Lire Pascal Boniface sur la stratégie israélienne

Lire Pascal Boniface
Dominique Vidal, 7 janv. 2018

Nombre d’intellectuels français ont fait, depuis une vingtaine d’années, les frais du chantage à l’antisémitisme. Mais aucun sans doute n’en a été victime aussi longtemps et aussi violemment que Pascal Boniface. D’où l’intérêt de son témoignage, sobrement intitulé "Antisémite".

Par les temps qui courent, défendre la politique israélienne n’a rien d’aisé. Plus Benyamin Netnyahou et ses alliés-rivaux, Naftali Bennett et Avigdor Lieberman notamment, se radicalisent, et plus ils s’isolent au plan international. Pour justifier la colonisation galopante, les projets d’annexion, la répression contre les Palestiniens, le blocus de Gaza, il faut des trésors de mauvaise foi.
C’est pourquoi les propagandistes – ceux de Tel-Aviv comme leurs relais à Paris – recourent plus que jamais au chantage à l’antisémitisme. Le raisonnement est simple : à défaut d’arguments favorables à l’action des dirigeants israéliens, on tente de délégitimer quiconque les critique. Toute mise en cause de la politique d’Israël est présentée comme antijuive. Et, a fortiori, tout antisioniste se voit traiter d’antisémite.
Nombre d’intellectuels français ont fait, depuis une vingtaine d’années, les frais de ce terrorisme. Mais aucun sans doute n’en a été victime aussi longtemps et aussi violemment que Pascal Boniface, depuis qu’il eut en 2001 le malheur de rédiger une note destinée à la direction du Parti socialiste, dont il était alors membre, pour critiquer la timidité de celui-ci sur le Proche-Orient.
Et pourtant, comme il l’écrit, dans une vie de recherche, « pas une ligne, pas un mot, pas une phrase ne peuvent pourtant permettre de corroborer l’accusation d’antisémitisme. Aucune plainte pour ce motif devant aucun tribunal, alors que la législation française est certainement la plus sévère au monde ».
D’où l’intérêt de son dernier livre, sobrement intitulé Antisémite* : c’est un témoignage vivant, dont chaque élément est daté et sourcé, sur les pressions, diffamations, insultes et manœuvres en tous genres auxquelles une poignée d’inconditionnels d’Israël se sont livré afin de le priver de tous ses moyens d’expression. Avec succès, malheureusement, s’agissant des chroniques qu’il assurait dans des journaux régionaux et qui lui ont été retirées sous la pression. Sans succès, heureusement, s’agissant de la direction de l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS), dont tout a pourtant été tenté pour l’évincer.
La victoire, car c’en est une, de Pascal Boniface se teinte néanmoins d’amertume. Car, à défaut de le faire taire, ses accusateurs ont réussi à éloigner de lui nombre de ses amis juifs. Certes, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) n’encarte qu’une minorité de Juifs de France. Mais cette minorité sert d’otage au gouvernement le plus nationaliste de l’histoire d’Israël, via les dirigeants communautaires français et leurs « intellectuels organiques ».
La palme revient, comme souvent, à Manuel Valls : lui qui, en 2002, avait apporté son appui à Pascal Boniface, s’efforce encore et toujours d’obtenir que les autorités cessent toute subvention à l’IRIS. C’est sans doute pourquoi l’ancien Premier ministre se trouvait hier aux Folies Bergères : « Être Charlie, tweetait-il, c’est accepter le débat, la critique, l’esprit de contestation. »
D. V.
* Max Milo éditeur, Paris, 18 euros.