariés, 70 % pour une police individuelle). Transposé au cas français,on imagine les conséquences pour les salariés des PME.
5 - Les trois avantages majeurs des organismes de Sécurité Sociale :
a - il s’agit d’institutions sans but lucratif ;
b - l’absence de concurrence permet de supprimer tous les frais de marketing et de prospection commerciale ;
c - la gestion est simplifiée pour trois raisons :
. le calcul de la cotisation est uniforme et les prestations sont identiques alors que le privé gère au coup par coup en fonction de la situation de chaque client ;
. les frais engagés pour segmenter la clientèle n’ont pas lieu d’être ;
. le recouvrement des contributions s’opère sur les employeurs, ce qui nécessite moins d’ordre de paiement et engendre plus de régularité.
6 - Les systèmes d’assurance santé concurrentiels génèrent en outre des "coûts" de transaction importants : pour les assurés, difficultés d’analyse et de comparaison qualité-prix des contrats particulièrement complexe dans le secteur santé ; pour les entreprises, hausse inéluctable des coûts de gestion de la main d’œuvre, dont les suivis des contrats ; pour les professions médicales, un temps de gestion beaucoup plus long : 6 minutes aux USA, contre moins de 30 secondes au Canada !

Sur votre Agenda

Mercredi 21 janvier 2004 20H30, Local Attac, 32 Rue de la Marbaudais
Cours/débat sur « RMA : du droit au travail, au travail obligatoire »

Dans le cadre du cycle de manifestations « Guerre et impunité en Afrique noire » organisé par le Cridev, Survie Bretagne, EliKya, Cobanzo et la Mouvement de la Paix, 3 soirées sur le RWANDA :
* « Une république devenue folle » le mercredi 28 janvier à 17H00, Amphi Erasme-IEP de Rennes (conférence-débat avec Mehdi BA) et le mercredi 4 février à 20H, Maison de Quartier de Maurepas (débat avec Yolande MUKAGASANA)
* « Un cri d’un silence inouï » le mardi 3 février à 17H00, Amphi Erasme-IEP de Rennes (débat avec Anne LAINE, réalisatrice du film)

mercredi 4 février 2004 : à 20h30 Université Rennes2 (Villejean) Bât. B
conférence-débat « Où nous conduirait le projet de constitution Européenne » avec Bernard Cassen organisée par ATTAC-Rennes et les Amis du Monde Diplomatique.

Jeudi 5 février 2004 :
20h30, Maison du Champ de Mars Réunion mensuelle publique d’Attac

Mercredi 25 février 2004 20H30, Local Attac, 32 Rue de la Marbaudais
Cours/débat sur « Epargne solidaire : une façon concrète d’agir pour un autre monde »

Du 24 février au 6 mars 2004, Maison de Quartier de Maurepas, 32 Rue de la Marbaudais
Exposition/débat sur « Santé/Sécurité Sociale : les menaces »

Jeudi 4 mars 2004 :
20h30, Maison du Champ de Mars Réunion mensuelle publique d’Attac

Jeudi 11 mars 2004 : à 20h30 Carrefour18, Rue d’Espagne, RENNES (métro Fréville)
conférence-débat « L’Agriculture paysanne » avec organisée par ATTAC-Rennes et la Confédération paysanne.

Mercredi 17 mars 2004 20H30, Local Attac, 32 Rue de la Marbaudais
Cours/débat sur « La constitution européenne : quel projet pour l’Europe ? »

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