Casseurs de pub : les casseurs de pollution, un procès pour l’exemple, par Valérie Martin - (oct. 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°27, octobre-novembre 2004

Le 28 avril dernier, neuf militants antipub ont été condamnés à payer de 400 à 2000 euros de dommages et intérêts à la RATP et à sa régie publicitaire Métrobus pour avoir tagué des affiches dans le métro parisien. Faut-il considérer cette décision, à l’instar de l’avocate des antipubs, comme "une victoire incontestable" ? Certes, neuf militants seulement , sur la soixantaine interpellée, ont été condamnés, certes, les dommages et intérêts sont bien maigres au regard du million d’euros réclamés au départ par la RATP. Cependant, on peut se montrer sceptique sur la "clémence" des juges quand on sait que certains témoins de la défense n’ont pas été entendus de peur que le procès ne devienne le lieu d’un débat sur la place de la pub dans les espaces publics.

C’était pourtant un enjeu considérable que de mettre en accusation les publicitaires pour pollution mentale et idéologique, et la tacite collusion qui lie les pouvoirs publics au meilleur relais de l’ordre libéral. Rien ne peut justifier en effet que les usagers du métro parisien, comme l’ensemble des citoyens, aient à subir le matraquage incessant et sous toutes les formes de messages publicitaires à la gloire de la société libérale. Rien ne nous est épargné pour nous entraîner dans la surconsommation, les publicitaires jouent sans aucun scrupule avec les frustrations et les fantasmes de chacun.

Pour la RATP cependant, la publicité contribuerait au confort du voyageur et surtout constituerait une manne financière non négligeable. L’argument fallacieux du message publicitaire-œuvre d’art est loin de convaincre ; quant au second, il perd tout crédit quand on apprend que la contribution financière de la publicité représente moins de 2% du budget global de la RATP. On constate donc que le débat légitime réclamé par les antipub a été largement usurpé lors de leur procès.

Qui sont les casseurs de pub ?

Le mouvement antipublicitaire existe en France depuis les années 1990, il est principalement représenté par l’association RAP (Résistance à l’agression Publicitaire) qui regroupe des adhérents de sensibilités diverses. L’association dénonce à la fois les atteintes physiques aux personnes ou à leur cadre de vie, les pratiques manipulatrices et la prise de pouvoir progressive des publicitaires sur l’ensemble de la société. L’association "Les Casseurs de pub" est elle connue grâce à son excellente "Revue de l’environnement mental". Le mouvement antipublicitaire est à l’initiative de diverses campagnes, soutenues notamment par ATTAC, qui visent à mobiliser le citoyen contre l’agression que constitue la publicité tant sur le fond que sur la forme du message délivré. Ainsi, la campagne intitulée "La pub véhicule un message polluant" s’attaque à la place de choix qui est faite sur les panneaux publicitaires à la glorification du dernier véhicule polluant et dangereux - mais tellement mode : le 4X4. La portée de ces campagnes semble bien dérisoire face à l’impunité dont bénéficient les publicitaires ; et au final, elles recueillent une audience moindre que les actes de désobéissance civile.

Le renouveau des actes de désobéissance civile

L’actualité des dernières semaines a montré que dans un climat pourtant peu propice aux luttes sociales, les actes de désobéissance civile se multiplient (antipub, EDF-GDF, OGM). Ces actes sont la réponse apportée par des citoyens prêts à affronter la justice au durcissement des politiques libérales en France face au quasi mutisme d’organisations institutionnelles comme les partis politiques et les confédérations syndicales. ATTAC a certainement un rôle de premier ordre à jouer dans l’accompagnement et la fédération de ces luttes, car au-delà des ravages de la pub ou des OGM, c’est bien ceux de la société libérale que devraient dénoncer ces citoyens en colère.

Valérie Martin

Les organisations "Résistance à l’agression Publicitaire" et "Les Casseurs de pub" sont accessibles sur le même site : http://antipub.net/

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Citation :

"C’est un mouvement de grande ampleur, très organisé, parfaitement non-violent, qui a eu lieu dans le métro vendredi 17 octobre 2003 au soir, entre 19h et minuit. Selon le quotidien Libération, des personnes de divers horizons, intermittents, profs, étudiants ou chômeurs ont répondu à un appel par Internet et se sont réunies pour s’en prendre à la publicité, symbole de la « marchandisation du monde ». Ils étaient plus de trois cents s’il on en croit le site Internet d’où est parti le mot d’ordre. Répartis en groupes de trente à quarante personnes, les barbouilleurs ont détourné, recouvert, barbouillé, arraché des centaines d’affiches et le résultat de leur défoulement antipublicitaire était encore visible lundi 20 octobre sur une partie importante du réseau intra-muros de la RATP."

(extrait de "Vague de publiphobie dans le métro parisien", communiqué de presse du RAP du 20 octobre 2003).