Dossier "libéralisation d’EDF" (été 2007) Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°42 (été 2007)

1/ "L’électricité doit être un vrai service public !" - communiqué d’Attac 45.

2/ "Une spoliation à venir de la collectivité nationale", par des cadres dirigeants d’EDF.

3/ "EDF : désinformation sur toute la ligne", par Christiane Marty.

4/ "Questions/réponses et conseils", par Que Choisir.

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L’électricité doit être un vrai service public !

Communiqué d’Attac 45, juin 2007

Attac affirme son opposition à la libéralisation du marché de l’électricité, qui va provoquer :

 Une augmentation considérable des tarifs afin de satisfaire aux exigences de profit des actionnaires privés (voir les +39 % en Espagne, +49 % en Allemagne, +67 % en Finlande, +77 % en Suède, +81 % au Royaume-Uni, +92 % au Danemark. En France, pour les entreprises qui ont +76 % pour les entreprises qui ont changé de contrat) ; ainsi que la disparition programmée du tarif régulé et de la péréquation tarifaire qui permet l’égalité de traitement entre les usagers.

 Des dysfonctionnements dus à la fragmentation des activités, des responsabilités et des intérêts entre plusieurs partenaires centrés sur leur volonté de rentabilité (voir les sous-investissements chroniques dans les moyens de production et le réseau ; les pannes et coupures de courant en Californie, Grande-Bretagne, Italie, Espagne et en novembre 2006, la coupure en cascade qui a touché plus de 10 millions de foyers européens).

Attac prône la création d’un service public de l’énergie en Europe et en France (qui passe par l’abrogation des directives européennes instaurent le marché de l’électricité et du gaz). Celui-ci doit permettre un droit effectif à l’énergie pour tous, et doit s’appuyer sur des économies d’énergie, sur la définition et le contrôle citoyen de la politique énergétique sur des choix de modes de production diversifiés qui intègrent les conséquences sociales et environnementales sur l’effort de recherche dans la maîtrise de l’énergie et la production du futur.

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Une spoliation à venir de la collectivité nationale

par des cadres dirigeants d’EDF

Electricité de France appartient à la Nation. EDF a été créé en 1946 comme entreprise publique, à l’issue d’un processus de nationalisation du secteur électrique de notre pays, inscrit dans le programme du Conseil National de la Résistance, mis en place par la volonté conjointe de Jean Moulin et du général de Gaulle.

Ce processus venait sanctionner des décennies de crises et de faillite des "trusts électriques", épithète utilisé quasi unanimement avant-guerre pour désigner l’oligopole français des grands électriciens. Concentrations, coûts élevés, abus de positions dominantes en matière de tarifs aux usagers ainsi qu’à une partie de l’industrie (notamment les PMI) ou aux collectivités locales distributrices, sous-équipement en moyens de production et de transport, incapacité à mener un programme hydro-électrique ambitieux et restrictions de l’offre en tous domaines, tel était l’état du secteur avant-guerre.

En 1946, le choix a été fait explicitement de la nationalisation de l’électricité en écartant l’étatisation. C’était un choix lourd de conséquences à bien des égards, qui s’est traduit notamment par le tripartisme du Conseil d’Administration (représentants de l’Etat, des usagers, du personnel) et, plus tard, par un cadre de régulation pluriannuel (les contrats Etat-EDF) fixant les engagements de performances au service de l’intérêt général et des usagers. Les collectivités locales, représentantes également des usagers-citoyens, avaient été, avec le personnel, à l’origine de la revendication de nationalisation : autorités concédantes de la distribution de l’électricité : elles ont joué un rôle important pour EDF depuis 1946.

