Résister au système agro-alimentaire industriel, par Jean-Pierre Masson (avril 2004) Extrait de la Lettre d’attac45 n°24, avril-mai 2004

RESISTER au SYSTEME AGRO-ALIMENTAIRE INDUSTRIEL.

Comment le « consomm’acteur » peut-il soutenir les « vrais » agriculteurs
tout en préservant sa santé grace à une alimentation saine ?

Les altermondialistes, Confédération Paysanne en tête, dénoncent depuis longtemps les aberrations du système de production alimentaire des pays industrialisés. En guise de résumé…

1.1 Les GAGNANTS du SYSTEME, qui RAFLENT la MISE :

les industriesagro-alimentaires, agro-chimiques, bio-technologiques, qui imposent leurs normes de production ;
le « grand » commerce : les chaines d’hyper-marchés ; le monde de la grande distribution dicte lui aussi ses conditions aux producteurs ;
les intermédiaires de la chaîne alimentaire : négociants, grossistes, transformateurs, transporteurs, …
les grosses exploitations agricoles : véritables entreprises « centres de profit » (comme les autres) à la tête desquelles on trouve des « agro-businessman » branchés sur les grandes places boursières (Chicago, …) ; ce sont les principaux bénéficiaires de la Politique Agricole Commune (PAC) européenne !
les banques et le monde de la finance, enfin, qui gravitent autour de ces monstres économiques.

En bref, les gagnants sont des acteurs majeurs qui dictent leurs volontés, imposent le modèle économique libéral pour favoriser leur profit à court terme…

…En particulier, les grandes entreprises et les multinationales !

1.2 Les PERDANTS, qui se SERRENT la CEINTURE et DEPERISSENT :

les agriculteurs : perte de revenu, dépendance vis à vis des fournisseurs (semences, engrais, produits phyto-sanitaires, aliments pour bétail, …et bientôt OGM ! ?), endettement, … qui entraînent la disparition des petites exploitations, la désertification des campagnes ; le rôle des agriculteurs étant réduit à la simple production économique, ils sont déresponsabilisés et perdent de vue leur mission « nourricière » de la société (« le plus beau métier du monde ») ;
les petits commerces de proximité : épiceries, boucheries, … seules les boulangeries arrivent à résister encore à la boulimie dévorante de la grande distribution ;
les contribuables et les travailleurs : la PAC coûte très cher pour soutenir financièrement un modèle d’agriculture intensive qui… supprime des emplois !
les consommateurs : diminution de la qualité sanitaire et gustative (en compensation du prix ?) + déresponsabilisation + incitation à l’individualisme + perte des racines rurales ;
la société humaine entière : la santé se dégrade à cause de la bouffe de merde, des déséquilibres alimentaires et des maladies générées par les pesticides, …
la planète et l’ensemble du monde vivant : l’agriculture intensive constitue à terme une catastrophe écologique. Les ressources énergétiques sont gaspillées, les ressources naturelles sont menacées durablement (l’eau , les sols, la biodiversité, le patrimoine naturel, les paysages, …). Moins connu : l’agriculture intensive contribue à l’effet de serre.

En bref, les perdants sont les citoyens, la nature, … tous ceux qui sont placés en situation défavorable sinon dramatique dans un monde considéré uniquement comme une marchandise.

La MAL-BOUFFE : ceux qui la font n’en mangent pas ; ils sont riches et bien-portants. Ceux qui la subissent sont (ou deviennent) pauvres et malades. Et en plus : ce système bousille les économies locales dans le Tiers-Monde, au risque d’affamer davantage des populations déjà en peine !

Cassons cette équation infernale : Agriculture industrielle + grande Distribution = MAL-BOUFFE

Pour en savoir plus :
« Le MONDE n’est pas une MARCHANDISE », J. BOVE & F. DUFOUR, Ed. la Découverte.
Confederation Paysanne : www.confederationpaysanne.org

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2.Quelles sont les alternatives ?

Plusieurs possibilités sont offertes au consommateur-citoyen pour ne pas se laisser enfermer dans le piège agro-industriel.

2.1SOUTENIR L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE ou PAYSANNE ou DURABLE

Avantages :

respect de la nature, de l’environnement+ pérennisation des ressources naturelles et énergétiques ;
responsabilisation des agriculteurs ;
amélioration de la santé publiquepar une alimentation saine et un environnement réhabilité ;
création d’emplois, relocalisation de l’économie ;
repeuplement des campagnes.

Inconvénients :

coût plus élevépour les consommateurs (cet inconvénient pourrait disparaître si la PAC soutient financièrement une agriculture de qualité !) ;
suppression d’emploisdans les industries agro-chimiques, bio-technologiques, ainsi que dans les entreprises qui traitent les pollutions.

L’achat direct aux producteurs bio, sur les marchés ou à la ferme, peut témoigner déjà de convictions solides ! Mais ce n’est pas toujours réalisable facilement, et cela reste un acte solitaire. Allons un peu plus loin…

Dans la région Centre, l’association « ValBioCentre » qui regroupe des agriculteurs biologiques, organise une distribution hebdomadaire de légumes et fruits frais « les paniers du Val de Loire » (lire plaquette ci-jointe en encart).

