Manifeste : Commission « les rapports nord sud »

dimanche 30 avril 2006, par Webmestre

Pour la construction d’un monde égalitaire sans dette ni aide.

NB : Cette fiche est le fruit d’un travail collectif qui combine in fine le travail d’un groupe s’intéressant aux rapports UE/ACP et le travail du groupe Europe . A ce dernier on doit plutôt l’introduction sur la hiérarchie mondiale alors que le premier groupe est plutôt porteur des développements d’alternatives.

Introduction : L’impérialisme et le système hiérarchisé mondial

Le principe de compréhension de base : Le monde n’est pas construit sur le mode des échanges libres et bénéficiant réciproquement et également à tous et toutes . Il est hiérarchisé, il reconduit les dominations impériales et diffuse ainsi un mal développement. Pour le dire simplement, le système hiérarchisé mondial se construit selon le principe capitaliste du développement inégal et combiné .De manière plus précise, au "sur-développement" d’une zone correspond le "sous-développement" d’une autre et le "mal-développement" de l’ensemble .

Voir le simple... : Au sein de ce système hiérarchisé on peut distinguer un Centre ou un Nord au sein duquel on observe une inégalité de développement et une périphérie ou un Sud lui même inégalement sous-développé. Cette rupture entre le Nord et le Sud se manifeste par le schéma d’inégalité des richesses dit de "la coupe de champagne" : le haut de la coupe correspondant au Nord, le "pied" au Sud (1).

...sans oublier le complexe : Il y a donc des "nords" comme il y a des "suds" (l’Afrique n’est pas l’Amérique latine). Et il y a du nord dans le sud comme il y a du sud dans le nord. La puissante bourgeoisie des Etats-Unis domine son propre pays (tant d’un point de vue territorial que social) et les pays du Nord dont l’Europe . L’Europe est en "entre-deux" à la fois dominée et dominante.

Au sein même de ce continent une autre hiérarchie entre une zone Est moins développée et une zone Ouest plus développée se fait jour. En outre à l’intérieur de chaque zone, vieille Europe ou pays d’Europe centrale et orientale (PECO), on retrouve le même schéma de développement inégal tant sur le plan social que territorial . La logique du capital est intrinsèquement porteuse d’expansion inégalitaire.

Aller vers l’égalité et sortir de l’impérialisme dans laquelle les rapports sud-nord sont englués.

Qu’on y songe : 40 ou 50 ans après les indépendances politiques durement acquises, la majorité des pays du Sud restent sous domination des anciennes puissances colonisatrices (Grande Bretagne, Belgique, France, Allemagne) et sont enserrées dans un maillage économique : Accords de Yaoundé, de Lomé I, II, de Cotonou .

Un chiffre a lui seul résume cette affirmation : les économies européennes représentent les 2/3 des échanges commerciaux et les 2/3 de l’origine des capitaux. Exemple parmi d’autres : un pays comme la Tunisie importateur de coton ne peut commercer directement avec un pays producteur tel le Mali ou le Bénin. Il lui faut l’aval de l’UE pour négocier des accords commerciaux.

I. - Rompre avec les politiques néo-libérales imposées aux pays du sud par la BM et le FMI (*) .

Les développements qui suivent s’appliquent essentiellement à l’Afrique. Ils portent surtout sur les facteurs externes . Les logiques internes de sous développement et de maldéveloppement sont juste évoquées.

A) les plans d’ajustement structurel (PAS) .

En bref, les objectifs d’un PAS sont :

- dénationaliser des pans entiers des économies naissantes.

- privatiser les entreprises du secteur public

- dégager ainsi des capitaux affectés au remboursement de la dette

Les conséquences d’un PAS sont :

a.. la désorganisation des rares services publics de santé

b.. la fermeture des écoles publiques

c.. la mise au chômage de nombreux fonctionnaires

d.. l’accroissement de la pauvreté

e.. la déstructuration de l’Etat en gestation dont les fonctionnaires sont les principaux acteurs car au-dessus des clivages des clans et des tribus. Cette crise de l’Etat a relancé les conflits ethniques depuis les années 1990.

B) L’aide publique au développement (APD),

force est de constater qu’elle ne sert à rien, si ce n’est au maintien des régimes anti-démocratiques, prédateurs et zélés serviteurs de leurs maîtres du nord. Corruption, coups d’Etat et interventions militaires jalonnent l’histoire des pays du sud.

Là encore quelques chiffres pour illustrer l’inutilité de l’aide telle que conçue actuellement . Selon Philippe HUGON, "le coût total des 700 experts à Madagascar (y compris les dépenses de matériel et de voyage) est du même ordre que les salaires touchés par 100 000 fonctionnaires malgaches .

Les écarts de revenus par tête entre l’Europe et l’Afrique ont doublé depuis les indépendances et sont de 150 à 1. Selon Aminata TRAORE le nombre de pauvres serait passé de 242 millions de personnes en 1990 à 291 millions en 1998. Une évidence s’impose : en finir avec le pillage !

