radio 160426 Quelques éléments d’analyse sur le CETA

radio 160426, 26 avril 2016

Quelques éléments d’analyse sur le CETA

Les traités de libre-échange lient entre eux les sujets les plus divers, des services publics à l’environnement en passant par le droit du travail et la vente de soutiens-gorge : l’annexe 5-A (page 680) du traité euro-canadien indique que le Canada pourra exporter vers l’UE 297 000 kg de soutiens-gorge, jarretières et articles similaires. En sens inverse l’UE ne pourra en exporter vers le Canada que 26 000 kg (page 688). Ce lien entre les sujets empêche de casser l’un des sujets sans annuler la totalité de l’accord, une fois ratifié.

Le traité euro-canadien comporte des dispositions interdisant aux collectivités publiques de privilégier l’approvisionnement local dans leurs appels d’offres.

Le traité prévoit d’intégrer une disposition de « protection des investissements » définie par un faisceau d’indices multiples parmi lesquels le fait que les mesures ont un « effet sur la valeur économique de l’investissement » (point 2-a) ou qu’elles aient un impact sur les « attentes définies et raisonnables sous-tendant l’investissement » (point 2-b).

Ce point est extrêmement important et il est nouveau. Le caractère extraordinairement flou de la notion ouvre la porte aux interprétations favorables aux entreprises, et suspendra une épée de Damoclès sur toute décision publique : comment la puissance publique pourrait-elle effectivement garantir l’intangibilité des lois et des règlements applicables aux acteurs économiques privés ? De plus, seront attaquables les mesures « manifestement excessives », y compris celles prises « dans un but légitime de protection du bien-être public, par exemple en matière de santé, de sécurité et d’environnement » (Annexe 8-A point 3).

Les conseils régionaux et municipaux ne pourront plus exiger un approvisionnement local dans les appels d’offres. Par exemple pour les appels d’offre à partir d’environ 250 000 euros, elles devront ouvrir leur appel d’offre aux entreprises canadiennes et européennes : chapitre 19 Marchés publics – annexe EU Final Offer to Canada – annexe 2.

Annexe 20-A Partie A : le traité euro-canadien abandonne la plupart indication d’origine : 31 dénominations françaises, soit 24 appellations d’origine protégée sur 99 et 7 indications géographiques protégées sur plus d’une centaine sont reconnues dans le traité euro-canadien. En Belgique, aucune des trois AOP ou des onze IGP n’est reconnue. En Espagne, 19 AOP sur 105 sont reconnues, ainsi que 4 IGP sur un peu moins d’une centaine.

Cela signifie que n’importe quelle producteur canadien ou europunien de produits laitiers pourra par exemple vendre au Canada du beurre quelconque sous le nom de « beurre d’Isigny » ou n’importe quel fromage sous le nom de « bleu des Causses », dénominations exclues des dénominations retenues par le traité.

En outre, les expressions Munster français, Gorgonzola, Fontina, Asiago italiens, Feta grecque, Jambon de Bayonne, Beaufort, et Nürnberger Bratwürste (saucisses à griller de Nuremberg) seront toujours utilisables par les entreprises qui les utilisaient depuis cinq ans au moins, et encore utilisables pendant cinq ans seulement par les entreprises qui les utilisaient depuis moins de cinq ans.

Article 28.7- 4 : le traité euro-canadien reconnaît les avantages fiscaux donnés par un paradis fiscal membre de l’Union européenne ou canadien. Ainsi le Luxembourg (entre autres paradis fiscaux) n’a rien à craindre du traité et pourra continuer à accorder secrètement d’extraordinaires avantages fiscaux aux grandes multinationales comme révélé récemment.

