La solitude de la vedette dans le métro

Naguère un « collègue » de M. Depardieu, chanteur de rock ibère célèbre en son pays, racontait au quotidien « El Pais » comment il s’était installé pendant une semaine dans les couloirs du métro de Madrid pour y pousser la chansonnette (rythmée) incognito.

Amusante expérience, qui ne lui avait rapporté qu’une poignée d’euros, confiait-il benoîtement. Car aucun madrilène ne l’avait reconnu. Son grand talent n’avait pas effacé le bruit des rames du métro. et très peu de passants avaient mis la main à la poche…
Le ton de l’article et les mots de l’artiste disaient assez l’ignorance et l’ingratitude de la plèbe.

Pourtant cette anecdote porte une autre leçon. Elle remet à sa juste place l’artiste, l’homme, si talentueux et si génial soit-il, lorsqu’il est privé du dispositif social qui l’a porté, qui l’a construit, qui lui a permis d’accumuler richesse et gloire. Elle nous rappelle que lorsque ces gens nous disent « tout ce que j’ai, je l’ai gagné », il font abstraction de la société qui a rendu possible cette ascension, de tous ceux qui ont participé à cette notoriété et n’en ont tiré pour certains qu’un modeste moyen de survie.

Pas d’artiste célèbre, mais pas non plus de capitaine d’industrie brillant sans infrastructures et sans "petites mains". Sans théâtres, sans cinémas, sans rues, sans chemins de fer, sans aéroports, sans télévision sans électricité, sans électricien, sans mécanicien, sans réseau internet et sans informaticien. Sans publicité, sans colleur d’affiches. Sans les efforts de toute une société, au fond.
Et quid des efforts publics qui soutiennent le cinéma français ?

Alors, lorsqu’on commente la fuite de l’acteur, doit-on parler de comportements « minables », ou plus simplement d’aveuglement, de bêtise, ou d’une incommensurable mauvaise foi ?

Privé de la société qui en a fait une vedette, le talentueux redevient le ménestrel qu’il était jadis, et redécouvre la nécessité de gagner sa vie jour après jour, sa vielle et son baluchon sur le dos. Voilà ce "qu’il gagne" lorsqu’il est réduit à son seul talent.

La Belgique n’est plus terre promise.