C) La dette . Elle comporte deux facettes principales.

a) Une facette financière et économique ou la création de mécanismes de transfert du Sud vers des acteurs du Nord , les élites du Sud prenant leur part au passage. En outre le FMI évalue le montant de la dette, fixe ses modes de remboursements, son rééchelonnement et les prêts pour les intérêts de la dette, toute somme recyclée au Nord, aux Etats-Unis et dans les paradis fiscaux (pour 1 dollar envoyé, 1,4 dollar revient aux donateurs, c’est-à-dire aux pays développés prêteurs).

b) Une facette politique ou la création de mécanismes d’ingérence et de domination des gouvernements des pays du Nord sur les peuples du Sud avec la complicité de leur gouvernements. Selon A TRAORE le rééchelonnement de la dette "prévoit que le FMI et la BM décident de l’éligibilité d’un pays ce qui tend à institutionnaliser l’ingérence politique . Les sociétés civiles, elles, se trouvent totalement écartées des processus de décision et n’ont aucun moyen de se faire entendre de leur dirigeants".

Face à ces données, comment transformer les relations nord-sud et reconsidérer nos représentations de l’Afrique ?

II. - Quelques perspectives pour assurer la possibilité d’un développement autonome, décidé et géré par les populations selon leurs besoins.

Première exigence : annulation impérative et sans condition de la "dette odieuse" (cf. doc CADTM).

Lutter contre le pillage : Militer pour la restitution de leurs richesses aux pays africains, ce qui suppose une lutte contre l’emprise des firmes multinationales des pays de la Triade (Etats-Unis-Canada, UE, Japon ) sur les ressources des pays du Sud. Lire "Enquête au coeur des multinationales" Mille et une nuits

Refuser l’ordre mondial imposé par l’OMC, le FMI et la BM et ne plus nous inscrire dans la logique d’aide, dérive direct du système économique instauré par ces institutions internationales. Lire "Que faire du FMI et de la BM ?" et "Remettre l’OMC à sa place" .Mille et une nuits.

Une autre agriculture : Lutter contre la politique agricole commune de l’Europe (PAC) et autres subventions accordées aux agriculteurs du Nord par le G8 et les gouvernements de l’UE et des Etats-Unis, subventions tueuses d’emplois, de savoirs-faire et cause d’exode rural vers les villes, de "bidonvillisations" des métropoles du Sud et d’émigration vers le Nord.
(Lire "Le G8 illégitime" Mille et une nuits )

Dans l’immédiat être solidaire des paysans du sud dans leur combat contre la monoculture industrialisée ou les cultures d’exportation afin qu’ils retrouvent leur souveraineté alimentaire et qu’ils puissent enfin décider de leur production et des prix de la distribution . Qu’ils ne soient plus price takers, c’est-à-dire qu’ils ne subissent plus les prix. Qu’ils soient acteurs des termes de l’échange. (cf. Confédération paysanne membre d’ATTAC, sur ce point).

Pour un développement autocentré : Admettre enfin le droit des pays du Sud à définir eux-mêmes leur mode de développement. Un tel recentrage ne signifie pas une rupture avec le marché mondial mais une insertion maîtrisée en terme de choix d’exportation, d’importation, de prix, etc...

Rendre aux Etats leur capacité de décider démocratiquement des modes de satisfaction des besoins de leurs populations notamment avec une réhabilitation des services publics (santé, éducation, eau potable...) Cela suppose donc de repousser le plus possible les dynamiques du capitalisme (accumulation de marchandises pour le profit) tant en interne (production et distribution pour une minorité de riches) qu’en externe (emprise des firmes multinationales du Nord).

Conclusion : un défi, changer le monde ensemble.

Il est évident que seul les peuples du Sud ne viendront pas à bout des logiques inégalitaires et destructrices du système dominant. Avec les paysans et les salariés du Nord comme du Sud, forces sociales décisives du changement, nous devons promouvoir un réel alter-développement mondial respectueux de la nature et réducteur des inégalités sociales et de genre.

Nous devons changer nos représentations en cessant de porter un regard misérabiliste et démobilisateur sur l’Afrique . Il y a certes beaucoup de pauvres et même un appauvrissement des peuples du Sud notamment en Afrique.C’est un continent riche mais spolié : il recèle les 2/3 des richesses minières mondiales en or, diamants, uranium et un potentiel énergétique (pétrole, gaz etc ), toutes ressources convoitées par les multinationales.

1 - Les 2O % les plus riches disposent de 83% de la production mondiale tandis que les 20% les plus pauvres doivent se contenter de 1, 4 % de cette production.

2 - PAC : Yaoundé 1967 Lomé 1975 , Cotonou 2000 entre en vigueur en 2008

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