Convergence à la Source : 20 ans d’ouvrage pour la démocratie locale, par Alain Gauzens (oct. 2005) Extrait de la Lettre n°33, octobre-novembre 2005

Il y a quelques mois, l’association Convergence fêtait sa vingtième année sur le quartier
de la Source, à 12km au sud d’Orléans. Rétrospective.

La solidarité dans la diversité

"Convergence à la Source " s’est créée en 1985. L’accueil et la rencontre des rouleurs de la nouvelle Marche à mobylette, appelée "Convergence 84" (après la marche pour l’égalité de 1983), ont conduit à la création de l’association. Nous avons pour objectifs :
 De promouvoir l’expression sociale et culturelle des diverses communautés résidentes à la Source.
 De favoriser l’échange fraternel entre communautés sur les problèmes rencontrés dans la cohabitation, en tenant compte des aspirations de chacun.
 De développer la solidarité contre les situations d’injustice et contre les inégalités dont sont victimes les diverses communautés.
 D’œuvrer à une plus grande participation de tous les habitants à toutes les actions qui visent à l’amélioration des conditions de vie à la Source, ainsi qu’à l’animation culturelle et sociale du quartier.

20 ans de réflexion, 20 ans de fêtes

Les fêtes annuelles, jusqu’en 1996

Elles ont été l’occasion de faire participer les différentes communautés à des spectacles (concerts, représentations théâtrales, etc.)

Le café de quartier

Il a été un lieu de rencontre à caractère social et culturel (cette initiative touche principalement les jeunes), et correspond aussi à un projet d’insertion professionnelle : les différentes associations et institutions d’insertion du quartier peuvent rencontrer les jeunes et les accompagner en vue d’une meilleure insertion professionnelle.
De sa création en 1993 à sa fermeture fin 1996, Convergence a eu la gestion de cette structure. 23 personnes furent employées dans ce café, 4 sont encore présentes en 1996, 9 ont intégré une autre entreprise, 4 ont suivi une formation qualifiante ; 5 ont quitté rapidement le dispositif d’insertion et une a quitté la Source pour revenir au pays.

Les colloques

Ils ont permis l’expression des besoins de la population concernant les conditions de vie et la solidarité et ont essayé de concourir à une plus grande participation de tous les habitants du quartier :

« Cahier de doléances d’Orléans la Source, Etats généraux du 7 mars 1989 »
Le bicentenaire de la Révolution, avec son "Liberté, égalité, fraternité" a été l’occasion de cette action. Elle s’est réalisée aussi dans la perspective des élections municipales de 1989. Le cahier de doléances a donné lieu à la publication d’un recueil : chaque association participante a travaillé sur un thème spécifique et a présenté des résolutions : Culture, Démocratie locale, Ecole, Habitation et cadre de vie, Insertion sociale-emploi, Jeunes, Insertion des jeunes par l’économique, Université, Urbanisme. Les représentants des différentes listes aux élections municipales ont répondu à ces résolutions.

« Associations, pouvoirs, habitants. Quelles relations ? » (25 avril 1991).
Ce second colloque a comporté cinq conférences, suivies de débats, sur les thèmes suivants :transformation de la vie associative dans les quartiers spécifiques ; le quartier ; la vie associative ; l’entité sourcienne en s’appuyant sur un questionnaire diffusé auprès des habitants ; et contribution des associations au développement du quartier de la Source, avec une analyse d’un questionnaire diffusé à toutes les associations du quartier.

Les cycles pluriannuels

« Parents - enfants - école » (1991 - 2000)

Pour Convergence, les difficultés scolaires liées à des situations sociales et familiales dégradées jouent un rôle majeur dans les problèmes que rencontrent les jeunes sur le quartier. "Convergence " a noué un contact étroit avec les écoles de la Zone d’Education Prioritaire (ZEP) pour que ces questions d’inégalités soient prises en compte par les établissements scolaires du quartier.
Les actions de ce cycle se manifeste notamment par la participation de Convergence au Comité de coordination de la ZEP et des rencontres et discussions avec les enseignants, et la réalisation de deux cassettes vidéo (une sur la volonté d’apprendre, l’autre sur la vie de l’enfant dans son milieu familial).
Par contre, le projet de mise en place d’une structure professionnelle intermédiaire entre parents et école, "l’École des parents", n’a jamais vu le jour malgré deux propositions dans le cadre du contrat de Ville.

« Andalousie, "Al Andalous" » (1995 - 1999)

A la jonction des 2 rives de la Méditerranée, l’Andalousie est un exemple de cohabitation de communautés de références culturelles différentes aboutissant à l’éclosion d’une civilisation brillante (711 - 1492).
Ce projet a principalement pris la forme de présentations filmées et de conférences. Ce cycle a attiré un public très varié, habitants du quartier, étudiants, chercheurs, enseignants, milieux associatifs.

