Les Fabulous troubadours : interview, par Gilles Ferté (février 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°22 (décembre 2003) et n°23 (février-mars 2004)

Le 14 novembre, les Fabulous Trobadors faisaient escale à l’Astrolabe d’Orléans. Après un concert endiablé, qui mit en transe une assist-ance nombreuse (la salle était pleine à craquer), Claude Sicre, fondateur des Fabulous et acteur majeur dans son quartier d’Arnaud-Bernard à Toulouse, accepte de nous recevoir.

% 45 : Est-ce que c’était un bon concert ce soir à l’Astrolabe d’Orléans ?

Claude Sicre : Oui, très bon concert. Moi j’étais très fatigué, mais ça ne s’est pas trop vu j’espère. Les autres avaient l’air en forme, et le public était apparemment très en forme, donc je pense que c’était très bien.

% 45 : En 95, vous posiez, vous chantiez la question, “Quel sera notre futur ?” Main-tenant que ce futur est arrivé, est-ce que vous le voyiez comme ça ?

J’ai fait une chanson sur le dernier disque, qui s’appelle “Demain, demain” : “Demain, demain décourage aujourd’hui”. Et quand on chantait quel sera notre futur, c’était pour se moquer un peu des gens qui ont tendance à mettre tout dans le futur, et à ne pas voir l’aujourd’hui. On disait “quel sera notre futur, Balladur, Chirac”... en fait on s’en fout. Ce qu’on fait, ce que nous on fait aujourd’hui, voilà.

Moi j’adore la citation de Kennedy, je l’aurais inventé moi-même, ça correspond à mon esprit : “Ne te demande pas ce que ton pays fait pour toi, demande-toi ce que tu fais pour ton pays”. C’est une très belle phrase : “Ne demande pas ce que la ville fait pour toi, mais ce que tu fais pour ta ville”, et ainsi de suite. Ce renversement, ces actions à la base, pour moi c’est le plus important de tout, le concret tous les jours.

% 45 : J’ai remarqué, en discutant avec des copains, qu’aimer son pays, c’était ringard, à savoir que nos jours, c’est très tendance de faire plutôt rimer “France” avec “rance” qu’avec “chance”.

Ou avec “déchéance”. C’est bien vu. Tu sais, des journalistes nous posent souvent la question : “vous avez écrit une chanson sur Toulouse, vous aimez beaucoup Toulouse”. En fait je ne suis pas un mec qui dit : “Ah, Toulouse c’est beau je l’aime”, avec ce lyrisme-là, non . La preuve que je n’aime pas comme c’est puisque que je veux toujours le changer. Ce que j’aime c’est le travail des gens pour transformer quotidiennement et concrètement les choses.

Maintenant, je pense que la France est nécessaire. Ce n’est pas qu’un état, c’est une nation qui nous a donné des lois dont certaines sont avancées par rapport à d’autres pays, il y a eu des gens qui ont combattu pour les droits syndicaux, les droits de toutes natures, et ces droits, ces luttes, il ne faut pas les oublier.

Après, le rêve de l’Europe c’est bien, mais il ne faut pas oublier la France. Pour pouvoir renforcer la démocratie en Europe, il faut la renforcer en France. Ce que je n’aime pas ce sont les gens qui font comme si l’Europe allait tout nous donner comme ça, c’est utopique. Si tu ne te bats pas pour ton quartier tu ne te bats pas pour ta ville, si tu ne te bats pas pour ta ville tu ne te bats pas pour ton pays, et si tu ne te bats pas pour ton pays tu ne te bats pas pour l’Europe. Ce que je veux c’est que les gens prouvent, aujourd’hui, concrètement, que là où ils sont, dans leur boulot, ils font des choses. C’est l’ensemble de ça, des aujourd’hui qui fera le demain, c’est l’ensemble des petites actions qui fera les grandes actions.

