Redéfinir la citoyenneté ? Quelle citoyenneté pour quelle Europe ?

dimanche 10 février 2019
par  Daniel Spoel
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Doit-on redéfinir la citoyenneté, où en est-on aujourd’hui en France et en Europe ?

Pour pouvoir définir cette citoyenneté sur le plan politique, il faut définir l’appartenance d’un être humain à la Cité. Mais avant de le faire, il serait peut-être nécessaire d’examiner d’abord comment se pose la question de la nature humaine que nous appellerons “l’humanescence” pour rendre hommage à Michel Serres.
La question mérite d’être posée sur le plan épistémologique (étude critique des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée) aussi bien que sur le plan ontologique (partie de la métaphysique qui s’applique à l’être en tant qu’être, indépendamment de ses déterminations particulières).
La question ontologique est d’autant plus intéressante qu’on la prend sur le plan de la condition historique de “l’être pensant”. C’est pourquoi il est utile de relier l’ontologie à l’épistémologie et ce travail est loin d’être terminé, puisqu’il ne se terminera jamais, par définition, sauf avec la disparition de l’espèce humaine, qui est de l’ordre des probabilités si nous n’y prenons pas garde.

Les origines historiques

Le citoyen a d’abord un sens juridique, le citoyen n’est pas un individu concret. Le citoyen est un sujet de droit, il dispose de droits civils et politiques, il jouit de libertés, d’être traité par la justice selon une loi égale pour tous. Mais il a aussi des devoirs, l’obligation de respecter les lois, de participer aux dépenses collectives en fonction de ses ressources et de défendre la société dont il est membre. Le citoyen est aussi détenteur d’une partie de la souveraineté politique. L’ensemble des citoyens est la source du pouvoir et il justifie l’exécution des décisions prises par les gouvernements. L’ensemble des citoyens contrôle et sanctionne l’action des gouvernants issus des élections. Les citoyens gouvernés reconnaissent qu’ils doivent obéir aux ordres des gouvernants parce que ceux-ci ont été choisis par eux, ils restent chacun sous leur contrôle réciproque. C’est l’ensemble des citoyens qui dispose de la souveraineté.
La citoyenneté est également la source du lien social : vivre ensemble, ce n’est plus partager la même religion ou être sujet du même roi ou être soumis à la même autorité, c’est être citoyen de la même organisation politique. Le principe de la légitimité s’est progressivement étendu à toutes les formes de la vie sociale, mais l’interprétation de la citoyenneté a été différente au cours de l’histoire.
L’invention de la Cité grecque est à l’origine de la citoyenneté lorsqu’elle a inventé la politique, avant cela il n’y avait que l’économie, c’est-à-dire la bonne gestion scientifique et technique des ressources de la maison, c’est dire si la politique a primauté sur l’économie, mais l’économie est un primat de la politique. Qu’on se le dise à propos de leurs rapports hiérarchiques (la politique a la primauté sur l’économique) que l’on semble avoir oubliés aujourd’hui.

La citoyenneté grecque était ethnique (naissance et appartenance à une classe d’hommes libres) et sexuée (rien que des mâles même homosexuels, pas de femmes) dans une société politique abstraite et utopique.
Le statut juridique n’est apparu qu’à Rome qui l’a étendu progressivement aux non Romains.
La vocation universelle de la citoyenneté n’a été reconnue que plus tard après la reconnaissance de l’universalisme de la chrétienté après la querelle de Valladolid en 1551 à propos des Indiens d’Amérique et de leur “humanité” et donc de leur droit et possibilité de devenir des Chrétiens.

Toutefois le monde moderne du XVIIIème siècle, des philosophes des Lumières et autres et des révolutions américaine et française n’ont pas donné naissance à une conception unique de la citoyenneté et donc de la modernité politique et de la démocratie représentative. Ces différences subsistent encore aujourd’hui dans la conception du citoyen abstrait, du transfert de légitimité et à la représentation de la légitimité au travers d’institutions et de personnes. L’individu-citoyen ne reste qu’une expression abstraite du peuple souverain, de la communauté ou de la Nation. Et la démocratie directe, si elle était possible à Athènes ou encore possible dans un canton suisse, elle est difficile à organiser dans des espaces géographiques peuplés de plusieurs dizaines ou centaines de millions d’individus-citoyens comme en Europe.
De l’utopie politique grecque à la réalité politique d’aujourd’hui, il y a une distance que certains ont encore des difficultés à franchir.