« Pour une citoyenneté active à La Source »(2000 - 2002)

Comme détention d’une part de la souveraineté politique, la citoyenneté est pour Convergence un aspect important de la participation des habitants à la vie du quartier. Ce cycle s’est réalisé dans le cadre du centenaire de la loi 1901, avec trois types d’actions :

1)Conférences/débats sur les questions, juridiques, économiques et sociales, associatives et politiques,

2)Travail sur les institutions politiques (assemblée nationale, Sénat et élus) et sur l’information (journalisme) en partenariat avec un collège et un centre action sociale,

3)Travail sur des thèmes comme la presse et démocratie, la vie dans le quartier de la Source, la jeunesse et le sport, l’handicap et la vie dans la cité, l’implication des femmes dans la cité. Il s’est fait en partenariat avec des associations et des institutions du quartier. Il a fait l’objet de la réalisation d’une pièce de théâtre en collaboration avec un comédien ; les acteurs sont des jeunes du quartier.
Cette action s’est conclue par une journée forum et la création d’une plaquette. En prolongement, un débat sur l’insertion a eu lieu en collaboration avec l’IME, et des associations du quartier, sur les thèmes : insertion et emploi, insertion sociale, insertion et sport, insertion et formation.

Et le cycle en cours : « Laïcité »(2003 - 2006)

La laïcité est issue de la déclarations des droits de l’homme de 1789 et est basée sur la liberté de conscience, sur l’absence de lien organique entre l’Etat et toute religion établie ou non, et sur l’égalité de tous sans distinction d’options spirituelles ou de particularisme et sans discriminations. est une de nos préoccupations au sein du quartier. Dans le cadre du centenaire de la loi 1905 et des débats qui traversent notre société, nous avons engagé différentes actions :
trois rencontres débats de proximité sur les thèmes : pensée islamité et laïcité, Intégration et laïcité, Laïcité et intégrisme.
quatre conférences-débats : « les laïcités européennes », avec Françoise Champion (chercheuse au CNRS) ; « Islam et laïcité », avec Malek Chebel (anthropologue, docteur en sciences), accompagné de la projection du film de Romain Goupil « sa vie à elle », suivi d’un débat sur le thème "intégration et laïcité" ; « Quelle place pour les gens du voyage dans notre société ? « avec l’Association Départementale Action pour les Gens du Voyage (ADAGV) ; et enfin « L’enseignement du fait religieux est-il une nouveauté dans les établissements scolaires ? Quels enjeux pour l’enseignement du fait religieux aujourd’hui ? « Avec Mireille Estivalezes (Docteur en histoire et sociologie des religions).

Convergence projette de faire un travail de réflexion et d’animation en partenariat avec les institutions et les associations du quartier, sur les questions de la tolérance et de l’ouverture vers l’autre, sur celles de l’intégration et sur celles des discriminations.

Alain Gauzens,
Président de Convergence.

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La « marche des beurs » : un historique.

Le 3 décembre 1983, quelques dizaines de "beurs" partis de Marseille et des dizaines de milliers d’autres qui les avaient rejoints arrivaient à Paris dans la liesse et l’espoir, vite retombés, d’une reconnaissance de leur identité et de leur volonté d’intégration.

La marche des beurs (arabe en verlan) reste dans les mémoires et dans l’histoire de l’immigration comme le premier "coup de gueule" des jeunes de banlieues de la deuxième génération d’immigrés. Mais ce formidable élan n’a été qu’un feu de paille.

1983, une année rude pour les immigrés : l’extrême-droite a fait une poussée spectaculaire aux municipales et la liste des jeunes Maghrébins tués dans des cités est particulièrement longue. Théâtre deux ans plus tôt des premiers rodéos et émeutes de banlieues, le quartier des Minguettes à Vénissieux (Rhône) connaît un nouveau drame : le jeune Toumi Djaïda est blessé par un policier. C’est lui qui, avec le père Christian Delorme, le "curé des Minguettes", a l’idée d’une "longue marche", inspirée de Gandhi et Martin Luther King.

Ils sont trente-deux à prendre le départ le 15 octobre à Marseille, une seule personne les accueille à Salon-de-Provence, mais ils sont mille à Lyon, et, après 1.300 km, près de 100.000 de la Bastille à Montparnasse derrière le slogan "vivre ensemble, avec nos différences, dans une société solidaire".

Les partis de gauche ont appelé leurs militants à rejoindre les marcheurs. Quelque soixante-dix associations, partis politiques et organisations syndicales ont apporté leur soutien. Des comités de soutien se sont créés dans toute la France, qui ont récolté des dons pour financer hébergement et repas.

Pendant la marche, dont un des slogans est "Rengainez, on arrive", les marcheurs apprennent coup sur coup la mort d’un Algérien, jeté d’un train après avoir été torturé par des candidats légionnaires, le meurtre d’un Maghrébin de 17 ans, tué par balles aux Minguettes, et d’autres incidents, toujours aux Minguettes.

Leurs revendications : le droit de vote pour les immigrés et la carte de séjour de dix ans. Le président François Mitterrand, qui a écouté huit d’entre les marcheurs à leur arrivée à Paris pendant trois quarts d’heure, leur octroie la carte de séjour de dix ans mais se contente de leur dire que le droit de vote pour les étrangers est "une de ses préoccupations".
Les marcheurs ne parviendront pas à mettre en place le mouvement national qu’ils souhaitaient, mais ils auront fait prendre conscience à la France de la réalité des discriminations envers une génération en majorité française.

Des mouvements et associations nés dans les cités dans les années qui ont suivi se sont revendiqués de leur héritage, du mouvement anti-raciste SOS-Racisme aux centaines d’initiatives, associations de quartier, groupes de théâtre, radios locales, clubs de sport, nées dans les cités. Vingt ans après, en février-mars 2003, une autre marche a parcouru la France, celle des femmes de cités "ni putes, ni soumises", qui a dénoncé les violences faites aux femmes de banlieue.
(...)

AFP