La mixité du traité qui permettrait le passage devant les députés français
Le gouvernement clame partout qu’il lutte lui aussi pour la mixité c’est pour deux raisons essentiellement :

Il pense qu’il l’obtiendra
Cela ne coûtera pas trop cher à la Commission pour la simple raison qu’elle obtiendra l’application provisoire en contrepartie.
Politiquement, lorsqu’il obtiendra la mixité, le gouvernement se gargarisera sur le thème « vous voyez quels beaux démocrates nous faisons », ce qui s’inscrit dans sa campagne actuelle visant à prendre partout la parole pour affirmer qu’il défend les « lignes rouges » et les « intérêts fondamentaux » du pays comme il le fait régulièrement sur France Inter.

Quels sont les enjeux ?

La mixité pose la question des limites entre les compétences UE et les compétences nationales.

Or le niveau national est relativement démocratique tandis que le niveau européen est clairement perçu comme anti-démocratique et la bataille sur la mixité peut redonner du pouvoir aux peuples nationaux contre les traités par le biais de leurs députés nationaux.

Mais, nous vous invitons à rester lucide car, dans le cas d’une application provisoire, l’accord s’appliquerait au moins pour les aspects regardant les compétences de l’UE et dans quelques années, lorsqu’un prochain gouvernement consentirait enfin à mettre l’accord à l’ordre du jour du Parlement français, un 18 juillet, 23 décembre ou 4 septembre à 4 heures du matin lorsque les députés sont en vacances. Il lui sera alors simple de présenter cela comme une simple formalité concernant un accord déjà en application.

Néanmoins, la déconfiture actuelle de l’UE est telle qu’il devrait être assez facile de gagner par le biais national, dans chacun des pays. Et comme nous ne sommes plus en 2005-2008, où les citoyens se sont laissés dépouiller de leur souveraineté en France et aux Pays-Bas, vous vous rappelez qu’on a voté contre le TCE et que Sarkozy l’a fait passer en force sans nouvelle consultation du peuple, un refus de ratification national d’un grand traité serait quasiment impossible à contourner.

En conclusion, nous sommes favorables à un combat qui oblige la CE a obtenir l’accord de nos députés sur les traités et à férailler pour déplacer la limite des compétences du côté national, mais nous ne sommes pas dupes du tour de passe passe du gouvernement qu’on vérifie par ailleurs.

Petite revue de presse TAFTA

Nous assistons à une offensive générale de communication du gouvernement et de la Commission. Ces deux là ont un numéro de duettistes, un qui épluche les oignons et l’autre qui pleure — la Commission nous dit que la libéralisation est bonne pour tout : la croissance, l’emploi, les PME, la développement ; le gouvernement que jamais, au grand jamais, il ne sera question que la France accepte le franchissement des lignes rouges qui sont explosées dans le CETA mais cela ne semble pas troubler le ministre ni le gouvernement et on ne parle de rien en attendant sa artification à l’automne alors qu’il sera le chausse pied qui permettra de faire passer le TAFTA.

Cette stratégie de communication doit être prise pour ce qu’elle est : il s’agit pour le gouvernement de débarrasser de cette question politiquement encombrante en endormant le plus possible les Français dans l’optique qu’au moment de voter pour François Hollande, ils se souviennent de la petite musique lénifiante, même si la réalité est toute autre. Pour ces gens-là, faire de la politique ne consiste pas à agir selon des convictions et un mandat mais de créer les conditions de leur propre perpétuation.

Dans les faits, où en est-on ?

le 13e cycle des négociations sur le Tafta s’ouvre aujourd’hui à New York City. Lire cette note de cadrage pour un rappel des enjeux. L’Express et la Croix font également le point respectivement par ici et par là.
Obama était en tournée en Europe, la semaine dernière, et notamment à Londres puis à Hanovre afin de pousser pour un accord d’ici la fin de l’année. Lire cet article ou celui-ci à cet effet. Ce rendez-vous diplomatique a été l’occasion pour les Allemands de réaffirmer leur opposition dans la rue, avec pas moins de 16 000 personnes : lire cet article du Figaro.
Fekl secrétaire en charge de la signature des traités par la France n’est pas content et, en marge de la rencontre Obama-Merkel, s’invite à France Inter pour se de donner des allures de sauveur de la Démocratie et de l’intérêt du peuple français… Pour cela, il a refusé l’intervention d’un représentant du Collectif Stop TAFTA, et a demandé que l’on invite à la place un économiste pro-TAFTA de Science Po pour mieux faire passer sa manœuvre de communication « anti-TAFTA ». Vous apprécierez l’analyse contradictoire proposée par France Inter…. Jadot reprend notre argumentaire pour décrypter le « double discours » du gouvernement sur le Tafta (article médiapart, aussi en PJ)

