Gestion de l’eau : exemples de fonctionnements en régie municipale (nov. 2006) Références aux études comparant gestion privée et gestion publique, par le gpe EAU d’ATTAC 45 (2006)

1/ Exemples de villes ayant remunicipalisé leur système de distribution d’eau et/ou d’assainissement

Neufchâteau (8 500 habitants, Vosges)

 1993 : Jacques DRAPIER, Maire PS élu en 1989, délègue la gestion de l’eau à la Compagnie de l’Eau et de l’Ozone
(CEO), filiale de Véolia eau. Il empoche un « ticket d’entrée » de 300 000 euros, investis dans la construction d’un
aménagement routier (pratique du ticket parfaitement légale à l’époque, et contrats peu contrôlés).
Mais le prix de l’eau augmente de 30% en 5 ans, et aucune explication n’est apportée (on répond seulement à M. Drapier
de passer au siège, à Metz, à 120 km de Neufchâteau !)
 2000 : réalisation d’un audit, par un consultant indépendant, ancien cadre de la Lyonnaise des Eaux. Le prix de l’eau,
facturée en moyenne 3,65 euros/m³ et jusqu’à 4 euros/m³ dans certains cas, aurait dû être de 2,90 euros/m³ (soit une
sur-facturation de 30% en moyenne).
 En 2001 : le contrat avec la CEO est résilié, une régie municipale est créée.
 En 2004 : la Régie Autonome des Eaux et de l’Assainissement de Neufchâteau (REANE) est créée, et a en charge la
production d’eau potable, sa distribution, son assainissement et la facturation.

Le prix est désormais de 3,13 euros/m³ (2,92 euros/m³ en 2004) ; la commune a engagé pour 1,5 millions d’euros de
travaux sur les bénéfices déjà réalisés (lancement de la construction d’une nouvelle station d’épuration, recherche de
prises d’eau supplémentaires, etc.) ; elle a réduit les consommations de 20% environ, du fait de la réparation des fuites.
Véolia a engagé une procédure judiciaire en 2004 : elle réclame 7,5 millions d’euros à la ville pour le manque à gagner et
la « perte d’image » occasionnée par la rupture unilatérale du contrat. M. DRAPIER est prêt à aller jusqu’au bout de la
procédure, jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme s’il le faut.

sources : Politis, n° 893 (jeudi 16 mars 2006), pp 12-13 ; Le Monde Dipomatique, mars 2005, pp 20-21

Castres (56 000 habitants, Tarn)

 1990 : Jacques LIMOUSY, Député-Maire de droite, signe un contrat de délégation avec la Lyonnaise des Eaux, pour
une durée de 30 ans. Il obtient un « ticket d’entrée » de 96 millions de francs (14,6 millions d’euros), qui lui permet de
financer un complexe patinoire/piscine.
 A partir de 1992 : augmentation de 60% des factures d’eau ; constitution d’un comité des usagers de l’eau.
 1997 : le comité porte l’affaire devant le Tribunal Administratif de Toulouse.
 25 octobre 2001 : la tribunal juge que les tarifs pratiqués à Castres sont illégaux depuis 1990 (remboursement du ticket
d’entrée sur la facture d’eau). Le Maire UMP, Pascal BUGIS, cherche d’abord à renégocier les tarifs avec la Lyonnaise
des Eaux, puis décide de résilier le contrat et créé une régie municipale.

Le passage en régie se traduit par une baisse de 10% en moyenne des factures d’eau.

Ondéo-Lyonnaise des Eaux a entamé une procédure judiciaire : elle réclame 124 millions d’euros de dommages et
intérêts (58 millions pour la rupture unilatérale du contrat et 66 millions pour le remboursement du ticket d’entrée, des
investissements réalisés, le manque à gagner, etc.). Elle a été déboutée en première instance en mai 2006 et fait appel.
Le comité des usagers de l’eau, quant à lui, demande réparation et réclame le remboursement des sommes indûment
versées par les consommateurs (1 000 euros par foyer, soit de 16 à 18 millions d’euros au total) ; certains usagers ont
déposé un double plainte : contre la ville, dont le Maire, en 1990, n’a pas dit la vérité (escroquerie sur un marché public)
et contre Ondéo, pour exercice illégal du métier de banquier.

