Conférence débat sur le logement. Intervention d’Olivier Tric

dimanche 8 avril 2007, par Webmestre

Atelier débat du 5 avril 2007

PEUT-ON PARLER D’UNE CRISE DU LOGEMENT EN FRANCE ?

Avec plus de 360 000 logements construits en 2004, 410 000 en 2005 et 420 000 en 20062, la France construit comme elle n’a jamais construit depuis 25 ans. Un record ! nous dit le gouvernement.
Alors, pourquoi parler de crise ?

Que cachent de tels chiffres ?

En réalité, la part de logements sociaux qui sont réellement construits, oscille entre 15 et 20 % de ces totaux annuels, et au cours de ces 3 dernières années, ce sont seulement 75 000 logements sociaux qui ont été construits en 20041, 55 000 en 2005 et 61 000 en 20062.
De plus, sur ces logements dits "sociaux", 25 à 30 % (38 % en 2006, soit 23 000) relèvent de la catégorie intermédiaire, PLS3, qui restent inaccessibles à 70 % des ménages les plus modestes et dans une plus large proportion, si nous comptons les personnes vivant en locaux insalubres, chambres d’hôtel, etc., à qui le logement social est théoriquement destiné. En effet, 70% de la population française ont un revenu mensuel inférieur à 1500 euros. Ils peuvent donc prétendre à l’attribution d’un logement social, puisque le plafond de revenu mensuel doit être inférieur à 1600 euros pour une personne seule, et 2500 euros pour un couple avec enfant. Cette proportion de 70% de la population nous montre que si le nombre de logements nécessaires étaient construits, la mixité sociale dont on parle tant serait de fait réalisée.

[Ainsi en 2006, sur les 420 000 nouveaux logements, ce sont seulement 38 000 logements vraiment sociaux, soit moins de 10% du total, qui ont été construits et sont sensés réduire la demande. Un record ?]

Mais qu’en est-il exactement de la demande de logements sociaux ?

1,3 million de demandes de logements HLM ne sont pas satisfaites en 2003, 1,6 en 2006, et au moins 2,2 millions en 2012, si le rythme de demandes ne croît pas plus vite d’ici là, ce qui est très peu probable ! Ainsi, si nous ne prenons en considération que ce nombre de demandes HLM, il faudrait construire 440 000 logements HLM par an pendant 5 ans pour résorber la demande en 2012, date de la fin du prochain mandat présidentiel. Ce chiffre de 440 000 montre l’importance de la demande en logements sociaux, puisqu’il dépasse, à lui seul, la totalité des logements construits au cours de l’année 2006 !
D’autre part, la Fondation de l’abbé Pierre estimait qu’en 2006, plus d’un million de personnes étaient privées de domicile personnel4, sans compter les jeunes de 19-26 ans, puisque 55 % d’entre eux vivent chez leurs parents, même quand ils sont en couple ! Il faut savoir aussi que beaucoup de jeunes ménages, sachant que les demandes ne seront pas satisfaites avant de nombreuses années, ne déposent pas de dossier. De même, l’augmentation du nombre de familles monoparentales ou recomposées nécessite aussi plus de logements et des logements plus grands pour permettre la garde alternée. Or on constate que la taille moyenne des logements locatifs diminue puisqu’elle est passée en moyenne nationale de 69,2 m2 en 1996 à 67,7 m2 en 2001 et ce phénomène ne fait que s’accroître depuis, ce qui est en outre, contradictoire avec l’évolution du taux de fécondité français, passé de 1,6 enfant par femme, dans les années 70 à 1,8 en 2001. Nous ne pouvons donc pas faire l’impasse sur les données de la Fondation de l’abbé Pierre qui témoignent d’une réalité que nous avons l’habitude d’ignorer. Pour tenir compte de ce million de personnes en situation précaire, il nous faut évaluer un certain nombre de logements correspondant aux données de la Fondation de l’abbé Pierre. En 2001, la Fondation évaluait à 270 000 le nombre de chambres d’hôtel occupées de façon permanente, les meublés garnis, les chambres indépendantes, les habitations de fortune et les constructions provisoires. Nous pouvons réévaluer ce chiffre entre 300 et 350 000 en 2007 et garder cette évaluation jusqu’en 2012, faute d’expertise. Il nous faut donc ajouter aux 440 000 logements sociaux précédemment calculés, entre 60 et 70 000 logements supplémentaires par an pendant 5ans.

[Ce sont donc en réalité 500 000 logements sociaux et d’hébergement qu’il faudrait construire chaque année et pendant 5 ans, pour s’approcher de la demande réelle vers 2012.]

Ce chiffre de 500.000 nouveaux logements par an est à rapprocher de la dernière évaluation établie par le Crédit foncier pour 5 ans, sauf que celle-ci concerne la totalité des logements qu’il faudrait construire en France, alors que notre évaluation ne concerne que le logement social. L’étude du Crédit foncier détaille plusieurs points pour justifier que son évaluation est supérieure à celle de l’Insee. En particulier le fait que chaque divorce crée un besoin supplémentaire de 0,7 logement et que ces 700.000 familles recomposées (40% des couples) ont besoin de logements plus grands pour assurer la garde alternée. De même, la mobilité dans le travail, les choix de vie de nombreux retraités, et de certains couples de vivre dans deux domiciles séparés, multiplient les lieux d’habitation. L’étude évalue cette demande à 110.000 logements, à laquelle il faut encore ajouter 158.000 logements et 75.000 logements pour les besoins liés au vieillissement et à l’immigration.
Si nous voulons véritablement comparer l’évaluation du Crédit foncier à la nôtre, nous devons effectuer le calcul suivant : sachant, comme nous l’avons vu, que les logements sociaux concernent 70 % de la population française, il faudrait donc construire chaque année globalement 500 000 x 100/70, soit 715 000 logements pendant 5 ans pour résorber la demande toutes catégories sociales confondues. Notre évaluation est donc, en réalité, largement supérieure à celle du Crédit foncier et se rapproche, comme nous le voyons ci-après, du rythme actuel de la construction de logements en Espagne.

Alors, pourquoi construisons-nous si peu de logements sociaux en France ?
Serions-nous incapables de réaliser 500 000 logements sociaux par an ?

suite dans le document en pièce jointe :

crise_logt_2.doc

+ schémas :

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