Deux conceptions de la transcendance par le politique s’affrontent encore aujourd’hui

Deux traditions intellectuelles et historiques de la citoyenneté et de sa représentation ont inventé deux traductions pratiques et opérationnelles à partir de principes différents :
1- la conception française et Rousseauiste partant de la fusion entre l’individu et la société et débouchant sur une conception de la volonté générale, unitaire et totale de la citoyenneté imposée provisoirement par la Révolution française, mais effective seulement après la chute de Napoléon III et l’avènement de la troisième République,
2- la conception anglaise et de Montesquieu partant de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, respectant la diversité des appartenances, des attachements particuliers et donc du pluralisme libéral, dont l’origine remonterait à la Grande Charte de 1215, à l’Habeas Corpus de 1679 et à la « Glorieuse révolution » de 1688.
Ces deux modèles ont inspiré les différentes Constitutions des régimes démocratiques à représentation parlementaire à pouvoir central, fédéral ou régional avec toutes les combinaisons, mais encore beaucoup de différences dans les pratiques, par exemples par rapport à l’intégration des populations immigrées et la définition de la laïcité ou la séparation des religions, des confessions et des conceptions philosophiques.
Le citoyen national, celui d’un Etat, est donc à la fois un citoyen abstrait et un individu historique et non pas un citoyen concret et absolu comme certains ont tendance à se le représenter ou à vouloir le faire croire. Pour savoir ce qu’est un citoyen, il convient de construire une représentation à la fois à partir de sa diversité et à partir de sa qualité de “sujet”.

Le sujet dans une perspective post-moderne

Il s’agit donc de se plonger dans l’histoire du “sujet” et éventuellement de redéfinir le sujet dans une perspective post-moderne.
Dans notre langue, nous disposons de trois termes, qui s’ils se recoupent apparemment, ont des parcours historiques différents, ce qui nous oblige à les distinguer soigneusement : individu, personne, sujet.
L’individu humain, au sens biologique du terme, est doué de réflexivité, de présence à lui-même ou elle-même. Il ou elle possède le sens de leur identité personnelle dans le cadre d’une identité collective. Il faut donc le dire “personne”. L’humanité est donc faite de personnes dans ce qu’elle a d’irréductible et chaque culture, chaque civilisation définit à sa manière la donnée invariante de la personne. La personne est donc un monisme décliné différemment par les cultures. Les sociétés modernes ont défini les personnes en changeant leur statut et en les instituant membres de ces sociétés et donc “individus de droit”. Les individus biologiques deviennent des individus sociaux par la reconnaissance de leur liberté égale les uns par rapport aux autres. La reconnaissance de la laïcité, la sortie de la religion comme référent des sociétés modernes transforme les personnes de l’intérieur. Elle les érige en “sujets”, en changeant les conditions de leur réflexivité et de leur identité et en reconnaissant leur subjectivité. Cette transformation est essentielle, parce qu’elle change l’individu non seulement de l’intérieur, mais aussi dans la manière de se rapporter à lui-même et aux autres (qui sont eux aussi des sujets). L’humanité ne prendre sa pleine valeur dans les sociétés post-moderne que lorsqu’elle a compris la pleine signification de sa liberté, lorsqu’elle a pris conscience de sa “propriété de soi” et lorsqu’elle est capable de choisir son destin. Alors seulement commence le véritable combat démocratique pour faire reconnaître la communauté des sujets dans l’exercice de leur liberté et la prise en charge de leur destin commun.

Etymologiquement, le citoyen est celui qui appartient à la cité, qui est habilité à jouir de son territoire, du droit de cité. Si la définition de citoyen semble claire, le terme a changé de connotation, parfois de sens au fil du temps : le citoyen d’Athènes n’a pas la même qualité que le citoyen français d’aujourd’hui pour ne faire qu’une comparaison dans le temps. Les citoyens athéniens étaient libres, mais ils ne comprenaient ni esclaves ni femmes.
Le citoyen français est un sujet, socialement reconnu comme également libre et capable de se penser, par sa réflexivité et sa subjectivité, comme un individu responsable de son individualité biologique et pensante, et de son individualité sociale à cause de sa liberté et de ses rapports d’altérité (par rapport aux autres individus sociaux, égaux en droits et en devoirs).