Les bonnes nouvelles

un enlisement certain des négociations, alors Malström continue de déclarer qu’il est possible de terminer les négociations avant la fin de l’année. Le gouvernement français, plus seulement Fekl, mais également Hollande et son Premier Ministre, nous re-jouent de la musique anti-TAFTA, pour en gros rappeler à l’UE et aux USA que les intérêts offensifs et défensifs de la France ne sont nullement garantis dans cet accord en l’état actuelle des choses. Lire cet article de Médiapart (ou en PJ) qui récapitule bien les tensions politiques actuelles en amont du 13e round.
Des maires européens se sont rassemblés à Barcelone pour hausser le ton contre les accords transatlantiques et le TiSA : article de Mediapart (ou en PJ). Grenoble propose d’accueillir la prochaine session.
Le Collectif Stop TAFTA s’est invité au MEDEF mardi dernier lors d’un séminaire TAFTA, retour en vidéo sur cet article de l’Obs.
Ainsi, on voit mal comment un projet d’accord « réciproque » pourrait être signé avant la fin de l’année, vu les divergences actuelles. Le 14e cycle des négociations aura lieu à Bruxelles la semaine du 11 juillet. On est face à trois hypothèses :

les politiques de l’UE s’accordent entre-eux puis avec les USA pour la signature d’un accord cadre et remettre à plus tard les discussions sur tel ou tel chapitre en dehors du circuit politique usuel dans des instances encore plus opaques…
Paris estime à l’issue des 13e et 14e cycles que l’accord n’est toujours pas suffisamment « ambitieux » pour les intérêts de ses grands groupes, et quitte les négociations, Hollande en fait son cheval de bataille pour redorer son blason…
Le dossier est reporté après les élections USA, mais pourquoi pas également à la suite des élections FR et législatives allemandes avec la signature d’un « accord cadre »)

Prêts toxiques

Nous vous invitons à une conférence de presse qui se tiendra à 20h à la salle de conférence située au-dessus de la maison du tourisme, 14 rue de la République à Grenoble, tramway lignes A et B, arrêt maison du tourisme avec Patrick Saurin qui fera part de son expérience dans la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce et nous informera sur l’actualité des actions citoyennes en France face aux prêts toxiques accordés aux collectivités locales.

Depuis sa création en 2011 à Grenoble, le collectif pour un audit citoyen de la dette publique-Isère (CAC38) s’est résolument engagé contre TINA (there is no alternative).
Il n’y a en effet pas de fatalité à l’austérité budgétaire et à son cortège d’effets délétères, sous prétexte de remboursement de dettes à l’évidence illégitimes.
Il est nécessaire désormais de passer de la posture de description/dénonciation à la phase d’action et d’insubordination.
C’est en soutien aux actes de résistance aux politiques d’austérité que le CAC38 organise la soirée du 28/4/2016 à 20h à la Maison du Tourisme à Grenoble.

Le CAC38 rendra compte de son action en direction de la Métropole et des collectivités locales impactées par ces emprunts toxiques.

Le comité de soutien d’Antoine Deltour donnera les dernières nouvelles du procès de ce lanceur d’alerte au Luxembourg.
Persuadés que cet engagement à lutter contre les méfaits de la finance rejoint vos préoccupations et vos combats, nous comptons sur votre soutien actif pour le succès de cette soirée où nous espérons vous retrouver nombreux.