Le Dire et le Faire. Régis Debray

Ce texte de Régis Debray est également publié dans la collection "Tracts" de Gallimard, qui fait paraître chaque jour des textes brefs et inédits, pour "trouver les mots justes" en temps de crise.

Me faisant part de l’angoisse montante de ses patients, notamment les plus âgés, un ami médecin me dit : « L’inflation de la communication, c’est peut-être un progrès, mais cela perturbe les certitudes. » On ne peut mieux résumer l’impression que donne ce tourbillon de propos plus ou moins autorisés qui fait perdre la tête, et le sens des choses. C’est l’inconvénient du numérique, et sans doute un progrès de la démocratie que chacun puisse donner son opinion sur tout, et de préférence sur ce qu’il ne connaît pas. La parole prolifère en même temps que le virus. Elle ne touche que l’esprit, c’est beaucoup moins grave. Avec un bémol : la sournoise montée d’un certain nihilisme, dont je ne suis pas sûr, comme l’ami Finkielkraut, qu’il soit vaincu. Tout peut se dire, et son contraire, sans que rien ne différencie le fondé de l’infondé. Donc tout se vaut et rien ne vaut. Qui croire ? À qui s’en remettre ? Où est la parole d’autorité ?
Autorité et brièveté sont synonymes.

Texte en pièce jointe