% 45 : Avant qu’on aborde demain, je voudrais qu’on revienne à un hier relativement rapproché. Vous, les Fabulous Trobadors, comment est-ce que vous avez vécu mai-juin-juillet 2003 ?

Ecoute, on ne l’a pas vécu comme d’autres l’ont vécu, parce qu’on est enfoncé tous les jours dans des luttes concrètes. Alors la mobilisation une fois de temps en temps, avec des gens qui se donnent un peu bonne conscience, ça me ... bon, il ne faut pas les saquer, mais en même temps c’est décalé avec le travail de tous les jours. Donc ça ne nous a pas ému, en plus moi je m’en doutais et je l’annonçais à la cantonade. Il y a même une journaliste du Mouv’, elle est venue me voir, elle me dit : “Je ne sais pas comment tu fais, parce que moi, je vis avec France Inter, on a des nouvelles sans arrêt, des statistiques, on n’a rien vu venir. Comment t’as fait ?” “J’écoute les gens de mon quartier”. Tu sais, quand tu as ton voisin, retraité ouvrier d’AZF, syndicaliste CGT, qui votait pour le PC, qui te dit, en le croisant le matin : “Maintenant y en a marre de tout, ils nous font tous chier”... Tu as compris. Ce sont des statistiques sur un échantillon représentatif de dix personnes. Mais... la preuve que ça a marché.

% 45 : Au niveau du changement du statut des intermittents, donc est-ce que tu vois ça quelque chose qui va limiter l’expression en France ?

D’abord, il faut dire que moi je suis syndiqué, je tiens à le dire, parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne voient pas l’importance du syndicat. Et pourtant les syndicats, c’est extrêmement important dans la vie politique et sociale d’un pays. Après, je ne suis pas toujours d’accord avec mon syndicat, loin de là, mais au moins j’y vais, et je vais contredire dans les réunions.

Dans le mouvement des intermittents, il y a plein de gens qui sont inorganisés, qui vivent sur la grande idée de 1968, la révolution spontanée, mais qui ne se donnent pas le temps... Par exemple, il y a un comité qui est né, le comité des précaires... Ils ne défendent plus la spécificité du statut. Donc ça veut dire que tout le monde doit être intermittent. Alors on va dire que c’est corporatiste si on défend la spécificité, mais si on ne la défend pas, tout le monde est intermittent, ça revient exactement à ce que voulait le Medef. Alors il y a un certain jusqu’auboutisme, qui ne connaît pas les luttes particulières... Nous on voit bien des gens qui sont révolutionnaires mais qui ne savent pas quel est le travail d’un adjoint de la mairie, qu’ils confondent avec un député. Non, il faut apprendre qui fait quoi, quand, comment, si on veut être efficace.

Ce qui me navre un peu, c’est qu’il y a beaucoup de gens, dans des quartiers, dans des villages, qui ont d’excellentes initiatives et qui sont très forts sur le concret, mais qui pensent que les analyses politiques plus globales, c’est à d’autres, à Paris, dans les ministères. Non, il faut que eux aussi lisent, parce que les autres ont les discours, mais ils n’auront jamais la pratique concrète de tous les jours. Eux ils ont la pratique concrète, qu’ils apprennent le discours politique aussi.

% 45 : Est-ce que tu ne penses pas qu’on est tombé dans une ère où finalement la peur, du chômage en particulier, le défaitisme, et le consumérisme, font un très mauvais ménage, mais finalement gouvernent les esprits.