Si on suppose que la définition reste valable, immuable en quelque sorte, c’est que le concept de “cité” a changé. Le citoyen a été associé à l’Etat-Nation. Il est plus ou moins fortement attaché à son Etat-Nation en fonction de la relation historique qu’il a avec son pays (Etat). La France et les Français ont des relations différentes à la citoyenneté que les Belges, que les Britanniques (qui ne sont que des sujets de sa gracieuse majesté), que les Allemands, que les Suédois, que les Polonais, que les Tchèques, etc.
Cela montre qu’il est difficile de définir une citoyenneté européenne.

Les personnes sont donc de plus en plus requises de s’interroger sur leur identité véritable, sur leurs désirs profonds, sur leurs motivations, sur leurs ressources, sur ce qui leur permettrait d’être pleinement elles-mêmes des citoyens. C’est en cela qu’elles deviennent des “sujets” véritables en fonction des valeurs actuelles : celles contenues dans les Constitutions de chaque état, voire dans les traités de l’Union européenne : “dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, état de droit, respect des droits de l’Homme ... dans une société caractérisée par le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité et la non-discrimination” (article I-2 les valeurs de l’Union).

Mais cela ne suffit visiblement plus parce que la société de solitude dans laquelle nous évoluons aujourd’hui est aussi le produit d’une série de batailles socio-culturelles et de décisions politiques identifiables dans lesquelles les théories économiques et les mutations technologiques ont donné naissance à la fois à la notion de progrès et à celle d’homo économicus. Cela débouche sur l’impasse d’une société individualiste qui résulte de ce que l’homme est naturellement égoïste et égocentrique, ce qui est contraire au principe d’égalité contenu dans la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens.
Nous devons donc nous poser la question : l’homo économicus est-il compatible avec la démocratie et la république dans tous les aspects de la vie sociale, y compris avec la fiscalité
redistributive et l’extension des droit sociaux par rapport aux inégalités générées par le capitalisme ?

Si l’histoire résulte de l’action des hommes, l’histoire européenne a inscrit la citoyenneté dans le cadre de l’Etat-nation avant de l’inscrire dans le Traité constitutionnel sous la forme théorique de citoyenneté européenne.

La perception interne du “national”

Les citoyens ont chacun une identité nationale qui permettrait de définir un “bon national” aux yeux de l’opinion, quitte à ce que ce “bon national” soit souverainiste, se sente “européen” ou soit éventuellement xénophobe à l’intérieur de son propre Etat-nation.
Pour prendre un exemple, la représentation du “bon” français par l’opinion française représentative, selon une enquête de 2003 , fait que pour 70 % des répondants il est très important qu’il respecte la loi et les institutions françaises, pour 61 % qu’il soit capable de parler français, pour 60 % qu’il se sente français, pour 52 % qu’il ait la nationalité française, pour 33 % qu’il ait vécu la plus grande partie de sa vie en France, mais seulement 24 % qu’il ait des origines françaises.
Qu’attendre d’un citoyen national, sinon de respecter la loi et les institutions, de parler la langue et de se sentir appartenir à la collectivité ? On peut se réjouir qu’en France, le “bon” français n’est donc plus lié au sol ni à l’origine, mais qu’il est bien l’individu de droit et de devoir. Il n’en a pas pour autant montré son adhésion aux traités européens, ni à la citoyenneté européenne.

Mais qu’en est-il par ailleurs ? Les institutions européennes ont-t-elle des informations au sujet du sentiment des “bons”nationaux dans tous les pays ?
Les perception internes aux Etats-nations font-elles nécessairement l’affaire de l’Union ?
Les relations biunivoques entre un citoyen d’un état sont-elles ou pas les mêmes que celles du citoyen d’un autre état avec son état ?
L’interprétation et les connotations de cette relation sont sans doute historiquement et donc culturellement différentes d’un citoyen national à l’autre selon la nation considérée. La citoyenneté européenne est donc forcée de se définir et de se gérer dans la diversité, tout en ayant des caractéristiques communes.
Mais ce n’est pas tout ...

Le traité constitutionnel définit la citoyenneté européenne à partir des citoyennetés nationales (article 8.1 : Toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre possède la citoyenneté de l’Union. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas).
Le traité constitutionnel reconnaît à la fois les valeurs, les objectifs, les quatre libertés fondamentales (plus la Charte) et la non-discrimination, les droits et les devoirs des citoyens.

Nous l’avons souligné, l’article 8 du traité constitutionnel définit la citoyenneté de l’Union à partir des citoyennetés nationales, c’est nécessaire mais pas suffisant, parce que la citoyenneté nationale n’est pas directement extrapolable à la cité européenne.