Ainsi, dans l’affirmation "EDF appartient à la Nation" se sont trouvés directement concernés non seulement l’Etat, mais également les collectivités locales, les usagers et le personnel. Ce sentiment a été renforcé par le fait que, depuis des décennies, l’Etat n’a plus apporté de contribution financière à l’entreprise en capital, comme il aurait pu le faire en bon propriétaire. Les investissements, parfois très lourds comme le programme nucléaire et celui de réseau grand transport, ont été financés par l’autofinancement et les obligations (emprunts EDF), dont les charges ont toujours été supportées par les tarifs payés par les usagers. Dés lors s’est constamment trouvé confirmée, et renforcée, l’idée qu’EDF, en particulier ses actifs, tels que les centrales de production ou le réseau de transport, n’appartiennent pas à l’Etat mais aux usagers-citoyens, ce qui contribue ainsi à garantir la qualité et l’efficacité du service public de l’électricité au service de ces usagers. Dans ce domaine, il est possible d’avancer, sans excès, qu’EDF n’a pas démérité depuis 1946 et que, malgré des points noirs qui doivent être corrigés, sa réputation de réussite en matière de service public, de réussite sociale et industrielle, n’est pas usurpée. Car c’est un fait qu’EDF a assuré, avec un succès certain, sa mission de développement d’un service public de l’électricité de qualité et de proximité, offrant des tarifs parmi les plus compétitifs en Europe, et réduisant la dépendance énergétique d’un des pays, la France, les plus démunis en ressources énergétiques.

C’est avec cette histoire passée, que les français entendent dire aujourd’hui que la privatisation d’EDF est décidée par le gouvernement. Pour quelle raison ? Les arguments présentés varient mais ils n’enlèvent jamais la conviction qui est fondée sur ce constat : nous, citoyens-usagers, nous sommes propriétaires d’EDF et nous avons payé ses actifs, les moyens de cette entreprise, en payant nos factures d’électricité, de quel droit, au nom de quoi, au profit de qui, va-t-on nous spolier de ces biens en les vendant en bourse par cette privatisation ?

Légitimes interrogations ! D’autant que rien ne semble arrêter cette "résistible" marche à la privatisation, alors que chacun des maillons de sa justification est profondément contestable. Et puis, si on veut vendre EDF, quelle serait d’ailleurs sa valeur ? A l’examen précis de cette question fondée sur des données financières solides, il apparaît qu’EDF a une valeur très élevée pour la collectivité nationale, mais que, en raison des provisions qui devraient être faites par une entreprise privatisée, EDF, telle qu’elle est, ne pourrait être achetée que pour une valeur faible par un investisseur privé. Devant cette situation, il va donc être procédé à un transfert à l’Etat de dettes et d’engagements, pour vendre EDF à un prix "soutenable", (suffisant au regard de l’opinion) et pour garantir, en sus, des profits substantiels aux acquéreurs privés.

Ainsi se prépare une double spoliation : par la décision de cette privatisation, d’abord la perte de la propriété des usagers-citoyens sur EDF, et, pour la rendre possible, le transfert, ensuite, de charges actuelles et futures à l’Etat ainsi que la réduction des droits du personnel, des collectivités locales, des usagers.

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EDF : désinformation sur toute la ligne

Par Christiane Marty, membre du conseil scientifique d’Attac.

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Des attaques régulières contre les soi-disant privilèges exorbitants des agents EDF se multiplient sans aucune possibilité de démenti. On nous dit que le personnel paie l’électricité moins cher et donc la gaspille allègrement, c’est d’ailleurs le seul moment où on parle de la nécessité des économies d’énergie ! On entend que le comité d’entreprise d’EDF est le plus riche de France et que ce sont les citoyens ordinaires qui par leur facture d’électricité paient pour les vacances du personnel d’EDF, et qui paient aussi pour leur retraite. Ou que la garantie de l’emploi est un privilège honteux dans le contexte actuel de chômage.

Il faut a minima rétablir quelques vérités. Il est vrai que les salarié-es d’EDF paient moins cher leur électricité, c’est un élément de leur salaire, de même que l’offre de séjours de vacances à des prix avantageux dans des centres gérés par le Comité d’entreprise. Si le budget du comité d’entreprise était transformé en augmentation de salaire pour le personnel, celle-ci serait environ de 5%. L’avantage que représente le kilowattheure moins cher ne dépasse pas 1500 euros par an pour un grand pavillon. Même en intégrant ces deux éléments de salaire (l’avantage de l’électricité moins chère et la récupération en salaire du budget du CE) le salaire moyen du personnel d’EDF est à qualification équivalente inférieur au salaire moyen dans le secteur privé.