C’est vrai qu’il y a tout ce que tu dis, le consumérisme, la peur, et un certain fatalisme. Mais c’est parce que les gens qui se proposent de changer les choses n’ont pas trouvé les discours et les pratiques adéquats pour mobiliser les gens. On ne va pas reprocher à la droite d’être de droite, on ne va pas reprocher à la télévision d’être la télévision. Ce qu’on peut se reprocher, c’est nous qui voulons transformer les choses, de ne pas savoir...
Parce qu’il y a des gens qui ont plein de préoccupations que nous n’avons pas, ils ont moins de temps... C’est ce que je chante dans “Musicien, zéro statut”, leur copine est partie, ils n’ont plus de fric pour payer le loyer, alors ils se battent un peu, après ils démissionnent, ils vont boire des bières au café, après tu vas leur dire “Viens, il y a une réunion”. “Ouais, OK, je vais venir...” Et ils restent au café à se lamenter avec une bière ... Quand on sait leur proposer des choses, on voit bien que tout le monde se bouge. Donc c’est à nous à... Il faut s’autocritiquer, je pense.

% 45 : Justement, ton travail à Arnaud-Bernard, comment tu pourrais le définir ?

Moi je le définis comme un travail civique. Mais personne en France ne sait ce que c’est que le civique. Tout le monde lit “civique” comme “citoyenneté”. Or le civique, c’est un contre-pouvoir à la citoyenneté, c’est la concitoyenneté. Et ça personne n’en parle. On parle de démocratie de proximité, de démocratie participative, mais en fait c’est sans concept. Je pense que le concept central, c’est celui de civique, la concitoyenneté. C’est un des concepts qui manquent aux militants politiques français.

Et pourquoi c’est un contre-pouvoir à la citoyenneté ? C’est que dans un comité de quartier par exemple, on pose des problèmes concrets, on en discute longtemps, sans a priori, pour trouver des solutions concrètes. Et dans ces cas-là on fait des alliances. Il y a des gens qui ont voté pour le maire, qui sur un problème concret sont contre le maire. Donc en tant que concitoyens, ils sont un contre-pouvoir à leur propre citoyenneté qui a voté.

% 45 : On en vient au sens juste des mots, les mots qui sont vos outils, à vous les Fabulous. Est-ce que le pouvoir ce n’est pas ce que Philippe Val dans un édito de Charlie Hebdo appelait le “hold-up sémantique”, à savoir faire dire aux mots ce qu’ils ne signifient pas.

Oui, par exemple, je te l’ai montré avec le “civique”. Ce concept de civique, j’ai mis longtemps à le trouver, et quand je l’ai trouvé j’ai eu une chance, c’est que j’ai vu comme quoi la pratique à la base rejoint les recherches conceptuelles. J’ai trouvé un article d’un très grand linguiste, que malheureusement peu de gens connaissent, Emile Benveniste. Il montre qu’on se trompe depuis quinze cent ans sur l’étymologie de “civis” : en latin “civis” n’a jamais voulu dire “citoyen”, mais a toujours voulu dire “concitoyen”.

Et c’est important parce que derrière l’histoire des mots, il y a l’histoire de nos institutions politiques, et donc de nos mentalités politiques. En fait “civis” c’est le concitoyen, et la “civitas”, c’est-à-dire la cité, c’est le lieu de rassemblement des concitoyens. Alors qu’en grec, la “polis” est avant les “sympolitos”, les concitoyens, et c’est du mot “polis”, la ville, que vient le reste : concitoyenneté, politique... C’est-à-dire qu’en grec le concept de la ville vient avant les hommes ; en latin, ce sont les hommes réunis qui viennent avant la ville, qui construisent la ville. A partir de cet article de Benveniste, il faudrait relire toute l’histoire politique de la France, pour voir où ça pèche...

Tu me diras que c’est un travail très intellectuel ... mais tout le monde peut le faire, ce n’est pas vrai qu’il y a des gens qui sont incapables de faire ça. Nous, dans notre comité de quartier, on fait des articles, on donne la parole à tout le monde, il y a des gens qui commencent à parler de ces trucs, des gens qui n’ont pas fait d’études qui commencent à lire... Moi c’est ça qui me fait plaisir.

% 45 : Est-ce que tu pourrais synthétiser cet antagonisme entre citoyenneté et civisme ?

