Une victoire contre la marchandisation de l’école : les « Masters de l’économie » condamnés par la justice, déclaration d’attac France (octobre 2004). Extrait de la Lettre d’attac 45 n°27, octobre-novembre 2004

Communiqué du Bureau d’Attac

Depuis plusieurs années, Attac mène le combat contre la marchandisation de l’éducation, et notamment contre l’intrusion des intérêts commerciaux, des marques et de la publicité à l’école. Dans ce registre, le cas le plus emblématique est le scandaleux jeu concours « Les Masters de l’économie », du groupe bancaire CIC, qui organise l’apprentissage de la spéculation boursière au sein des établissements. Multipliant lettres, pétitions, manifestations et délégations, Attac en avait demandé l’interdiction au ministres successifs de l’éducation nationale : Claude Allegre, Jack Lang, Luc Ferry, François Fillon. Aucun d’entre eux n’avait osé déplaire à cette puissante banque privée. Seul Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l’enseignement professionnel, avait interdit le jeu concours du CIC dans les établissements, relativement peu nombreux, relevant de son autorité.

En s’appuyant sur une décision de la 4ème Chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en date du 1er juillet 2004, Attac va mener campagne pour bouter définitivement les « Masters » hors des établissements publics. Faisant droit à une requête de Gilbert Molinier, professeur de philosophie au lycée Auguste Blanqui de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le tribunal a en effet déclaré « illégal » le jeu du CIC dans cet établissement. Les attendus de sa décision sont particulièrement sévères : « Ce jeu avait clairement des objectifs publicitaires et commerciaux pour la banque organisatrice » et « tombait sous le coup de la prohibition des initiatives de nature publicitaire, commerciale, politique ou confessionnelle figurant au règlement intérieur de l’établissement » ; il « contrevenait également au principe de neutralité de l’école rappelé par de nombreuses circulaires et notes de service émanant du ministère de l’éducation nationale ». La justice inflige ainsi un cinglant camouflet à des ministres qui, en pleine connaissance de cause et par complaisance envers les entreprises privées, ont refusé de faire appliquer les textes de leur propre administration.

La décision du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est appelée à faire jurisprudence. Attac va se mobiliser pour qu’elle soit appliquée dans tous les établissements où sévit ce jeu, ainsi que d’autres opérations du même acabit. Dans une lettre au ministre François Fillon et à tous les recteurs, Attac leur demande de faire mettre un terme immédiat aux Masters. Parallèlement, les militants et sympathisants d’Attac, qu’ils soient enseignants, parents d’élèves, élèves ou représentants de collectivités, doivent, établissement par établissement, informer la communauté éducative du jugement du tribunal de Cergy-Pontoise. En se fondant sur lui, ils doivent ensuite exiger une délibération du conseil d’administration afin d’interdire toute intrusion des intérêts marchands, qu’il s’agisse des Masters ou de toute autre forme de prosélytisme commercial des marques, camouflé en outil « pédagogique ». Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise rappelle en effet que c’est le conseil d’administration qui, aux termes de l’article L. 421-4 du Code de l’éducation, « règle, par ses délibérations, les affaires de l’établissement ».

Par ailleurs, Attac va renforcer son combat pour l’abrogation du « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire » qui a fait l’objet de la circulaire 2001-053 du 5 avril 2001 de Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale. Ce Code , sous couvert de « partenariats » avec les entreprises privées, légitime la pénétration de l’école par les marques et les intérêts commerciaux, et il a servi de prétexte à la poursuite de l’opération « Masters ». A son modeste niveau, il n’est que l’un des symptômes de la subordination de l’éducation aux impératifs économiques et marchands.

Cette subordination est un objectif central du projet néolibéral à l’échelle planétaire, et en particulier au niveau européen. Ce projet s’élabore à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ; à la Banque mondiale ; au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; dans les documents de la Commission européenne et dans les conclusions de certains Sommets européens, notamment celui de Lisbonne de mars 2000, repris dans le contenu du traité constitutionnel européen. Leur objectif est de façonner et d’encadrer les politiques nationales en présentant comme naturelle et même désirable - prétendument au nom de l’emploi - l’adaptation des systèmes éducatifs aux lois du marché.

De l’AGCS au traité constitutionnel européen, en passant par la marchandisation de l’école, le projet néolibéral affiche sa cohérence. Attac le combat donc sur tous les fronts.

Attac, Paris, 6 octobre 2004.

(Le texte du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est disponible sur le site d’Attac : http://www.france.attac.org/a3594)
Pour tout contact s’adresser à Régine Tassi, coordinatrice de la commission Education d’Attac (regine@attac.org).