Et si les consommateurs veulent jouer un rôle vraiment actif ? Nous pourrions nous regrouper pour construire des formes de partenariat avec les producteurs, pour renforcer :
la proximité et la solidarité entre producteurs et consommateurs : aux niveaux culturel, social, géographique ;
les liens sociaux entre consommateurs ;

2.2 LA DISTRIBUTION COOPERATIVE : les AMAP

Les Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP) constituent un exemple, parmi d’autres, de rapprochement entre producteurs et consommateurs.
Une AMAP est une association formée par des consommateurs et un (ou plusieurs) agriculteurs désirant construire ensemble un partenariat autour de la vente directe de produits par abonnement, en mettant l’accent sur :
la qualité de la relationentre l’agriculteur et les consommateurs (producteur présent à chaque distribution, bulletin de liaison, animations éducatives sur la ferme…) ;
la qualité nutritionnelle, sanitaire, et organoleptique des produits (produits frais et de saison, agriculture paysanne et biologique ou en projet de conversion, utilisation préférentielle de variétés végétales ou races animales de terroir ou anciennes réputées pour leur bon goût) ;
l’assurance d’un revenu pour l’agriculteur(paiement à l’avance –avec modalités- des produits) ;
l’établissement d’un prix équitablepour les 2 partenaires (décisions concertées).

Principe de fonctionnement : un comité de bénévoles est formé parmi les consommateurs pour gérer la vie de l’AMAP et pour décharger le producteur de certaines tâches (p.ex. gestion des abonnements, organisation des distributions et des animations) afin que ce dernier puisse se concentrer au maximum sur la qualité de ses produits.

Les AMAP se développent depuis quelques années en France, et nous pourrions passer à la pratique dans le Loiret… d’autant plus que le GABOR45 (groupement d’agriculteurs bio) s’intéresse beaucoup à cette idée !

Pour en savoir plus :

 l’Alliance Paysans Ecologistes Consommateurs : www.alliancepec.org
 l’association Action Consommation : www.actionconsommation.org
 Confederation Paysanne : www.confederationpaysanne.org
Accueil Paysan : www.accueil-paysan.com
Livres publiés par les éditions « Terre Vivante » : (www.terrevivante.org )

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3.Zoom sur une initiative hors du commun : les Jardins de Cocagne

Les Jardins de Cocagne sont des jardins biologiques collectifs à vocation d’insertion sociale, créés généralement à partir d’associations loi 1901, à but non lucratif.

La spécificité des jardins de Cocagne réside dans leur vocation sociale et solidaire. A travers la production de légumes biologiques, distribués sous forme de paniers hebdomadaires à des adhérents-consommateurs, ces jardins permettent à des adultes en difficulté de retrouver un emploi et de construire un projet personnel. Ils s’adressent à des personnes de tous âges, femmes et hommes (qui se trouvent) en situation précaire : allocataires du RMI, sans revenus, sans domicile, chômeurs de longue durée, n’ayant jamais travaillé, etc., toute personne en difficulté sociale, professionnelle ou personnelle. L’enjeu est de récréer du lien social dans la proximité entre les personnes investies : jardiniers, maraîchers, adhérents, voisins, secteur professionnel, etc..

La charte des Jardins de Cocagne

Tous les Jardins de Cocagne fonctionnent selon 4 grands principes, énoncés dans leur charte :
 une vocation d’insertion sociale et professionnelle de personnes en difficulté,
 la production de légumes cultivés en agriculture biologique,
 la distribution de ces légumes auprès d’un réseau d’adhérents,
 la collaboration avec le secteur professionnel.

A partir de ce projet commun se déclinent la spécificité et l’originalité de chaque Jardin.

Le Réseau Cocagne « cultivons la solidarité »

Le premier Jardin de Cocagne a démarré en 1991 en périphérie de Besançon. Ces jardins suscitent rapidement l’engouement de nombreuses personnes dans toute la France ! Pour faire face à des demandes de plus en plus importantes de particuliers, d’associations et de collectivités, une stratégie d’essaimage et d’animation a été mise en oeuvre par cette association.

De 1996 à 2001, l’augmentation du nombre de Jardins est considérable, passant de 20 Jardins fin 1996 à 60 jardins fin 2000. Les demandes d’informations, d’aides et d’interventions se multiplient et convergent vers Besançon. Ce soutien logistique sur des questions techniques, administratives ou juridiques se développe et souligne la nécessité d’organiser tout au long de l’année, une « inter-relation » entre les jardins.

Le saviez-vous ? Sur l’agglomération orléanaise a fonctionné, de 1997 à 2001, un Jardin de Cocagne : la « ferme pédagogique » de Saint-Jean de Braye. Créée et soutenue par les élus locaux, elle s’est trouvée bien malgré elle au coeur de la campagne électorale des municipales en 2001, et elle a disparu dans la foulée du changement de majorité à la commune !

Depuis, l’association « TERRE EN VIE » s’est créée, avec l’idée de recréer prochainement un jardin de Cocagne dans l’agglomération orléanaise. Mais l’initiative des « Paniers du Val de Loire » incite à commencer par mettre sur pied une AMAP !

Pour en savoir plus :

 le réseau des jardins de Cocagne : www.reseaucocagne.asso.fr
 l’association « terre en vie » : masson-guerineau@wanadoo.fr

Jean-Pierre MASSON, Attac 45