Le Loiret « met tout le monde à la porte » des hôtels, par Mourad Guichard (juin 2006) Publié par Libération, lundi 5 juin 2006

La préfecture va supprimer les 500 nuits offertes aux personnes en difficulté.

Jusqu’alors, les services préfectoraux du Loiret assuraient quotidiennement près de 500 nuitées d’hôtel pour les personnes en difficulté. Parmi elles, des « sans domicile fixe », des familles immigrées en attente de régularisation, mais aussi un grand nombre de demandeurs d’asile. A compter du 1er juillet, ils sont tous invités à trouver une autre solution d’hébergement, la préfecture « réaffectant » ces crédits. Dans l’un de ces hôtels de l’agglomération orléanaise, c’est l’incompréhension. Ali, Nawel et leurs enfants, une famille algérienne, exhibent les preuves d’une intégration réussie. Ali est ingénieur automobile et collectionne les promesses d’embauche. Ses deux grands enfants sont scolarisés dans l’école voisine. Aucune raison de repartir à zéro dans moins d’un mois. Il y a aussi Kristina et Arsen, deux jeunes arméniens fraîchement mariés et parents d’un petit David. Elle possède une carte de résidence de dix ans, mais lui n’a plus aucun titre en poche. Il a dû quitter son travail après que la préfecture ne lui a pas renouvelé ses deux récépissés de trois mois. La famille ne vit plus qu’avec un RMI pour trois. Gertrude, elle, a fui l’Angola en guerre. Elle vit avec ses deux enfants et Magloire, son époux rencontré en France. Ils attendent en vain un signe de la préfecture ou de l’Ofpra. Isidor, enfin, est arrivé de la république démocratique du Congo en septembre 2002. Son épouse vient de donner naissance à deux jumeaux. Il n’a pu les reconnaître faute de papiers en règle.

Aux côtés de ces demandeurs d’asile, il y a Irène, la maîtresse des lieux. Cette mère de famille, la quarantaine distinguée, a repris cet hôtel il y a quatre ans. Très vite, elle s’est prise de sympathie, puis d’amitié, pour ses résidents. « Je savais bien que cette situation ne durerait pas, mais je pensais les voir partir un jour pour des logements pérennes. Pas pour être mis à la rue. » Paulette Lesage, la présidente départementale de la Croix-Rouge, applique sans sourciller les décisions préfectorales qui menacent cette centaine d’enfants scolarisés et leurs parents. Les associations de défense, dont le Réseau éducation sans frontières (RESF), appellent à la mobilisation. Une manifestation est prévue le 24 juin à Orléans. « Il y avait déjà toutes ces familles expulsables à la fin de l’année scolaire, souligne Raynaldo Ruiz, du collectif RESF. Cette directive également de la préfecture du Loiret demandant aux gérants d’hôtels de pouvoir effectuer des contrôles dans leurs parties communes. Et maintenant, cette décision radicale de mettre tout le monde à la porte. »

Au sein même du corps préfectoral, certains s’étonnent : « La plupart de ces demandeurs d’asile répondent aux critères de régularisation. Ils ont fait une grande partie du chemin vers leur intégration dans la société française. Nous pourrions jouer le jeu et leur délivrer un titre de séjour provisoire. Je ne comprends pas cet acharnement à le leur refuser. »