Alors combien coûte aux citoyens ordinaires les "extraordinaires privilèges" des salariés d’EDF ? L’Etat -donc le contribuable- n’a pas versé un euro à EDF depuis 22 ans, et c’est au contraire EDF qui chaque année verse à l’Etat une rémunération qui varie selon les années entre 300 millions et 1,3 milliards d’euros. Les pensions des retraité-es d’EDF sont payées par les cotisations patronales et salariales d’EDF, sans contribution extérieure. Au final, l’unique canal de prélèvement sur les usagers-citoyens se fait à travers leur facture d’électricité et de gaz : or le prix du kilowattheure en France est l’un des moins chers d’Europe !

Mais alors, si le service public est capable d’offrir aux usagers un kilowattheure très bon marché, s’il est capable non seulement de ne pas absorber des crédits publics mais au contraire de rémunérer l’Etat, et en même temps de donner à ses salariés des "avantages" considérables ainsi que la garantie de l’emploi, c’est que son principe est bien supérieur à celui du marché, non ? Plutôt que vouloir remplacer le service public qui a prouvé son efficacité par le marché de l’énergie qui a montré son échec, ne doit-on pas exiger du gouvernement l’arrêt du processus en cours ? Et exiger la participation démocratique à la définition de la politique énergétique ?

Tout ceci est à mettre en parallèle avec le fait qu’aujourd’hui, EDF étant devenue une société anonyme (capital ouvert, présence d’actionnaires), elle se comporte comme les autres "majors " du secteur, visant la rentabilité : les bénéfices ont atteint 4.2 milliards d’euros nets en 2006 ! Le chiffre d’affaires consolidé est de 59 milliards d’euros, en augmentation de 15.4 % par rapport à 2005. Les actionnaires (dont l’Etat, bien sur) peuvent être satisfaits, ces résultats florissants participe à l’appréciation de l’action EDF (qui a doublé en 18 mois).

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Questions/réponses et conseils

par Que Choisir

(1) Concrètement, qu’est-ce qui change à partir du 1er juillet 2007 ?

A partir du 1er juillet 2007, le consommateur peut s’approvisionner en gaz et en électricité chez d’autres fournisseurs que chez les fournisseurs historiques EDF et Gaz de France.
Le consommateur aura deux possibilités :
 Soit conserver ses contrats en cours avec EDF et Gaz de France et continuer à bénéficier des tarifs réglementés. Ce que nous lui conseillons. Ces tarifs, qui sont encadrés par l’Etat ne seront proposés que par les fournisseurs historiques.
 Soit quitter les tarifs réglementés et choisir une offre au prix de marché. Ces offres dont les prix évoluent librement seront proposées par tous les fournisseurs d’énergie, y compris EDF et Gaz de France.

(2) Quelle est la différence entre les tarifs réglementés de vente de l’énergie et les prix de marché ?

Les tarifs réglementés sont fixés par les pouvoirs publics, plus précisément par le ministre en charge de l’économie et de l’énergie, sur avis de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Avant le 1er juillet 2007, si le consommateur utilise déjà l’électricité et / ou le gaz dans son logement, c’est l’offre dont il dispose, dans tous les cas.
 Les tarifs réglementés garantissent une certaine stabilité aux consommateurs car leur évolution est contrôlée.
 Les tarifs réglementés ne peuvent être proposés que par EDF pour l’électricité et Gaz de France pour le gaz.
Les prix de marché sont fixés librement par les fournisseurs et déterminés par un contrat.
 Les prix de marché peuvent fluctuer beaucoup plus rapidement que les tarifs réglementés.
 Les prix de marché sont proposés par tous les fournisseurs d’énergie du marché (y compris EDF et Gaz de France) à partir du 1er juillet 2007.

(3) Qu’appelle-t-on l’éligibilité ?

L’éligibilité est la possibilité pour un consommateur de choisir son fournisseur d’énergie. Ce terme traduit donc la possibilité pour un consommateur donné, sur un site déterminé, de souscrire, s’il le souhaite une offre au prix de marché. L’éligibilité est liée au logement et non au client. Cela signifie que si le consommateur souscrit une offre au prix de marché dans un logement donné, il ne pourra plus revenir en arrière et souscrire une offre au tarif réglementé dans ce logement. C’est que qu’on appelle l’irréversibilité de l’éligibilité.

