Olivier Besancenot à Jean-Luc Mélenchon : « Il faut qu’on unisse nos forces pour battre le gouvernement »

Olivier Besancenot, membre du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), appelle l’ensemble des syndicats et organisations politiques opposés à la loi travail à se réunir dans un cadre unitaire pour mener la bataille contre le gouvernement. Rencontré au point fixe du NPA à Paris pendant la manifestation du 12 septembre (la première de la rentrée), il a répondu à nos questions.

En qualifiant de « fainéants, de cyniques et d’extrêmes » les opposants à la loi travail, Emmanuel Macron n’a-t-il pas involontairement renforcé la mobilisation contre la Loi travail, qui a commencé le 12 septembre ?

Olivier Besancenot – C’est toujours difficile d’analyser ce qui relève du domaine du calcul ou du dérapage. Peut-être voulait-il faire monter la sauce pour ensuite nous expliquer que cette manifestation ne représente pas grand-chose – alors que ce n’est qu’une première étape. Ou peut-être est-ce la démonstration qu’il vit dans une bulle. Cela traduit en tout cas le mépris de classe qu’il a toujours eu. Ce n’est pas la première fois. Des illettrés de Gad aux fainéants en passant par les gens qui ne sont rien, il y a un fil conducteur.

Pensez-vous que cela traduit aussi un excès de confiance dans son rapport de force face à la rue ?

Peut-être s’agit-il d’une bulle spéculative, mais elle n’explosera pas toute seule. Ce qui paraissait très fort la veille peut s’effondrer politiquement au sein même de sa majorité, mais ça ne se fera pas sans à-coups. C’est ce qu’il faut organiser à partir d’aujourd’hui.

La France Insoumise a appelé à manifester contre la Loi travail le 23 septembre, en précisant que cet appel était ouvert à tous. Vous joindrez-vous à lui ?  

Il faut voir si la France Insoumise (LFI) et Jean-Luc Mélenchon en font une initiative unitaire, ce qui n’est toujours pas le cas. Dire que tout le monde peut venir avec son drapeau ne correspond à l’idée de cadre unitaire que nous nous faisons. Je fais une proposition toute simple, c’est que toutes les organisations politiques et syndicales qui sont contre la Loi travail – au niveau politique cela irait de Benoît Hamon au PCF en passant par LFI, LO et d’autres – se voient au plus vite pour discuter de la stratégie des mobilisations. C’est LFI qui a mis cette date du 23 septembre dans le décor, c’est donc à eux de répondre à cette question. Sont-ils prêts à co-organiser ou même à organiser une réunion unitaire pour débattre de la manière dont chacun participe ?
C’est un exercice élémentaire : chacun dans son coin, dans l’émiettement, on n’arrivera qu’à des calculs à court terme. Il faut qu’on unisse nos forces pour battre le gouvernement. La Loi travail en tant que telle représente une modification profonde du droit du travail, mais à travers elle c’est la mise en confiance du gouvernement pour le restant du quinquennat qui est en jeu. La situation sociale et politique ne sera pas tout à fait la même s’ils réussissent à faire passer la réforme ou s’ils échouent. Pas besoins d’avoir fait l’ENA pour le comprendre.

Que Benoît Hamon rejoigne Jean-Luc Mélenchon dans le défilé du 23, est-ce une bonne nouvelle à vos yeux ? N’assiste-t-on pas à un réalignement des gauches sur un axe anti-libéral ?

Il faut procéder par étape. La première question est de savoir si oui ou non on arrive à battre le gouvernement. C’est ce qui nous intéresse le plus, sachant que la dernière fois, après des mois de lutte, on n’a pas gagné. Il faut établir un rapport de force plus puissant. La question des grèves et des occupations se pose. Mais ce n’est pas à nous de les décréter.

Emmanuel Macron vous semble-t-il plus fragile que ses prédécesseurs ?

La question de la légitimité démocratique est directement posée. Les premiers à savoir que Macron souffre d’un manque de légitimité démocratique, c’est le gouvernement. Si l’on additionne ceux qui ne sont pas allés voter, ceux qui ont voté blanc ou nul, et ceux qui ont voté Macron à contrecœur au deuxième tour de la présidentielle, cela fait beaucoup plus que les gens qui ont voté Macron par conviction [le score de 43% d’électeurs inscrits réalisé par Emmanuel Macron n’en fait cependant pas un président particulièrement mal élu sous la Ve République, ndlr]. D’où les ordonnances, qui permettent de passer en force, sans discussion. Ils savent qu’à travers la moindre mesure sociale, la question de sa légitimité peut surgir. Cela signifie que la moindre crise sociale peut se transformer en crise politique.

L’opposition parlementaire des députés LFI et communistes peut-elle avoir un rôle important dans la bataille à mener ?

Les députés relaient des luttes, au-delà même de celle contre la Loi travail, peuvent être des points d’appui. Mais nous avons une divergence avec LFI sur ce point : nous ne pensons pas que ce sera le socle principal de l’opposition à construire. J’espère que chacun croit à ce qu’il raconte. Et si l’Assemblée est telle qu’on la décrit, c’est évident que le rapport de force est extra-parlementaire.

On commémore les 100 ans de la révolution russe, qui est le sujet de votre dernier livre*. Ce mythe du mouvement révolutionnaire international est-il encore une source d’inspiration pour vous ?

Oui, plus que jamais. La révolution russe est une expérience sur laquelle il faut se pencher de nouveau. C’était une expérience autogestionnaire inégalée dans l’histoire de l’humanité, dans le temps et dans l’espace. Elle prouve à quel point les germes de la bureaucratisation naissent très vite dans tout processus d’émancipation, et pas simplement par le haut. Cela pose des questions à tous les courants qui se réclament de la transformation sociale.