le NON français : un séisme démocratique, par Rémi Daviau (été 2005) Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°31-32, été 2005

Après le référendum, la campagne continue ! On nous avait promis les pluies de sauterelles, nous aurons finalement des coups de bâton, tant l’agressivité des partisans du oui a redoublé depuis le 29. Il faut voir, tous médias confondus, les néolibéraux culpabiliser (" maintenant tout est cassé, vous êtes contents ?") et infantiliser ("encore une fois, vous n’avez rien compris...") les15 449 508 personnes qui se sont déplacées pour voter Non au Traité. En dépit de toute évidence, le caractère profondément social du résultat continue d’être minimisé au profit de thèses stigmatisantes (xénophobie, repli sur soi, "souverainisme"...). Est-il donc besoin de rappeler qui a voté quoi ? Par profession : agriculteurs : non à 70 %. Ouvriers : non à 79 %. Chômeurs : non à 71 %. Professions libérales, cadres supérieurs : oui à 65 %. Et par revenu net mensuel du foyer : moins de 1000 euros : non à 60 %. De 1000 euros à 2000 euros : non à 65 %. Plus de 3000 euros : oui à 63 %. On la voit assez nettement, la "fracture"...

On assiste ainsi à un mouvement que décidément rien ne semble arrêter : celui d’élites s’enfonçant progressivement dans l’autisme, refusant d’écouter tout un peuple qui rejette les dégâts provoqués par la politique de ces vingt dernières années. Dès le lendemain du scrutin, les partisans du Oui ont recentré les débats sur des points de politique intérieure, comme si le 29 mai avait été une élection française (mais de quand date la dernière élection qui a déplacée 70 % des inscrits ? ). C’est pourtant bien le néolibéralisme et rien d’autre qui a été au centre des débats de cette campagne : son caractère anti-démocratique (déséquilibre organisé des institutions, déconnection complète des institutions et des populations, barrage contre toute modification ou changement de trajectoire) et, en corollaire, son orientation néolibérale (toute liberté d’action au pouvoir financier : fonctionnement en roue libre de la banque centrale, dérèglementations, privatisations, libre circulation des capitaux, délocalisations, plafonnements budgétaires et baisse programmée des droits sociaux). Le sommet de Bruxelles a d’ailleurs bien révélé l’Union européenne pour ce qu’elle est depuis le tournant des années 80 : un marché de chiffonniers qui s’entendent pour appliquer de concert l’idéologie néolibérale au détriment des populations, et qui négocient leur avenir national sur le dos de la construction européenne. Et le bien commun ? Et la coopération ? Et la solidarité ? Et la démocratie ?

Pendant l’été, les travaux continuent !

Et maintenant, quels projets pour une Europe alternative ? Il nous faudra être tous ensemble, et bien entendu avec les citoyens victimes de la propagande et des mensonges, qui ont cru que ce traité apporterait une meilleure Europe. Il nous faudra continuer à nous emparer des enjeux européens et internationaux, les comprendre, les discuter, les critiquer ; à cet égard, l’appel des Attac d’Europe, qui ouvre un horizon sur une société plus solidaire et plus juste, est un outil précieux. Attac et les thèmes que nous avons portés se sont trouvés en première ligne pendant toute la campagne, provoquant une situation inédite en prenant une telle importance dans le débat politique du pays tout entier. Nul doute que notre statut, notre poids et notre légitimité ont été considérablement modifiés lors des dernières semaines ; c’est une donnée que nous devrons dorénavant prendre en compte.

Il faut noter qu’au niveau national comme local, une réflexion sur l’articulation entre les différents mouvements progressistes (associatifs, syndicaux, politiques) est en train d’être menée. Elle n’est certes pas nouvelle, mais a repris depuis le 29 mai une actualité indéniable. il sera important de rappeler sans cesse que l’engagement d’attac contre le projet de "traité constitutionnel" se situe dans la droite ligne de toutes nos luttes depuis 1998. Altermondialistes, nous sommes contre la marchandisation du monde (mais pour des biens communs mondiaux), contre la précarisation des droits (mais pour une société juste et solidaire), contre le néolibéralisme (mais pour une société de coopération, équitable, démocratique). Attac, mouvement engagé, citoyen et altermondialiste, producteur d’analyses et d’alternatives, continuera son action sur la ligne qui est la sienne depuis le début : tantôt collective, tantôt individuelle ; en bonne intelligence, en toute indépendance !

Rémi Daviau,
Attac 45