C’est dire si définir la citoyenneté européenne nécessite de préciser encore et toujours les rapports du “citoyen européen” avec sa “cité” et inversement. Osons quelques observations :
1- la cité ne saurait être seulement un espace de transactions commerciales, un marché.
2- la cité devrait avoir de limites, il est impensable de ne pas “cadastrer” l’Europe,
aucun citoyen ne se sentira citoyen s’il ne connaît pas son espace. L’élargissement
s’est fait au détriment de l’approfondissement. La construction d’un contenu à la
citoyenneté européenne fait partie de l’approfondissement nécessaire et non réalisé.
Tous les élargissements à venir doivent être différés, faute de quoi, il n’y aura jamais
de citoyenneté ; cela ne signifie pas que d’autres “cités” ne puissent pas être associées, mais elles seront voisines et non pas dans la “cité” proprement dite.
3- la cité ne devrait pas faire de distinction de race, de religion, d’autres types de
caractéristiques ou qualités de ses citoyens, c’est ce qui est prévu dans les textes, mais
il manque toujours la citoyenneté de résidence, reconnue après une période définie
d’adaptation et de vie active.

La perception externe, mais intra-communautaire et la relation avec l’autre national européen

A côté de la perception interne à un Etat-nation, il est indispensable de connaître la confiance que les peuples de l’Union ont dans leurs partenaires. Dans les années 1980, la question de la confiance était abordée dans l’Eurobaromètre. Les auteurs de l’article cité soulignent : “On sait depuis longtemps que la confiance mutuelle joue un rôle important à l’intérieur d’une nation, et les références au « consensus » sont aussi fréquentes qu’incantatoires. ...La confiance et son antonyme la méfiance permettent de se faire une idée de l’autre lorsque l’information disponible sur lui est imparfaite ; elles peuvent s’avérer déterminantes lorsque les dirigeants d’une nation interprètent les actions d’une autre nation. Avoir confiance, cela veut dire s’attendre à ce que le comportement de l’autre soit plutôt amical ; se méfier, c’est s’attendre à ce que le comportement de l’autre soit hostile, ou pour le moins imprévisible. Ainsi la confiance ou la méfiance prédispose un peuple à interpréter les actions d’un autre peuple comme amicales ou menaçantes lorsqu’il existe une certaine ambiguïté dans leurs rapports. Cela peut être très lourd de conséquences”.

Que savons-nous aujourd’hui de la confiance et de la méfiance des peuples le l’Union les uns vis-à-vis des autres ?
Entre les peuples de la “vieille Europe” et ceux de la “nouvelle Europe” ?
Entre les citoyens des pays membres de l’Union avant la chute du Mur de Berlin et ceux des nouveaux pays membres ? Faut-il redéfinir le contrat social ?

Or les disparités entre les états sont considérables :
- en 2017, si le PIB par habitant dans l’UE est de 100, au Luxembourg il est de 253, en Allemagne de 124, en Belgique de 117, au Royaume Uni de 105, en France de 104, en Roumanie de 63 et en Bulgarie de 49 ;
- lors de la création de la Communauté économique européenne (CEE), la complémentarité entre ouverture de marchés et contreparties sociales avait été comprise et inscrite dans les textes, mais sous l’inflexion imposée par la néolibérale Margareth Thatcher (1979-1990), la convergence sociale a été abandonnée sans que cela ne soit remis en cause depuis ;
- après le rejet en 2005 du Traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy reviennent en 2007 avec le Traité de Lisbonne, puis avec le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union) et le MES (mécanisme européen de stabilité) qui imposent des règles budgétaires strictes : le déficit ne doit pas dépasser 3% du PIB ;
- le 5 octobre 2008, après la faillite de la quatrième banque privée allemande, Hypo Real Estate, les Quinze adoptent un plan de de sauvetage du secteur bancaire européen prévoyant notamment une garantie publique des crédits interbancaires, mais le 16 octobre, à l’issue du Conseil, l’Allemagne, soit Angela Merkel, s’oppose à la mise en place d’une réponse coordonnée à la crise économique en Europe, instaurant le “chacun pour soi” donc l’absence d’unité ;
- en 2012, sous la pression d’Angela Merkel, la politique d’austérité est mise en place et pour tenter d’enrayer la crise des dettes publiques, l’UE, la BCE et le FMI mettent en place des systèmes de prêts moyennant l’adoption de politiques d’austérité, paupérisant de larges fractions des populations.

