Les intermi(lu)ttants du spectacle, par Daniel Pinault (avr. 2003) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°18, avril 2003.

Histoire à rebondissements d’un régime dans la ligne de mire.

Comme un serpent de mer ou une poussée de fièvre épisodique, pourquoi ces Intermittents du spectacle font-ils parler d’eux aussi souvent, manifestant dans la rue et perturbant les cérémonies télévisées ? La raison principale tient à la définition même du statut (où plutôt de l’absence de statut) de ces professionnels du spectacle ; l’autre raison vient des incidences des différentes politiques culturelles menées.

un régime spécifique

Le noeud du problème est là. L’intermittence est seulement défini par le régime d’assurance chômage et n’entre pas dans les catégories statutaires des autres professions (travail à temps plein ou partiel, saisonnier, intérimaire.). Les périodes d’emploi des artistes, des techniciens correspondent à des CDD, en dehors de quoi ils bénéficient du régime de chômage, avec des conditions particulières. Ce sont les annexes 8 et 10, spécifiques aux professionnels du spectacle, accordant une indemnisation pour une durée d’emploi équivalente à 3 mois (507 heures) au lieu de 6.

Ce régime prend en compte le caractère précaire d’une profession où les emplois à plein temps ont en grande partie disparu. Relevant de l ’ assurance chômage, ce régime est donc soumis aux réformes de l’UNEDIC (géré de manière paritaires entre syndicats et patronat), le MEDEF (ancien CNPF), visant à l’exclure du régime interprofessionnel. Le même scénario se répète depuis plus de dix ans. Afin de réformer ce « statut », une commission est désignée et une date butoir fixée (de quelques mois à un an) au-delà de laquelle c’est l’incertitude et le vide juridique. D’où la mobilisation constante. Jusqu’à maintenant, le régime a été maintenu, en subissant des pertes (charges doublées.).

Cuisine culturelle et dépendance

Toutes les branches de la culture reposent sur le système de l’intermittence, spécificité française enviée, mais les institutions ne le reconnaissent pas forcément. Or, la dynamique culturelle lui doit beaucoup. Ce sont les petites compagnies, les artistes et les techniciens qui sont en première ligne pour le défendre. Gestion avantageuse pour les uns, survie pour les autres.

L’engagement des politiques

Afin d’obtenir un statut définitif, la pression est faite sur les ministères du Travail et de la Culture des différents gouvernements. La menace actuelle vient de la volonté du gouvernement Raffarin de suivre les directives du MEDEF, ramenant la culture à un pur p r o b l è m e économique ; et la prise de position du ministre de la Culture Jean-Jacques Agaillon déclarant qu’il y a trop de compagnies, et qu’il n’est pas ministre de l’emploi, nous font craindre le pire - d’autant qu’une nouvelle échéance au 30 juin revient sur des accords signés.

Débordements en région

Depuis ses origines parisiennes, la lutte des intermittents s’est décentralisée. Création d’un collectif en 1992, puis d’une antenne syndicale SFA en 1994, et SUD-Culture depuis trois ans. Les mobilisations visent à impliquer les institutions (théâtres nationaux, région, DRAC) et les élus. Les actions ciblent les lieux symboliques : ASSEDIC, chambres patronales. Il y a conjointement volonté de conscientiser le public en l’informant, et de faire des actions spectaculaires.

Bousculade à la Préfecture

Dans le cadre de la journée d’action de la profession, le 25 février dernier, le rassemblement des intermittents de la région orléanaise dans la cour de la Préfecture s’est soldé par deux arrestations, le policier de garde auquel il a été opposé résistance au moment où il refoulait des manifestants ayant porté plainte. Et bien que ceux-ci aient été ensuite reçus en délégation par le secrétaire de cabinet, ils ont peu de temps après été interpellés sur la voie publique par des policiers en civil (quatre heures après l’incident pour l’un d’entre eux), menottés puis mis en garde à vue. Ils passent au tribunal le 30 avril. le motif n’est pas encore officiellement notifié.

Daniel Pinault, Comédien