Orléans : jamais hors de ma tour, par Mourad GUICHARD (juillet 2005) Publié dans Libération, samedi 23 juillet 2005

La mairie voulait détruire la cité Bossuet. Les locataires ont dit non par référendum.

Tout était prévu pour offrir au quartier de la Source un nouveau visage : destruction des logements vétustes, reconstruction de petits ensembles, aménagement d’espaces verts... La mairie d’Orléans voulait faire de cette zone à forte densité, située à 12 km du centre-ville, une vitrine de sa politique urbanistique. Son arme ? Le « Grand projet de ville » (GPV) cofinancé par l’Etat. Mais à vouloir faire le bonheur des gens malgré eux, il y a parfois des ratés. Ainsi, la centaine de logements que compte la cité Bossuet devait être abattue et ses locataires relogés à quelques encablures de là. « Dès le début du projet, nous avons tenu à associer les habitants aux options qui seraient prises », se targue Serge Bantos, directeur de Pierres et Lumières, le bailleur social propriétaire de l’ensemble. Une déclaration surprenante au regard des actions menées depuis plusieurs mois par les locataires et leurs représentants de la Confédération nationale des locataires (CNL).

Leur version de l’histoire est donc très divergente de celle du bailleur. « Nous avons appris par le plus grand hasard que ces tours allaient être détruites », se souvient Michel Ricoud, président local de la CNL. « Dès que l’information nous est parvenue, nous nous sommes mobilisés pour obtenir l’annulation de cette mesure insensée. » Et pour cause : les trois immeubles avaient récemment bénéficié d’une réhabilitation lourde, avec, entre autres équipements, la rénovation complète des ascenseurs. « Il existe un véritable lien social dans ces immeubles. Tous les gens se connaissent. Ils sont attachés à leur voisinage, au cadre de vie », insiste Sylvie Larousse, une assistante maternelle de 40 ans. « De plus, il y a beaucoup de personnes âgées qui souhaitent finir leurs jours ici. »

Jurisprudence.

Au fil des mois et des réunions publiques, les habitants ont réussi à arracher à Pierres et Lumières la tenue d’une consultation publique sur le devenir de leurs tours. Un scrutin s’est étalé du 30 juin au 15 juillet . Sur 108 inscrits titulaires d’un bail, 81 se sont exprimés, offrant au « Non » un score proche d’un plébiscite : 93,75 %. « Même si nous nous attendions à une forte participation, le résultat sans appel nous a confortés », reconnaît Michel Ricoud. Pour la municipalité, cette décision ne remet pas en cause l’essentiel du Grand projet de ville. « Il faut manipuler ce type de consultation avec précaution », insiste Michel Languerre, conseiller municipal en charge du dossier : « Il ne faut pas faire passer une accumulation d’intérêts particuliers avant l’intérêt général. Le projet de ville se poursuit. » Une conclusion que la CNL ne partage pas. « Cette victoire doit nous servir d’exemple. Il faut que cette consultation fasse jurisprudence pour les projets à venir. Que bailleurs et élus cessent de prendre des décisions sans se soucier de l’avis des principaux intéressés », martèle Michel Ricoud.

Vigilance.

Pour sa part, Serge Grouard, maire (UMP) de la ville, se félicite qu’un tel référendum ait pu se tenir : « Nous prenons acte de la volonté des locataires. Dès le départ, je me suis inquiété de l’absence de dialogue entre le bailleur et les locataires. Voilà qui est réparé. » Si cet épisode s’achève, pour les habitants, sur une note positive, l’ambiance n’est pas pour autant à la franche camaraderie. « Cette histoire nous a montré combien Pierres et Lumières faisait peu cas de ses locataires », regrette Sylvie Larousse. « Pour eux, nous ne sommes que des porte-monnaie. Désormais, nous ne leur ferons plus confiance. Il va falloir rester vigilants. » Des craintes à peine voilées que confirme Michel Ricoud : « Nous veillerons à ce que le bailleur ou la ville ne se vengent pas d’une manière ou d’une autre. »