A propos de la déclaration du Royaume de Belgique

Elle est incluse dans le document de positionnement du Conseil Européen mais n’a pas de valeur contraignante : outre que ce document n’est pas signé par le Canada, ce n’est, pour le futur, que le positionnement de la Belgique signifié aux autres États membres. Cette déclaration n’en est pas moins importante pour la suite car elle est par contre politiquement contraignante pour l’État fédéral belge. Et son contenu n’est pas le moinddre des acquis de la résistance wallonne.

D’abord, « la Belgique demandera un avis à la Cour Europée nne de Justice concernant la compatibilité de l’ICS avec les traités européens, notamment à la lumière de l’Avis 1/94 ». C’est donc une épée de Damoclès placée sur tout le processus car dans l’hypothèse d’un avis défavorable, l’UE devrait reprendre les négociations afin de modifier les dispositions incompatibles, mettre fin à l’accord ou modifier les traités européens. Épée de Damoclès en plume ou en plomb ? Cette saisine sera selon toute probabilité recevable, la référence à l’Avis 1/94 n’étant pas neutre. Cet avis indique que la CJUE peut effectivement être saisie « à tout moment, avant que le consent ement de la Communauté à être liée par l’accord soit définitivement exprimé ». L’avis 3/94 va dans le même sens. Positionnement assez logique puis qu’après signature, il n’y aurait alors plus moyen d’empêcher le traité d’entrer en vigueur. < /span>Or CETA a certes été signé mais il n’est pas définitivement ratifié, il ne sera mis qu’en application provisoire (si le Parlement européen le ratifie dans un premier temps) et le texte du traité prévoit son interrupti on. Ceci ne préjuge cependant en rien que l’arrêt sur le fond que rendrait la CJUE nous serait favorable.< /span>

Ensuite la Belgique ne ratifiera pas le traité avec l’ICS, tout du moins si toutes les majorités de quatre de ses parlements sub-fédéraux ne sont pas renversées : « Sauf décision contraire de leurs Parlements respectifs, la Région wallonne, la Communauté française, la Communauté germanophone, la Commission communau taire francophone et la Région de Bruxelles-Capitale n’entendent pas ratifier le CETA sur la base du système de règlement des différends entre investisseurs et Parties, prévu au chapitre 8 du CETA, tel qu’il existe au jour de la signature du CETA ». Il faut noter que la formulation laisse la porte ouverte à une évolution de l’ICS en lieu de son éviction pure et simple et dans ce cas ne dit rien sur le gap entre l’état actuel de l’ICS et le souhaité. Or la déclaration de positionnement du Conseil européen, postérieure de quelques heures, envisage déjà une évolution. Ce qui ne veut pas dire que la Belgique s’en contenterait.

Une évaluation négative des effets socio-économiques et environnement peut amener la Belgique à ne pas ratifier le CETA : « Les autorités concernées procéderont, chacune pour ce qui les concerne, à intervalles réguliers à une évaluation des effets socio-économiques et environnementaux de l’application provisoire du CETA. Au cas où l’une des entités fédérées informerait l’État fédéral de sa décision définitive et permanente de ne pas ratifier le CETA, l’État fédéral notifiera au Conseil au plus tard dans un délai d’un an à compter de la notification par ladite entité de l’impossibilité définitive et permanente pour la Belgique de ratifier le CETA. Les dispositions nécessaires seront prises conformément aux procédures de l’UE ». Il est ici important de noter que cette menace ne vaut que pendant la durée de l’application provisoire.

La coopération réglementaire. La portée de l’article relatif à la coopération réglementaire prête à discussion et à l’exament apparait très faible. Le problème de fond posé par la coopération réglementaire est l’institution d’un organe de convergence réglementaire constitué de hauts fonctionnaires nommés par le Canada et l’Union européenne (article 21.6.3 du texte du traité), appelé « Forum de coopération réglementaire » dans le texte du traité et « Comité joint » dans la déclaration du Royaume, et don c de son contrôle (quant on voit ce que donne ce type d’architecture de gouvernance dans le cadre de l’Union européenne, la Commission étant de façon assez similaire nommée par les Etats membres, il y a de quoi à n’être pas vraiment rassuré). Dans le texte du traité, le FCR est de fait maître de son agenda (article 21.6.4). La déclaration du Royaume affirme que « La déclaration du Conseil et des États membres traitant des décisions du Comité conjoint du CETA en matière de coopération réglementaire pour des compétences relevant des États membres confirme que ces décisions devront être prises de commun accord par le Conseil et ses Etats membres » mais on n’en retrouve pas trace da ns le document de positionnement du Conseil européen (s’il s’agit du même document) ; de toute façon tant que le Canada ne s’engage pas dans ce sens, cela n’a aucune portée pratique. Or, la déclation interprétative appelée dorénavant « instrument interprétatif » ne dit justement rien là-dessus. La déclaration du Royaume pousuit : « Dans ce contexte, les gouvernements des entités fédérées indiquent que, pour les matières relevant de leurs compétences exclusives ou partielles au sein du système constitutionnel belge, elles entendent soumettre toute coopération en mat ière de réglementation à l’accord préalable de leur Parlement, et informer de toute décision réglementaire qui en découlerait ». Certes, mais cela n’engage apparemment que les gouvernements sub-fédéraux et non le gouvernement fédéral et de toute façon on peut douter que la Belgique arriverait à faire valoir sa voix en la matière. En tant que telle la coopération réglementaire est un des grands points faibles de l’épisode wallon. En réalité, les effets de la coopération réglementaire sont, potentiellement, plus couverts par l’article sur l’évaluation des effets socio-économiques et environnementaux, de façon indirecte donc et avec la limitation de temps de l’application provisoire.

La déclaration du Royaume de Belgique porte trois autres articles mais deux de ceux-ci n’ont qu’une portée limitée à la Belgique sans aucune menace pour le processus (activation de la clause de sauvegarde en matière agricole si déséquilibre du marché avéré et IGP), le troisième1 est un veux pieux de la Belgique sur les OGM et le principe de précaution.

Jean Michel Coulomb, 3/11/2016

1« La Belgique réaffirme que le CETA n’affectera pas la législation de l’Union européenne concernant l’autorisation, la mise sur le marché, la croissance et l’étiquetage des OGM et des produits obtenus par les nouvelles technologies de reproduction, et en particulier la possibilité des États membres de restreindre ou d’interdire la culture d’OGM sur leur territoire. En outre, la Belgique réaffirme que le CETA n’empêchera pas de garantir l’application du principe de précaution dans l’Union européenne tel que défini dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, en particulier, le principe de précaution énoncé à l’article 191 et pris en compte à l’article 168, paragraphe 1, et à l’article 169, paragraphes 1 et 2, du TFUE ».