Il n’y a donc pas de contrat social entre les citoyens européens, peut-on parler alors de “citoyen européen” ?

Le moi-citoyen et l’autre citoyen, pour un nouveau contrat social

S’il y a lieu de parler de réflexivité de soi à soi, il faut une médiation par une altérité interne. Cette réflexivité impose de se rendre compte à soi-même de ce qu’on est et de ce qu’on fait, sans pouvoir supposer de donné ou d’acquis, ou de moins en moins.
C’est toute la difficulté de la subjectivité libertaire dans le monde post-moderne. C’est pourquoi l’espace de dialogue et de débat public doit être plus ouvert et plus transparent dans l’Union européenne.
La subjectivité libertaire est plus difficile à assumer à la fois pour les personnes et pour les institutions.

Des milliers d’associations se créent, les initiatives citoyennes se multiplient, elles sont très diverses dans leurs revendications, en particulier chez les “gilets jaunes” qui sont des formes inhabituelles d’organisations.

Au lieu de tout baser sur les marchés et la concurrence, la mise en place d’une Stratégie européenne du Développement Durable (SDD) pourrait donner un cadre nouveau et sortir des cercles vicieux actuels que sont la désinflation compétitive entre les Etats et leurs conséquences telles que le chômage et les déséquilbres budgétaites des Etats. Mais la SDD devrait disposer d’un budget propre, elle devrait donc tenter de coordonner les actions prévues par les différentes politiques, ce qui est une mission impossible dans le cadre budgétaire actuel et avec une Commission composée de 28 commissaires.
Au lieu de rechercher l’uniformisation, la délibération politique devrait porter sur les “biens publics” européens en vertu des principes bien compris, mais mal appliqués, de proportionnalité et de subsidiarité. L’UE devra se donner les moyens de produire et de financer ces “biens publics”.

Les “biens publics” de l’UE comprennent : la stabilité macro-économique, le plein emploi, la cohésion sociale (nationale et territoriale), la transmission de la connaissance (éducation, formation tout au long de la vie et recherche) et son progrès, l’indépendance énergétique, la santé, un environnement sain et respectueux de la biodiversité, la défense des libertés d’expression et de mouvement.
Les “biens publics” européens seront garants de la paix, ils sont indispensables pour garantir la prospérité des nations, la justice sociale au sein et entre les nations. Ils ne pourront être développés que par l’alliance et la coopération et non pas par la compétition entre Etats-nations de la zone Euro.

Cette prise de conscience doit rapidement produire un horizon politique, refonder notre démocratie, conduire au réveil citoyen en fonction des principes suivants inspirés par le dernier ouvrage de Raphaël Glucksmann “ Les enfants du vide” :
1- le citoyen n’est pas seulement un électeur, mais un acteur du gouvernement de la cité. Pour éviter de dégénérer en aristocratie ou en monarchie élective, la démocratie doit devenir participative et le peuple reprendre le contrôle des institutions, aussi bien au niveau national qu’au niveau européen ;
2- les citoyens doivent avoir les moyens de participer directement au gouvernement de la cité. Chaque Etat doit s’assurer que chacun des citoyens ait les ressources suffisantes pour devenir un citoyen actif et exige qu’en retour il le devienne. Il instaure un revenu universel et un service civique universel.
3- Constatant que la démocratie (néo)libérale dérive vers l’oligarchie, la cité trace une frontière nette entre les sphères publique et privée, condition indispensable pour que la délibération collective soit réellement libre.
4- L’Etat-nation n’a pas le monopole de la légitimité démocratique. Un “pacte citoyen” redéfinit les périmètres locaux, régionaux, nationaux et européens.
5- Le nouveau contrat social de citoyenneté se matérialise par l’impôt dans la cité, un pacte fiscal accompagne et traduit le nouveau contrat social. Ce contrat social vise à la réalisation de la cohésion sociale (nationale et territoriale), à la transmission de la connaissance (éducation, formation tout au long de la vie et recherche) et son progrès, à l’indépendance énergétique, à la santé, à un environnement sain et respectueux de la biodiversité, à la défense des libertés d’expression et de mouvement.

Ce qui vaut pour le citoyen d’un Etat, vaut à priori pour un citoyen européen, et il faut bien considérer qu’on est loin du compte.


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