Luxe, calme et impunité : les paradis fiscaux, par Rémi Daviau (févr. 2004) Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°23, février-mars 2004.

Iles Vierges, Grenade, Malte, Bahamas, Luxembourg, Lichtenstein, Guernesey, Antigua, et tant d’autres... Ces territoires, tous plus petits et discrets les uns que les autres, ont en commun de possèder une législation fiscale extrêmement laxiste qui permet d’accueillir tout capital financier, quelque soit son origine, son détenteur, et la manière dont il a été généré. Bien que les modalités se déclinent de manière différente sur l’ensemble de la soixantaine de paradis fiscaux qui existent dans le monde, les principes d’hospitalité sont toujours les mêmes : un impôt faible ou nul, le secret bancaire et l’immunité judiciaire. Sur cette base, les services proposés sont multiples :

 Evasion fiscale permettant de se soustraire à l’impôt (spécial grosses fortunes personnelles et multinationales) ;
 Blanchiment de capitaux issus d’activités illégales (banditisme, mafias, corruptions diverses), c’est-à-dire réinvestissement de l’argent criminel dans les circuits financiers internationaux, après avoir été viré sur les comptes de sociétés fictives, "écrans" ; ce mouvement représente plus de 900 milliards d’euros par an ;
 Hébergement de sociétés douteuses, qui peuvent alors exercer leur activité sans contrôle (on connaît surtout le cas des "pavillons de complaisance", ces domiciliations navales permissives pour sociétés exploitant une main d’oeuvre de miséreux, sur des bateaux pourris qui finissent un beau jour par se casser en deux en pleine mer).

Les paradis fiscaux n’existent que parce qu’on le veut bien : situés à proximité de là où se trouve l’argent (Europe de l’ouest, Etats-Unis, Asie), ils sont tous d’une manière ou d’une autre sous influence des Etats riches, quand ils ne leur appartiennent pas directement (près de la moitié d’entre eux sont sous pavillon britannique...). Les Etats-Unis, en forçant toutes les places financières soupçonnées à coopérer dans le cadre des recherches sur les financements d’Al Qaïda, ont montré qu’une réelle volonté politique suffit pour lutter efficacement contre les réseaux financiers illégaux...

"Les paradis judiciaires - appelons-les tels qu’ils sont - sont la contradiction cachée du néocapitalisme mondialisé : les capitaux vont se réfugier, au nom de la libre circulation, derrière de nouvelles frontières, plus opaques et plus infranchissables que ne l’ont jamais été celles des Etats-nations. Frontières artificielles, bien sûr, qui sont celles de micro-Etats plus ou moins mafieux, ou de faux nez discrets des grandes démocraties occidentales, créés de toutes pièces pour favoriser les juteuses affaires"*.

"Je constate que la plupart des groupes de dimension internationale ont des comptes dans des paradis fiscaux (...). C’est devenu un outil de gestion banal (dont) le principal intérêt est d’assurer une certaine opacité. (...) Nous n’avons accès qu’à un très petit nombre de dossiers. Peut-être un sur mille ou un sur un million, c’est impossible à savoir."

Renaud Van Ruymbeke (juge d’instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris), le Monde du 1er janvier 2004, à propos du scandale de la multinationale italienne de l’agroalimentaire Parmalat.

Rémi Daviau, Attac 45

* Jean de Maillard, magistrat spécialiste de la criminalité internationale : "Quand les mafias prospèrent dans les paradis judiciaires", dans Contre la dictature des marchés - publ. attac.

P.-S.

A lire :
Les paradis fiscaux, par attac.
En finir avec la criminalité économique et financière, par attac & Syndicat de la magistrature.