Assurance-maladie : à notre santé ! par Christiane Laribi (été 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°25-26, été 2004

Quand tombera le couperet de la réforme de l’assurance-maladie ? Combien de temps le gouvernement va- t-il jouer, avec nous, au chat et à la souris ? Et d’ailleurs n’est-elle pas déjà en cours, cette contre-réforme ? Ticket modérateur, forfait hospitalier, déremboursements de médicaments, paniers de soins en vue, autant d’ajustements anesthésiants, à petites doses, qui grignotent actuellement ce fabuleux acquis que nous nous a légué le Conseil National de la Résistance.

Le CNR a mis dans notre berceau le concept de protection sociale généralisée, financée par le produit du travail et géré par les représentants des salariés. Cet ambitieux projet n’a pas été mis en place sans luttes ni sans imperfections. Néanmoins depuis 1945, il a été la boussole des revendications et a permis qu’à partir de 1968, toute la population résidant en France bénéficie d’une couverture pour l’essentiel des risques de la vie selon le principe :
« du financement à chacun selon ses moyens pour une couverture selon ses besoins ».

Superbe modèle de solidarité et d’efficacité, puisqu’il permet par exemple, la prise en charge de soins très coûteux (60% de dépenses) qui sont dispensés à 5% de la population. Qui trouverait une assurance privée qui assurerait un risque individuel sachant qu’elle engage autant son capital ?

La santé n’est pas assurable au sens privé du terme assurance.

L’efficacité de cette solidarité se mesure à l’allongement général de la durée de vie et de façon plus intéressante de la durée de vie « en bonne santé ». En effet, l’ensemble de la population a ainsi pu bénéficier des progrès médicaux, des allocations familiales d’une amélioration de l’habitat, même si des inégalités persistent dans la répartition fine entre des groupes sociaux.

Alors pourquoi réformer la sécu ? Pourquoi la même terminologie dans les différentes réformes en cours en Europe, à savoir responsabilisation du patient, différenciation des risques, séparation des gestionnaires de soins et des offreurs de soins, décentralisation des gestionnaires et mise en concurrence des offreurs de soins ? C’est tout simplement que la concurrence est le credo de l’Europe.

Actuellement la protection sociale est attaquée de toute part : retraites, indemnité de chômage, statut des intermittents, protection des jeunes, la sécu (assurance maladie obligatoire) l’est en dernier, car c’est un gros morceau qui peut être réactif !
Mais la sécu peut aussi rapporter gros si des assurances privées arrivent à capturer une part du financement obligatoire, actuellement assuré par le salaire différé et socialisé - qui, au passage, a été renommé « charges sociales »...

Pourquoi les assurés se laisseraient-ils déposséder de cette propriété sociale qu’est la sécu ? Croiront-ils que les réformes en cours et à venir sont destinées à la sauver, comme on leur affirme ? Ou décideront-ils de l’améliorer encore comme cela s’est fait depuis 1945 ? La rupture est consommée, l’issue ne dépendra que du rapport de force qu’ils engageront et de la ténacité qu’ils déploieront, comme les recalculés, les intermittents, les chercheurs…

Les propositions gouvernementales sont philosophiquement et économiquement très claires insécurité sociale pour tous et super profits pour quelques uns. A responsabilisation individuelle, le mouvement social répond responsabilité collective ; et à profits concentrés, le mouvement social répond partage solidaire.

Alors attention, ils nous mentent aussi à propos de la sécu, informons-nous, la sécu c’est à nous de la faire encore progresser pour continuer à boire à notre santé !

Christiane Laribi,
Attac 45