Rapprocher la consommation alimentaire de la production : sur le Forum social agricole du 3 avril 2004 à Chalette, par Christian Chandellier (avr. 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°24, avril-mai 2004. (local)

FORUM SOCIAL AGRICOLE du 03 avril à Châlette-sur-Loing

ATTAC 45, les Amis du Monde Diplomatique


FAUT-IL RAPPROCHER LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE DE LA PRODUCTION ?

Le succès du Forum Social Local du Gâtinais du samedi 25 octobre dernier, particulièrement pour son volet agricole, appelait une manifestation entièrement consacrée à l’agriculture et à ce qui nous était apparu comme un point clef : combler le fossé qui sépare le monde des paysans de celui des consommateurs.

C’est donc tout naturellement que nous avons articulé ce Forum Social Agricole autour, d’une part, d’une parole offerte à des paysans du Loiret, et d’autre part, autour de présentations d’initiatives allant dans le sens d’une prise en charge « citoyenne » des problèmes de distribution. ATTAC 45, à nouveau en partenariat remarquable avec les Amis du Monde Diplomatique, a d’abord écouté trois structures de production :

1) Une ferme « bio » depuis 1986, fournissant du lait, des céréales et des légumes, vendus à travers les marchés locaux, mais également à travers la vente directe sur l’exploitation et en partenariat avec une association de consommateurs. Cette association, comptant à peu près 25 membres propose, en plus de son réseau, des animations et conférences très suivies autour de la botanique, la cuisine etc.. De plus, l’entreprise propose à la vente des produits d’autres fermes bio des environs.

2) Une structure installée à Lorris essentiellement affectée aux produits laitiers « bio » depuis la fin de l’année 2000. Les produits sont distribués vers une laiterie avec un peu de vente à la ferme. Elle est frappée de plein fouet par la crise du lait bio au point de vendre celui-ci dans le circuit conventionnel. La réduction constante des marges pour un coût, tant humain que matériel, qui reste lourd, rend la position difficilement tenable.

3) Un GAEC (Groupement Agricole Exploitant en Commun) tourné vers la production intensive, incluant des vaches laitières, 150 truies, des céréales etc. Ici, les produits sont pris en charge par la grande distribution et une coopérative. Il est frappant d’entendre un agriculteur justifier ses choix par la volonté d’avoir une vie normale. Ceci en dit long sur le caractère « sacerdotal » des engagements pris vers le « bio » ou un plus grand respect de l’environnement…

Les conditions de travail semblent pour tous difficiles mais chacun se trouve confronté au problème de la vente de sa production. Si l’on ne se tourne pas vers la grande distribution comme le GAEC (« la vente est un vrai métier »), alors l’initiative locale (avec le soutien d’associations de consommateurs), voire individuelle (vente à la ferme) semble la voie à suivre. On cherche en vain une solidarité globale. Soit l’on est pris par un système qui impose les règles drastiques d’un libéralisme radical, soit l’on se débrouille tant bien que mal.

Les débats qui suivront, ainsi que la deuxième table ronde regroupant un représentant d’une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), un employé dans un restaurant collectif (collège) dont l’exposé fût riche en enseignement, et une plate-forme de vente, confirmeront à la fois l’écart profond qui sépare le consommateur du producteur ainsi qu’une esquisse de solution que nous avions entrevue : la prise en charge locale, collective, voire associative du problème.
Etonnement général sur la pression exercée sur les producteurs de toute nature : Par les prix, (« j’achète le lait « bio » le double du prix du lait conventionnel ! »), par les monopoles (« Vous devez nous fournir un mois de production gratuite, sinon… »), par l’absence de politique globale (« En France, pas de soutien direct au « bio », c’est le seul état européen dans ce cas »). Le consommateur consacre de moins en moins de moyens à sa nourriture et se précipite sur les prix les plus bas. Il veut éventuellement payer la qualité à son juste prix et ne pas être racketté sous prétexte de « produits de luxe !!! » Aucune protection n’est mise en place pour résister aux importations à bas prix (« Argentine avec ses exploitations de 20 000 ha ! ») ; c’est le monde du gâchis. On jette à tour de bras…. Là encore, le caractère vif du débat montre l’étendue des incompréhensions et des malentendus. Sans parler de l’absence totale de politique claire. Alors que faire ? ATTAC 45 et les Amis du Monde Diplomatique avaient prévu de conclure, non sans avoir entendu auparavant un élu régional Vert, par un « atelier » de rapprochement, de circuit court, qui a un eu un franc succès et qui semble parti pour aboutir à la création d’une association de « relais » entre nos paysans et les consommateurs.

AMAP, plate forme de vente locale, association de soutien, contrôle de la restauration collective (un repas sur trois en France) : il est indispensable de rompre l’isolement de nos paysans et de casser les images toutes faites. Il est temps de retirer les producteurs des mains des grands distributeurs et des grandes surfaces qui n’ont que faire des uns et des autres. Le consommateur, par ses choix tient en grande partie les clefs des orientations paysannes. Il ne sert à rien d’opposer l’agriculture « bio » à l’agriculture « chimique », dite traditionnelle, car les deux catégories sont également en situation très dégradée. Aucun agriculteur ne semble indifférent à l’environnement ou à la santé. La re-localisation de la consommation apparaît plus que jamais comme une chance à saisir.

Christian Chandellier, Attac 45