La citoyenneté c’est de l’ordre du politique : tu vas voter, tu vas manifester ... Le civique, c’est de l’ordre de la concitoyenneté, selon l’étymologie du grec d’ailleurs. La concitoyenneté, c’est l’élaboration d’une charte qui implique l’éthique, parce que c’est directement le rapport avec les autres dans leur pluralité, alors que le politique n’implique pas l’éthique. Les concitoyens, en tant que concitoyens, ne sont pas forcément d’accord avec ce qu’ils font en tant que citoyens. Quelqu’un qui a voté Douste-Blazy, par rapport à des problèmes de concitoyenneté concrets, peut, tout le temps de la mandature de celui qu’il a élu, se trouver contre la personne. C’est cette carte à mon sens qu’il faut jouer, elle est forte, parce que ... quand c’est cinquante jeunes, ou artistes, qui vont protester contre tel truc, Douste-Blazy se dit que ce sont des opposants, ça ne l’intéresse pas. Mais quand avec toi, il y a des femmes enceintes, des vieux... des gens qui ont voté pour lui, que tu as allié pour un projet précis, alors là il ne regarde pas du tout les choses de la même façon, il se dit “Attention, c’est mon électorat qui se lève contre moi”. Donc il est obligé de discuter avec toi sur des trucs précis, un jardin, une fontaine, la propreté...

% 45 : N’est-ce pas toi qui a initié les premiers forums sociaux locaux avec les repas de quartier et le Forum des langues du monde ?

Il y a deux choses : les repas de quartier, c’est civico-festif, ce n’est pas un moment de réflexion. C’est politique par le fait qu’on mette ensemble des gens qui ne se parlent pas. Mais il n’y a pas un discours politique, il n’y a pas un débat. Moi j’ai été naïf, quand j’ai lancé les repas de quartier, je pensais qu’on pourrait lancer des débats, en fait je me suis aperçu dès la troisième fois que ce n’est pas possible....

Le Forum des langues et des cultures, ce n’est pas pareil. Je pense que s’il y a un nouvel ordre mondial, il viendra des peuples tels qu’ils sont reconnus mais tels qu’ils se frottent aux autres - pas les peuples qui restent dans leur narcissisme. Moi je suis anti-régionaliste, donc contre les nationalismes, mais en même temps je suis pour qu’on connaisse l’histoire de tous les peuples, et ce qui est dramatique, c’est quand les gens d’un peuple ne connaissent pas leur propre histoire.

Par rapport à l’altermondialisation, j’ai beaucoup critiqué la notion “un autre monde est possible”. Et je me suis aperçu que les zapatistes l’ont critiqué, pas tout à fait de la même façon, en disant “d’autres mondes sont possibles”. “Un monde est possible”, premièrement ça veut dire qu’il y a un monde en face, or ce monde à mon sens il n’est pas un, il ne faut pas donner aux ennemis plus de force qu’ils n’en ont, et deuxièmement ça veut dire “un monde”. Non, d’autres mondes. Mais moi je vais plus loin, je dis que d’autres mondes existent déjà. Avant d’inventer ou de vouloir rêver à d’autres mondes, regardons les luttes réelles de gens réels qui sont dans des endroits réels dans des perspectives d’une histoire réelle. Apprenons l’histoire des peuples. Et le Forum des langues du monde, c’est ça. Comprendre l’autre dans ses problèmes concrets. Quand les Berbères se mettent dans le Forum des langues à côté des Turcs, ils sont obligés d’abandonner des trucs narcissiques, ou de se croire les meilleurs, parce qu’ils voient qu’il y a d’autres peuples qui font d’autres trucs dans d’autres circonstances.

