Dernières nouvelles de Fukushima

L’analyse des derniers documents transmis par TEPCO sur son site permet de produire le bilan suivant des dommages causés aux réacteurs 1, 2, 3 de Fukushima :

1. Les cœurs des réacteurs (les barres de combustible nucléaire avec leurs gaines) sont partiellement fondus

Si l’on se réfère au site web présentant les informations techniques données par Tepco, les cœurs des réacteurs sont déclarés "endommagés" depuis le 18 mars.
Selon ces chiffres réactualisés le 23 mai, le réacteur 1 est totalement fondu, alors qu’il ne l’est qu’à 35% pour le 2, et à 30% pour le 3.
Cf. tableau donnant l’état des 6 réacteurs : https://spreadsheets0.google.com/spreadsheet/lv?hl=en&key=tv8iBaRV72wt5QIEubtV-Gg&hl=en&f=true&gid=76

2. Les émissions nucléaires associées ont été de l’ordre de 10% du total disséminé à Tchernobyl

Le total cumulé de radioactivité émis à Fukushima atteind le niveau 7, soit 10% de ce qui a été émis à Tchernobyl."

3. Les émissions nucléaires associées rendent la vie très dangereuse aux environs de Fukushima

Des isotopes radioactifs (Iode, Césium, Plutonium, Américanium et Strontium) ont été détectés dans le sol du site de Fukushima, dans l’eau souterraine et dans l’eau de la mer à 15-20 km de la centrale à 15-20m de profondeur (à un niveau de radiation de 100 à 1000 fois celui de la normale)

●Dangers pour la vie

Des déchets radioactifs sont présents dans le lait, les produits de l’agriculture et de la pêche. D’où l’ordre de limiter l’expédition et la consommation de ces produits.

De l’iode radioactif a été détecté dans l’eau du robinet à un niveau supérieur au taux admissible. D’où des restrictions de consommation d’eau.

Du césium radioactif a été détecté dans des boues à 50 km de la centrale.

4. De plus, les cuves des réacteurs fuient de partout et l’eau radioactive inonde les terres japonaises

Les cuves des trois réacteurs sont percées - soit par des trous créés par le coeur en fusion avant qu’il ne refroidisse, soit par des fissures dans les soudures et joints. D’où des fuites massives dans le sol de l’eau qui est injectée en permanence dans les cuves afin de refroidir les métaux radioactifs qui continuent à chauffer du fait des fissions qui se poursuivent.

Or cette eau radioactive ressort dans le sous-sol par ces trous ou fissures dont l’ampleur demeure inconnue.

5. Mais cela ne semblerait plus évoluer de manière dangereuse

Car paradoxe : La chute du corium (les barres et leurs gaines fondues) au fond des cuves a aussi paradoxalement contribué à son refroidissement : l’eau ne montait pas assez haut dans les cuves pour rejoindre la place normale du combustible, mais la chute du corium l’a plongé dans l’eau du fond... et il s’y est refroidi grâce à son renouvellement permanent par les injections d’eau de mer, puis d’eau douce.

Mais il y a toujours de grosses fuites dans les cuves, d’où le besoin d’arroser en permanence à grands jets, ce qui accentuent le lessivage du corium radioactif et donc la transmission de tonnes d’eau radioactive dans le sous-sol japonais !

Ces circonstances expliquent pourquoi si l’accident a provoqué l’émission massive de gaz et de particules radioactives (tellures, iode et césium) à la mi-mars, il n’y a pas eu de sortie significative des matières nucléaires principales (uranium, plutonium, actinides mineurs [isotopes radioactifs produits dans les réactions de fission]) malgré le lessivage permanent des coriums par l’eau injectée.

6. Conclusion : La centrale Fukushima va rester un vaste chantier pour au moins 20 ans

La centrale est un « chantier » depuis que le site a été dévasté par le séisme et le tsunami du 11 mars dernier, puis par un accident nucléaire maximal - fusion de trois cœurs de réacteurs, explosions d’hydrogène détruisant des structures en métal et béton - provoquant une émission massive de radioactivité entre le 14 et le 17 mars.

C’est toujours un vaste chantier car depuis l’accident la lutte continue pour empêcher de nouvelles émissions massives de matières radioactive , notamment par la pulvérisation de résine au sol afin de fixer les particules radioactives.

Il s’agit d’installer des dispositifs permettant de refroidir dans le long terme les coeurs par une circulation d’eau en boucle fermée.

Mais le plan initial, fondé sur la possibilité de remplir les cuves et les enceintes, est mis en échec par les fuites. Le nouveau plan consiste à pomper l’eau qui sort des réacteurs, la faire passer par un dispositif de décontamination fourni par Areva, puis à la réinjecter dans les réacteurs.

Or, les limites de doses autorisées par le gouvernement - jusqu’à 250 millisieverts - sont limitées, car réservées à une situation d’urgence. Il est probable que cette autorisation ne sera pas prolongée, alors que l’on compte déjà 30 travailleurs ayant subi une dose de plus de 100 millisieverts. Pour diminuer les doses subies par les équipes, il faudrait décontaminer le site, récupérer les débris les plus irradiés et les stocker dans un espace confiné.

L’horizon de ce chantier, c’est « 20 ans » minimum, pour le démantèlement complet des réacteurs, le découpage des cuves et la récupération du corium.

De plus, il n’est pas impossible que le Japon décide de mettre fin à l’usage du nucléaire pour ses besoins électriques comme vient de le proposer le parti d’opposition, le parti social-démocrate.

Enfin, le gouvernement japonais vient de nommer une commission d’enquête indépendante, afin de tirer au clair toutes les circonstances de l’accident, dirigée par Yotaro Hatamura, Professeur émérite à l’Université de Tokyo. Elle doit rendre son rapport à la fin de l’année.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, j’ai joint le document détaillé comprenant une synthèse de l’article de Libé de Sylvestre Huet et des informations en anglais du site de Tepco.

Source : CNRS - MSH Paris Nord