Après le raport du GIEC : il faut agir, et vite ! Communiqué d’ATTAC France (février 2007) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°40, hiver 2007

Le GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) a été mis en place en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Le rôle du GIEC est « d’expertiser l’information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique provoqué par l’homme ».

C’est un organisme qui analyse et synthétise des travaux de recherche menés dans les laboratoires du monde entier. Avant d’être publiés et déclarés « documents du GIEC », les rapports d’évaluation sont explicitement approuvés en assemblée plénière. Le premier rapport l’importance date de 1990, un deuxième rapport détaillé a été remis en 1995 et un troisième en 2001. Le rapport actuellement publié traite des éléments scientifiques de l’évolution du climat. Il sera suivi en novembre d’un rapport sur les mesures nécessaires d’adaptation. Il aboutit aux conclusions suivantes :

 la concentration de l’atmosphère en CO2 est nettement plus élevée qu’elle ne l’a été sur les 400 000 dernières années ;
 ce phénomène va entraîner un changement climatique dont l’une des caractéristiques sera une augmentation de la température moyenne de la planète au niveau du sol ;
 ce réchauffement est largement de nature anthropique (dû à l’activité humaine). Le présent rapport confirme les résultats obtenus jusqu’ici et précise l’amplitude du réchauffement, qui devrait se situer entre 1,8°C et 4°C. Or c’est à partir d’un réchauffement supérieur à 2°C que les risques d’emballement climatique non maîtrisés peuvent survenir.

Quels enseignements peut-on tirer de ce nouveau rapport ?

Il y a une prise de conscience certaine du risque climatique pour l’ensemble de la planète. Mais ce risque n’est pas une menace anonyme qui pèse indifféremment sur toute l’humanité. Dû en grande partie à l’action humaine, il met en jeu des rapports de force, des intérêts socio-économiques, des responsabilités. La globalité du risque n’efface pas l’existence d’intérêts très particuliers et une exposition différente aux risques : ce sont les plus démunis, en particulier dans les pays du Sud, qui se trouvent les plus exposés. L’ONU estime à 50 millions le nombre de réfugiés climatiques d’ici 2010.

Les travaux du GIEC contribuent à cette prise de conscience, tout comme le rapport de l’ancien économiste de la Banque mondiale, N. Stern. Toutefois, ces rapports peuvent être l’objet d’une instrumentalisation visant à repousser encore les choix nécessaires pour parer réellement au risque climatique. En France, les 2 et 3 février, dans la continuité immédiate de la réunion du GIEC à Paris, est organisée une Conférence internationale sur l’environnement. Il est probable que cette initiative va servir à mettre en avant les projets nucléaires de la France et de la Commission européenne. Le développement de l’énergie nucléaire ne fait pourtant pas partie du mécanisme du développement propre prévu dans le cadre du Protocole de Kyoto. Par ailleurs, les ressources en uranium sont également limitées, elles sont estimées à 60 ans. De plus, bien que les centrales nucléaires n’émettent pas de gaz à effet de serre, le recours au tout-nucléaire pour lutter contre les changements climatiques est une option chère et dangereuse, et surtout inefficace, sans même parler du problème des déchets nucléaires non résolu à ce jour. Selon un scénario développé par l’association d’experts Global Chance, si l’on multipliait par trois le parc nucléaire actuel d’ici 2030, seules 9 % des émissions seraient évitées. Or, pour limiter le réchauffement planétaire à 2°C, l’Union européenne doit diviser par 4 ses émissions d’ici 2050.

La proposition de Jacques Chirac de création d’une Organisation mondiale de l’environnement (OME), dotée de moyens supérieurs à ceux existant actuellement, devrait s’accompagner d’une réforme en profondeur de l’OMC, à l’initiative de l’ONU : tant que l’environnement sera traité avec « les services environnementaux » dans le cadre l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), c’est-à-dire de la libéralisation des services, une OME aurait le même effet sur l’environnement que l’OMS pour l’accès aux médicaments. Plus généralement, les mécanismes de marché des droits à polluer mis en place par le protocole de Kyoto ne permettent guère de réduire les émissions de gaz carbonique (une taxe globale sur le carbone serait indispensable). Cette écologie de marché aggrave les inégalités entre le Nord et le Sud pour le plus grand bénéfice des multinationales.

Les priorités actuelles sont fondées sur les capacités d’offre d’énergie produite par les compagnies énergétiques et sur la régulation par le marché, couplées à l’espoir de solutions technologiques. Il s’agit pour Attac de contester ces choix qui conduisent à l’impasse. Il est nécessaire d’engager un débat public concernant les choix énergétiques, en France et au niveau de l’Union européenne. Les décideurs ne peuvent plus être quasi exclusivement les producteurs d’énergie. Ces choix ne sont pas seulement techniques, ils engagent le type de société que nous souhaitons, les priorités que nous proposons de mettre en œuvre, les solidarités que nous voulons construire et la viabilité de la planète. Ils engagent également l’organisation du secteur de l’énergie : part de la production centralisée et décentralisée, articulation entre secteur public et production locale d’énergie. Ils passent par la mise en œuvre d’une sobriété énergétique, notamment dans les pays du Nord surconsommateurs d’énergie et principaux pollueurs. Ils passent aussi par une renégociation du Protocole de Kyoto incluant la responsabilité particulière des pays riches vis-à-vis des pays du Sud.

Le réchauffement climatique n’est qu’un aspect d’une crise écologique globale qui se manifeste notamment par l’épuisement des ressources non renouvelables, l’accumulation de déchets toxiques, les menaces de pandémies, la pollution des nappes phréatiques, la réduction de la diversité biologique, l’explosion des transports de marchandises. Cette crise, produite par un mode de développement productiviste, a été aggravée ces dernières années par les politiques néolibérales qui ont accéléré la dégradation de l’écosystème. C’est avec cette logique qu’il faut rompre si l’on veut réellement répondre à l’urgence de la situation.

Attac France,
Montreuil, le 2 février 2007