% 45 : En revenant sur le mouvement de mai-juin-juillet, puisque j’étais dans la rue, et c’était l’occasion de discuter, je suis sorti de ces discussions avec le sentiment très vague que les gens de notre génération avaient perdu la mémoire de notre histoire. Si on prend les gens dans cette pièce, statistiquement il y a toutes les chances pour que nos ancêtres étaient paysans ou ouvriers. Comment ça se fait qu’on ait perdu la mémoire de ça ?

On peut faire le discours habituel contre la télévision, mais je pense que c’est plus profondément de notre responsabilité.
Regarde, un comité de quartier, tu entretiens la mémoire d’une solidarité. Les repas de quartier par exemple, ce n’est pas faire une communauté fermée, où tout le monde se connaît, c’est faire une communauté éphémère, pratiquement choisie. Cette communauté doit entretenir une solidarité, et pour cela elle doit entretenir la mémoire de la solidarité. L’histoire en lutte, c’est l’entretien de la mémoire de la solidarité. Et chacun doit le faire à tous les étages. On doit le faire dans le quartier, on doit le faire dans la ville ...

Et c’est là qu’on doit faire des alliances aussi. Par exemple, on me dit que les historiens locaux sont des chauvins ... Peut-être, mais il faut aller les voir pour leur montrer que leur importance est plus grande que leur chauvinisme. Il ne faut pas les rejeter dans leur fermeture, il faut leur montrer qu’il y a plein de façons de s’ouvrir et qu’on en a besoin. Tu vas en voir un, tu lui dis « En 1830, il y a eu des événements en France, qu’est-ce qui s’est passé à Toulouse ? » « Ah oui, on va regarder ». Il publie un truc dans le bulletin de quartier, et ça y est, tu vois ?

Et ça il faut le faire tous les jours, puisque tous les jours ça repart dans l’autre sens, c’est un combat sans fin. L’entretien de la solidarité, ce n’est pas « Demain, demain, ça y est tout le monde sera solidaire, et puis c’est fini »... Parce tous, on a des régressions tous les jours. Donc c’est tous les jours qu’il faut entretenir cette mémoire de la solidarité. Et nous, dans le bulletin du comité de quartier, on l’a fait régulièrement avec des articles sur des luttes passées.

% 45 : Il y a un mot qu’on entend depuis quelques années, dans la bouche des gouvernants, c’est “décentralisation”. Ne pourrait-on pas faire un procès à Raffarin pour dénaturer ce mot ?

Ah si, il faudrait mieux lui faire un procès de dénaturer ce mot, que lui faire un procès contre la décentralisation. Ce que certains ont fait. Je ne leur jette pas la pierre, mais ... Par raccourci, ils ont fait beaucoup de manifestations contre la décentralisation ... Non, contre la décentralisation de Raffarin. La décentralisation, c’est plus d’esprit d’initiative à la base, plus de démocratie, la démocratie c’est le débat, donc une décentralisation qui est imposée par le centre, c’est le contraire d’une décentralisation. Et donc il faudrait dire que nous sommes contre l’antidécentralisation de Raffarin, pas contre la décentralisation. Et ça j’ai peur qu’il y a des gens qui ... Maintenant, chaque fois que tu dis le mot “décentralisation” , presque tu serais “raffarinesque”, alors ...

% 45 : On a du mal à étiqueter ta musique. J’ai peut-être trouvé une formule : la “vraie musique populaire”, parce que tu parles vraiment de la vie des gens, et en plus tu leur donnes la parole.

J’aime bien ce que tu dis quand tu dis : “on rend la parole”... Par exemple, il y a des gens qui disent... tu vois, ça c’est le problème qu’on appelle en linguistique l’énoncé, l’énonciation... qui vont chercher le politique simplement dans ce qu’on dit de politique, dans les mots. Mais en fait, comment tu dis les mots est politique aussi, et la musique que tu portes est politique. Quand tu donnes la parole aux gens, c’est politique en soi, même si tu ne parles pas de politique.Et quand tu fais danser les gens, par exemple en rondes avec les improvisations de chacun, c’est très politique, pas au sens que tu tiens un discours contre Chirac, mais parce que tu fais de la convivialité entre les gens... Donc j’aime bien ta formulation.