Sources : L’Humanité, 6 avril 2004 et 2 mai 2006 ; Le Monde Diplomatique, mars 2005, pp 20-21

Contes (Alpes Maritimes)

 1995 : Un rapport d’expertise révèle des sur-facturations pour un montant total annuel de 8,5 millions de francs (1,3
millions d’euros). Création d’une association, présidée au début par un adjoint, devenu Maire depuis, Francis
TUJAGUE. Celui-ci appelle à ne payer que les 2/3 des factures d’eau. Nombreuses manifestations.
Parallèlement, la commune poursuit l’installation d’un réseau communal, et, le 1er janvier 2002, prend le contrôle de la
gestion de l’eau.
Dès 2003, le prix de l’eau chute d’un tiers.

Source : L’Humanité, 21 janvier 2006

Comparaison des prix gestion publique / gestion privée

Une étude de l’Institut Français de l’Environnement (IFEN) de mai 2001 portant sur 5 000 communes montre que la
gestion privée se traduit par un surcoût de 27% pour la distribution de l’eau et de 20% pour son assainissement, par
rapport à la gestion publique. Ce surcoût du privé peut aller jusqu’à 44% dans le cadre d’une intercommunalité.
IFEN, Données de l’environnement, n° 65
http://www.ifen.fr/publications/DE/PDF/de65.pdf

Une mission d’évaluation de l’Assemblée nationale, du 22 mai 2001, reprend les résultats de l’étude de l’IFEN (facture
privée supérieure, en moyenne, de 27% à la facture publique, et jusqu’à 44% dans le cadre d’une intercommunalité).
Le financement et la gestion de l’eau, rapport de M. Yves TAVERNIER, n° 3081, 22 mai 2001
http://assemblee-nationale.fr/11/rap-info/i3081.asp

Le rapport particulier de 1997 de la Cour des Comptes estime que « la hausse du prix est bien à mettre en relation avec
la délégation du service dans de nombreux cas examinés par les chambres régionales des comptes » et que « l’opacité,
constatée dans de nombreux cas, peut demeurer un obstacle à l’information des élus et des usagers tant que n’auront pas
été fixées des règles de présentation communes à l’ensemble de la profession ».
La gestion des services publics locaux d’eau et d’assainissement, résumé, janvier 1997
http://www.ccomptes.fr/FramePrinc/frame01.htm

Voir aussi : La gestion des services publics d’eau et d’assainissement, décembre 2003
http://www.ccomptes.fr/FramePrinc/frame01.htm

Une étude réalisée pour le compte du Conseil Général des Landes, en 1990, a montré un écart de 70% sur le coût de
l’eau entre la gestion en régie directe et la délégation à une entreprise privée.
Voir le dossier « Le prix de l’eau face à la pression de l’exploitation privée » du Conseil général des Landes
http://www.landes.org

2/ Exemples de villes ayant conservé leur régie municipale

Drap (1 200 abonnés, Alpes maritimes)

La ville de Drap est en régie publique pour l’eau et l’assainissement depuis près d’un siècle. Cette régie compte 1 200
abonnés, et distribue 350 000 m³ d’eau par an.
 En 2004, les prix sont les suivants : 0,79 euros/m³ « eau » et 0,43 euros/m³ « assainissement » (soit un coût total de 1,22
euros/m³).
 Pour la ville de Nice, située à 15 minutes en voiture seulement, et où le privé règne en maître depuis des décennies : 2,68
euros/m³ « eau » et 0,88 euros/m³ « assainissement » (soit un total de 3,56 euros/m³).

Source : L’Humanité, 21 janvier 2006

Communauté d’agglomération de l’ouest de l’étang de Berre (Bouches-du-Rhône)

La ville de Martigues crée une régie publique de l’eau en 1959. Elle lance alors une politique de grands travaux qui dure
depuis plus de 40 ans (consolidation du canal de dérivation de la Durance et construction des canalisations dans un
premier temps, usine de filtration en 1971, nouvelle usine de traitement en 1989...).
En 2001, la communauté d’agglomération de l’ouest de l’étang de Berre (CAOEB), qui regroupe les villes de Martigues,
Port-de-Bouc et St-Mitre-les-Remparts, dispose de la compétence en matière de politique de l’eau. Elle conserve une
régie publique (120 salariés) qui fonctionne avec ses propres ressources et dégage même des excédents, aussitôt
transformés en investissements.

Résultat : La CAOEB fournit une des eaux les moins chères de France : 1,60 euros/m³ alors que la moyenne nationale est
à 2,80 euros/m³. Le prix moyen de l’eau des Bouches-du-Rhône est de 3,60 euros/m³ ; il est de 3 euros/m³ à Marseille,
située à quelques km seulement de Martigues, et où règne la Société des eaux de Marseille (aujourd’hui propriété de
Véolia et de la Lyonnaise des eaux).

Source : L’Humanité, 21 janvier 2006