(4) Si le consommateur souscrit une offre au prix de marché, peut-il revenir en arrière et bénéficier de nouveau des tarifs réglementés ?

NON. Le fait de souscrire une offre au prix de marché auprès de l’opérateur historique ou chez un autre fournisseur a pour conséquence l’abandon définitif des tarifs réglementés pour le site concerné. Le fournisseur d’énergie auprès duquel le consommateur souscrira son contrat est tenu de faire mention de cette irréversibilité, mais il peut le faire en termes peu clairs. Les consommateurs doivent être vigilants !
Pour bénéficier de nouveau des tarifs réglementés, la seule solution qui s’offre au consommateur qui aura fait jouer son éligibilité, est :
 d’emménager dans un logement pour lequel le précédent occupant n’a pas souscrit d’offre au prix de marché que ce soit pour l’électricité ou pour le gaz,
 d’emménager dans un logement neuf ouvrant la possibilité de souscrire, pour l’électricité seulement, un contrat aux tarifs réglementés jusqu’en 2010.

(11) A partir du 1er juillet, certains fournisseurs (EDF, Gaz de France et Poweo) proposeront aux consommateurs de souscrire une offre unique pour l’électricité et le gaz. Le consommateur a-t-il intérêt à accepter une offre bi-énergie ?

NOUS NE LE CONSEILLONS PAS. En effet même si ce type d’offres « couplées » (autrement appelées duales ou bi-énergie) peut être pratique, le choix d’un fournisseur unique pour le gaz et l’électricité suppose automatiquement la renonciation aux tarifs réglementés.
L’intérêt pour le consommateur est d’avoir une seule facture pour l’électricité et pour le gaz et donc un seul interlocuteur, ce qui peut être très pratique. Le problème est que ce type d’offres ne peut se faire qu’aux prix de marché, soit pour les deux énergies (électricité et gaz) soit pour au moins l’un des deux (si elle est souscrite chez un fournisseur historique). Le consommateur doit être très vigilant car même si l’offre couplée pour le gaz et l’électricité est proposée par EDF ou Gaz de France, elle se fera au prix de marché pour l’une des deux énergies, voire les deux.
La seule façon pour le consommateur de conserver les tarifs réglementés pour l’électricité comme pour le gaz est de s’approvisionner respectivement chez EDF (pour l’électricité) et chez Gaz de France (pour le gaz). Cela suppose donc de conserver deux fournisseurs, c’est l’option que nous conseillons.

(12) Pourquoi l’UFC-Que Choisir conseille aux consommateurs de conserver les tarifs réglementés ?

Chez nos voisins européens comme chez les professionnels, l’ouverture des marchés de l’énergie s’est traduite par une hausse spectaculaire des prix libres. Le risque de voir grimper les prix de vente de l’énergie sur le marché dérégulé est bien réel. Or, l’électricité et le gaz sont des dépenses obligatoires pour les ménages. Toute augmentation aura un impact direct sur le pouvoir d’achat des consommateurs.
Les tarifs réglementés sont les seuls à garantir aux consommateurs stabilité et sécurité.
Par ailleurs, l’abandon des tarifs réglementés est irréversible. Même en cas de forte hausse des prix sur le marché libre, les consommateurs domestiques qui souscriront une offre au prix de marché ne pourront pas revenir en arrière.

(28) Est-ce que la qualité de l’énergie que le consommateur achète dépend de son fournisseur ?

NON. La qualité de l’énergie qui arrive jusqu’à son compteur dépend des gestionnaires de réseaux. Elle est la même quel que soit le fournisseur d’énergie. Le transport et la distribution de l’électricité et du gaz restent une activité gérée en monopole.

(29) Est-ce que les services d’urgence et de dépannage (électricité et gaz) varient selon les fournisseurs ?

NON. Les services d’urgence et de dépannage sont toujours assurés par le gestionnaire du réseau de distribution, quel que soit le fournisseur d’énergie.

(32) Qui sera chargé de relever les compteurs d’électricité et de gaz ?

Pas de changement avec l’ouverture des marchés. La relève des compteurs continuera à être assurée par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité et de gaz.

L’intégralité du questionnaire ainsi que l’ensemble du dossier EDF de Que Choisir se trouve ici !