% 45 : Qu’est-ce que tu penses des thèses de ce qu’on appelle la décroissance soutenable, c’est-à-dire...

Pierre Rahbi ?

% 45 : Notamment.

Je n’y crois pas au sens que ça partirait d’une responsabilité individuelle, d’une prise de conscience individuelle. Je ne crois pas à cette méthode. Parce que je crois aux peuples. Par contre je pense que le surgissement de peuples différents, et la confrontation des peuples différents entre eux, ça ça peut avoir un effet de ce genre, parce que c’est dans un peuple entier que la responsabilité peut se faire, et cette responsabilité sera alors à la fois éthique, civique, et politique. Mais la prise de conscience individuelle à laquelle fait appel Rahbi ...

% 45 : Je ne pensais pas à Rahbi particulièrement ...

Oui mais aucun état, de son propre point de vue - parce que c’est la course, la concurrence - ne va freiner quoi que ce soit. Je pense que ça ne peut être que les peuples, dans leur communication et leur confrontation en-deça et au-delà des états, qui peuvent effectivement ... Oui, c’est possible, mais on ne pourra pas convaincre les pouvoirs, c’est de l’ordre du contre-pouvoir. Mais comme ça ne peut pas un seul contre-pouvoir dans un état particulier, il faut que ça soit de l’ordre de la coordination de contre-pouvoirs de certaines nations. Alors, est-ce que l’Europe, ça peut être ça ? Peut-être, mais regarde en Europe, par exemple, si certains peuples qui n’ont pas d’état en Europe n’ont pas droit à la parole, je ne sais pas si ça se passera... En Algérie, par exemple, les militants kabyles, à côté de leurs revendications linguistico-culturelles, ils ont des revendications politiques, sociales et économiques qui vont dans ce sens...

% 45 : Est-ce que pensiez à quelqu’un de précis, avec “Il nous ment” ?

Non, justement. En fait quand tu fais “Il nous ment, il nous ment”, ce qui est bien, c’est que c’est politique au-delà du texte. Je l’ai fait pour qu’il y ait enfin des chansons de grève, ou de manifs, pour tout le monde. Parce que j’étais navré de voir depuis 68 toutes ces chansons de grève qui n’en sont pas, on peut pas taper des mains, on peut pas danser, on peut pas improviser, c’est sinistre... Avec “Il nous ment” chacun peut écrire deux vers et passer dire ses revendications, et le public reprend “il nous ment”, et après ça tourne, chacun devient le leader et tout le monde se remet dans le chœur... C’est la solidarité dans la pluralité. Donc en fait j’ai voulu faire une chanson très technique pour ça.

% 45 : Est-ce que tu es en contact avec Attac-Toulouse ?

Non, même si on en connaît certains. On est plutôt en contact avec Motivés, mais on n’a pas été d’accord pour rentrer sur la liste de Motivés... parce qu’on pensait qu’il valait mieux jouer la carte des contre-pouvoirs. Il y a des gens d’Attac qui sont à Motivés, mais ce n’est pas un contact direct avec Attac. Après j’ai des copains qui sont à Attac dans d’autres endroits.

% 45 : J’ai constaté que ce soir, au stand d’Attac, j’ai rarement vu autant de gens qui étaient avides de parler, de s’exprimer, on a pu échanger ...

Ce que tu me dis, c’est un très grand compliment, parce que si on fait un concert et qu’après les gens viennent au stand et ont envie de parler, c’est vraiment un très très bon concert...

Propos recueillis par Gilles Ferté ainsi que par Jean-Baptiste, membre tourangeau d’attac.

Enormes remerciements à Vianney et toute l’équipe d’Images du Pôle pour le matériel d’enregistrement et le transfert sur support informatique.